L’informatique quantique, peu connue du grand public, fait l’objet de débats dans la communauté scientifique.
Cette technologie comprend notamment l’ordinateur et la cryptographie quantique.
Certains voient dans cette technologie d’incroyables promesses, d’autres sont sceptiques face aux nombreux obstacles techniques et physiques.
L’informatique quantique est un sous-domaine de l’informatique, traitant des calculateurs quantiques utilisant des propriétés quantiques, telles que la superposition et l’intrication afin d’effectuer des opérations sur des données.
L’ordinateur quantique
L’informatique quantique comprend plusieurs sous-domaines dont les ordinateurs quantiques, machines à la puissance de calcul incomparable.
Contrairement à un ordinateur classique qui travaille sur des données binaires codées sur des bits représentant soit un 0 soit un 1, le calculateur quantique travaille sur des qubits dont l’état quantique peut posséder plusieurs valeurs économiques en représentant de manière simultanée un 0 et un 1.
L’intérêt est d’obtenir de la puissance. Les ordinateurs permettront d’explorer le Big data, des bases de données gigantesques pour faire des liens impossibles à faire à ce jour. Les ordinateurs quantiques seront capables de faire tous les calculs possibles, ce qui implique d’énormes risques en termes de sécurité ; les ordinateurs quantiques pourront menacer tous les systèmes de chiffrement.
Cryptographie quantique
La cryptographie quantique, autre sous-domaine de l’informatique quantique, est donc en plein développement. Elle a pour objet de donner à des interlocuteurs la clé pour décrypter de manière complètement sécurisée leurs messages cryptés. Cela implique qu’une tierce personne ne puisse pas avoir cette clé et décrypter le message en question.
Les algorithmes de chiffrement actuels ne seront plus, dans un futur proche, des solutions efficaces.
De nombreux acteurs se sont investis dans la construction d’un ordinateur quantique depuis les années 2000 dont le CEA en France. Récemment, on constate de nombreuses initiatives.
A titre d’illustration, IBM a rendu public en mai 2016 un de ses processeurs quantiques via une plateforme de cloud computing afin d’expérimenter cette technologie et de la rendre réelle.
L’agence spatiale chinoise a lancé le 16 août 2016 le premier satellite quantique de communication pour mettre fin à tous risques de sécurité des systèmes actuels.
Régime juridique
Aucun texte de loi ne définit cette technologie, dont les applications ne sont pas encore toutes appréhendées et délimitées. En conséquence, son régime juridique variera selon ses composants, ses applications et domaines.
De façon générale, la protection des innovations dépend de leur nature juridique, qui diffère fondamentalement selon qu’il s’agit, d’idée, de concept, de méthode ou de logiciel et selon que l’innovation peut ou non rester secrète. Le risque à éviter réside dans l’appropriation du concept par un tiers.
Les concepts regroupant tous les éléments intellectuels, idées, connaissances, méthodes, échappent à la protection du droit de propriété intellectuelle car ils ne remplissent pas les conditions permettant de bénéficier d’un brevet ou de droits d’auteur. Toutefois, il est possible de le défendre via le droit civil contre les tiers qui se l’approprient.
D’une part, la protection peut être envisagée par le brevet. Le brevet est un titre de propriété industrielle qui protège une invention, délivré par un office spécialisé permettant de bénéficier d’un monopole d’exploiter sur le territoire couvert par le brevet pendant une certaine durée. Son titulaire bénéficie ainsi d’un droit exclusif opposable à tous, lui permettant de tirer profit de son invention.
La notion d’invention n’est pas définie dans la loi. En revanche, la loi exclut expressément, à l’article L611-10 du Code de la propriété intellectuelle (1), certaines innovations du domaine des inventions brevetables :
- les découvertes ;
- les théories scientifiques et les méthodes mathématiques ;
- les créations esthétiques ;
- les plans, principes et méthodes dans l’exercice d’activités intellectuelles, dans le domaine des activités économiques ;
- les programmes d’ordinateur ;
- les algorithmes ;
- les présentations d’informations ;
- les méthodes de traitement chirurgical ou thérapeutique du corps humain ou animal et les méthodes de diagnostic appliquées au corps humain ou animal.
Les catégories précitées sont exclues en tant que telles de la brevetabilité. Néanmoins, si une invention comprend entre autres l’une ou l’autre de ces catégories, elle ne sera pas nécessairement exclue du domaine de la brevetabilité.
L’ordinateur quantique et la cryptographie quantique ne doivent pas être de simples programmes d’ordinateur ou méthodes mathématiques pour être brevetables. Une innovation qui s’appuie en tout ou partie sur un logiciel peut être protégée par un brevet si elle respecte les critères suivants :
- l’invention doit constituer une nouveauté ;
- elle doit être le résultat d’une activité inventive et ne doit pas découler d’une manière évidente, pour « l’homme du métier », de l’état de la technique ;
- être susceptible d’une application industrielle.
D’autre part, cette technologie peut être protégeable par le droit d’auteur à condition d’être une « œuvre de l’esprit » originale quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination selon l’article L112-1 du Code de la propriété intellectuelle (2). Le critère impératif d’originalité est apprécié souverainement par les juges du fond au regard de l’empreinte de la personnalité de l’auteur.
L’application d’informatique quantique peut contenir des composants multiples : logiciel, algorithme, etc. Elle pourra constituer une œuvre complexe (3), définie par la Cour de cassation, qui impose que chaque élément se voit appliquer le régime qui lui est propre.
Les algorithmes sont en revanche exclus de cette protection. Les dispositions du Code de la propriété intellectuelle excluent plus précisément « les idées et principes qui sont à la base des algorithmes ».
Toutefois, si cet algorithme est incorporé dans un logiciel développé, il est protégeable par le droit d’auteur en tant que logiciel ou matériel de conception préparatoire, sous réserve de son originalité.
En plus des protections légales, ci-dessus exposées, il convient de recourir à des dépôts probatoires afin de donner une date certaine aux éléments déposés.
Enfin, il existe des contrats nécessaires à la protection, au développement mais aussi à l’’exploitation du projet informatique quantique. Cette protection contractuelle est à mettre en place avec les acteurs intervenant à l’élaboration de l’innovation.
Il convient d’effectuer donc pour chaque application d’informatique quantique, un audit de propriété intellectuelle afin de déterminer les mesures de protection adéquates.
Marie Soulez
Julie Langlois
Lexing Propriété intellectuelle Contentieux
(1) CPI, art. L611-10.
(2) CPI, art. L112-1.
(3) Cass. 1e civ., 25-6-2009, n°07-20387 X c/.Sté Sesam.