La Cour de cassation a tranché la question relative au signalement de radars sur le réseau social Facebook.
Le signalement de radars sur le réseau social Facebook n’est pas illicite.
Dans son arrêt du 6 septembre 2016, la Cour de cassation a relaxé les membres du groupe Facebook baptisé : « Le groupe qui te dit où est la police en Aveyron ».
Ce groupe Facebook permettait de signaler la position des forces de l’ordre et des contrôles routiers en Aveyron.
Une douzaine d’utilisateurs du réseau social Facebook, membres du groupe précité, a été citée à comparaître devant le Tribunal correctionnel de Rodez du chef d’usage d’avertisseur de radars interdit. Le visa de la citation était l’article R413-15 du Code de la route. Tous avaient été déclarés coupables dans un jugement rendu le 9 septembre 2014.
La Cour d’appel de Montpellier a infirmé le jugement et relaxé les utilisateurs en question. Celle-ci a en effet adopté une lecture plus littérale du Code de la route. L’utilisation d’un réseau social, tel que Facebook, ne peut être considérée comme l’usage d’un avertisseur de radars.
A suite de cet arrêt, le parquet s’est pourvu en cassation. La Haute juridiction devait juger si le signalement de radars par un groupe Facebook pouvait être considéré comme l’usage d’un avertisseur de radars.
La Haute juridiction a pu ainsi trancher la question : il n’est pas interdit d’avertir et d’informer de la localisation des radars sur un réseau social.
Afin de mieux saisir le sens, la valeur et la portée de cet arrêt, il convient de dresser un état des lieux des technologies antiradars successivement utilisées par les automobilistes, ainsi que les réponses apportées par la loi.
Quelles sont les technologies de signalement de radars utilisées par les automobilistes ?
Les technologies relatives au radar se composent principalement de deux catégories :
- les détecteurs de radars ; et
- les avertisseurs de radars.
Les détecteurs de radars désignent tout appareil capable de repérer la présence des radars mobiles, embusqués ou fixes. Ces technologies sont basées sur la détection des ondes électromagnétiques que ces derniers émettent (1).
Ils ne doivent pas être confondus avec les avertisseurs de radars. Ces derniers désignent les dispositifs ayant vocation à informer en temps réel le conducteur de la présence d’un radar fixe ou mobile ou d’un contrôle de police. Il peut s’agir d’un boîtier spécifique, un système GPS portable ou embarqué dans le véhicule disposant de cette information, d’une application pour téléphones mobiles, etc.
Les avertisseurs de radars sont largement utilisés et connus du grand public sous les noms, Waze, Coyote, Inforad, Wikango et beaucoup d’autres encore.
Il est intéressant de noter qu’en l’espèce, le groupe Facebook partageait avec le détecteur de radars et les avertisseurs de radars prohibés la même fonction : le signalement par leurs utilisateurs de la position géographique des radars.
Les détecteurs de radars, puis les avertisseurs de radars, ont progressivement été encadrés par le Code de la route.
Que dit le Code de la route ?
Dans un premier temps, le décret 2001-251 du 22 mars 2001 a interdit la vente, la détention, l’utilisation et le transport des détecteurs de radars. Le Code de la route interdisait ainsi la commercialisation et l’usage des détecteurs de radars, alors que les avertisseurs restaient licites, dans la mesure où ils n’entraient pas dans cette catégorie.
Plus d’une décennie après cette première interdiction, le décret 2012-3 du 3 janvier 2012 a également encadré l’usage des avertisseurs de radars. Ce décret a été adopté à la suite d’une mesure préconisée par le Comité Interministériel de la Sécurité Routière (CISR) du 11 mai 2011 (2).
L’article R413-15 du Code de la route prohibe depuis également l’usage de dispositifs ou produits visant à avertir ou informer de la localisation d’appareils, instruments ou systèmes servant à la constatation des infractions à la législation ou à la réglementation de la circulation routière.
L’usage des avertisseurs de radars est puni d’une amende de 1500 euros. Un retrait de 6 points sur le permis de conduire complète l’amende.
