Depuis le 3 juillet 2016, de nouvelles règles relatives aux abus de marché sont entrées en vigueur.
Faiblesses du cadre juridique précédent
Ces nouvelles règles (1) visent à garantir l’intégrité et l’efficacité des marchés financiers afin de renforcer la confiance des investisseurs (2), dans le prolongement de ce qui a été initié par la directive 2003-6 (3), notamment en termes de sanctions d’abus de marché.
Néanmoins, l’application des sanctions administratives, telles que prévues par la directive 2003-6, s’est révélée défaillante, notamment en ce qu’elle n’avait pas l’effet dissuasif escompté. En effet, il est apparu que seules des sanctions pénales seraient susceptibles de dissuader les auteurs potentiels de ce type d’infractions, quand les textes alors en vigueur ne prévoyaient que des sanctions administratives.
Cadre juridique harmonisé en matière pénale
Par conséquent, la directive 2014-57, adoptée sur la base du nouvel article 83, paragraphe 2 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), est venue modifier le régime des sanctions, puisqu’elle impose désormais aux Etats membres de prévoir des sanctions pénales en cas d’abus de marché.
L’article 83 du TFUE (4) prévoit, sous conditions, que l’Union européenne peut « établir des règles minimales relatives à la définition des infractions pénales et des sanctions (…) pour assurer la mise en œuvre efficace d’une politique de l’Union ».
Au cas particulier des abus de marché, cette compétence a donc été exercée afin de mettre un terme au grand morcellement des législations des Etats membres qui nuit à l’intégrité du marché, et qui a pour effet « d’inciter les acteurs du marché à la manipulation » (5).
La directive procède donc à une harmonisation a minima notamment en définissant les éléments constitutifs des infractions, et en sanctionnant les infractions les plus graves, tout en veillant à la non-violation du principe non bis in idem.
Définition des abus de marché
Ainsi, la directive (6) établit des règles minimales en matière de sanctions pénales applicables aux opérations d’initiés, à la divulgation illicite d’informations privilégiées et aux manipulations de marché, ces opérations étant considérées comme constituant des abus de marché (7).
Les Etats membres sont tenus de prendre les mesures nécessaires pour que ce type d’opération marché soit considéré comme une infraction pénale, sous réserve qu’il s’agisse de cas graves et que ces actes soient commis intentionnellement.
Un abus de marché est considéré comme étant grave lorsque l’opération a une incidence élevée sur :
- l’intégrité du marché ;
- le bénéfice envisagé ou la perte évitée ;
- le préjudice causé au marché ;
- la valeur globale des instruments financiers négociés.
Néanmoins, le cadre juridique français des abus de marché ne devrait pas en être profondément bouleversé compte-tenu des dispositions existantes pénalisant déjà les opérations d’initiés, les manipulations de cours, et la diffusion d’informations fausses ou trompeuses (8).
Le rappel du respect du principe non bis idem
Par ailleurs, la directive rappelle un principe essentiel selon lequel « non bis in idem » :
« Lors de l’application du droit national transposant la présente directive, les États membres devraient veiller à ce que l’application de sanctions pénales en cas d’infractions conformément à la présente directive et de sanctions administratives conformément au règlement (UE) no 596/2014 n’entraîne pas une violation du principe non bis in idem » (9).
En d’autres termes, les Etats membres doivent s’assurer qu’aucune sanction pénale ne soit appliquée à des agissements qui auraient déjà fait l’objet d’une sanction administrative dans le cas où les sanctions administratives et pénales sont de même nature.
Pourtant, la Cour de cassation française a admis l’exercice de poursuites devant le juge répressif parallèlement à une procédure conduite devant une autorité administrative aux fins de sanction administrative et a considéré, dans une affaire d’entrave au fonctionnement régulier d’un marché d’instruments financiers, que :
« L’article 50 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ne s’oppose pas à ce qu’une personne sanctionnée pour un manquement relevant de la compétence de l’AMF puisse, en raison des mêmes faits, être poursuivie et condamnée pour un délit dès lors que, d’une part, ce cumul garantit la sanction effective, proportionnée et dissuasive, (…) d’autre part, le montant global des amendes susceptibles d’être prononcées ne peut dépasser le plafond de la sanction encourue la plus élevée » (10).
C’est sur ce point que la pratique décisionnelle française devrait donc être plus particulièrement impactée par la directive 2014-57.
Frédéric Forster
Charlotte Le Fiblec
Lexing Droit Télécoms
(1) Directive 2014-57 du 16-4-2014 et règlement 596-2014 du 16-4-2014
(2) Considérant 1 de la directive 2014-57 du 16-4-2014
(3) Directive 2003/6/CE du 28-1-2003
(4) Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, art. 83
(5) Directive 2014-57 du 16-4-2014
(6) Directive 2014-57 du 16-4-2014, art. 1er
(7) Règlement 596-2014 du 16-4-2014, cons. 4
(8) Code monétaire et financier, art. L.465-1 et 465-2
(9) Directive 2014-57 du 16-4-2014, cons. 23
(10) Cass. crim. du 22-1-2014 n°12-83579