L’interdiction des avertisseurs de radars reste néanmoins plus souple que celle des détecteurs. En effet, l’encadrement résulte d’un compromis entre l’Etat et l’Association Française des Fournisseurs et utilisateurs de Technologies d’Aide à la Conduite – AFFTAC (3). Ce compromis a été formalisé par un protocole conclu le 28 juillet 2011.
Ce protocole prévoit que l’ensemble des outils d’aide à la conduite n’indiquent plus la localisation des radars fixes ou mobiles. Ces outils indiquent seulement les « sections de voies dangereuses » qui pourront comporter ou non des radars. Cet accord a, par ce biais, sensiblement réduit la portée de l’interdiction d’usage des avertisseurs de radars.
Le groupe Facebook en question passait outre les subtilités du décret 2012-3 du 3 janvier 2012. Les utilisateurs y postent en effet des messages indiquant précisément la localisation des radars fixes ou mobiles et non simplement des sections de voies dangereuses.
Les pistes d’interprétation du Conseil d’Etat
L’incorporation des avertisseurs de radars dans le champ des dispositifs interdits a fait l’objet d’un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d’Etat en vue de son annulation.
Ce contentieux a permis au Conseil d’État d’énoncer des lignes directrices de compréhension et d’interprétation de l’article R413-15 du Code de la route. Le Conseil d’Etat a en particulier précisé que :
« Le code de la route ne prohibe pas le fait d’avertir ou d’informer de la localisation [de radars] mais uniquement la détention, le transport et l’usage des dispositifs et produits ayant spécifiquement cette fonction » (4).
Ainsi ce n’est pas le signalement de radars qui est interdit mais l’usage d’un dispositif dédié/spécifique ayant uniquement cette fonction.
Ce raisonnement a été suivi par la Cour de cassation et appliqué au réseau social Facebook.
L’exclusion du réseau social Facebook du champ des avertisseurs de radars ?
Pour exclure le réseau social Facebook du champ des avertisseurs de radars, la Cour de cassation a justifié sa décision par trois considérations.
L’utilisation du réseau social Facebook, pour l’échange d’informations entre internautes, ne peut être considérée comme l’usage d’un avertisseur de radars.
Le réseau social Facebook n’a ni pour fonction unique de regrouper les informations relatives à l’existence de contrôles routiers en France, ni pour seul but de permettre d’éviter ces contrôles.
Il existe de multiples exemples d’utilisation, par les autorités publiques, des réseaux sociaux pour informer les automobilistes de la localisation de contrôles de vitesse et d’alcoolémie.
La Cour de cassation s’est donc prononcée sur la qualification du réseau social Facebook dans son ensemble pour en déduire que ce réseau social n’était pas dédié au signalement de radars.
Il est toutefois possible d’objecter que si le réseau social n’est pas dédié, le groupe Facebook en question a pour unique fonction le signalement de radars et de contrôles routiers.
Par ailleurs, les technologies d’aide à la conduite ne sont pas dédiées exclusivement au signalement de radars. Elles possèdent des fonctionnalités multiples (guidage, avertir d’un potentiel danger).
Quelle est la portée de l’arrêt pour les autres réseaux sociaux ?
La position de la Cour de cassation est claire : tant que le réseau social en question n’est pas uniquement dédié à signaler les contrôles routiers ni à les éviter, leur usage à cette fin est licite.
Les automobilistes pourront ainsi se servir de Facebook, Twitter, Google+ ou encore Linkedin pour signaler la position des radars ou des forces de l’ordre. Les Followers sur Twitter pourront utiliser le tweet avec pour hashtag #radarsenaveyron.
Automobilites et motards, rappelez-vous néanmoins la raison pour laquelle les pouvoirs publics ont décidé d’interdire les équipements permettant à certains usagers d’éviter ces contrôles. La vocation est d’agir pour davantage de sécurité sur les routes. Or, selon la sécurité routière, c’est 500 000 blessés et 32 000 vies qui ont été épargnés depuis 2012, dont près des 2/3 sont imputables à la baisse de la vitesse.
Didier Gazagne
Gabriel de Bousquet
Lexing Intelligence économique
(1) FAQ Sécurité routière – Questions fréquentes sur les avertisseurs de radars
(2) Comité Interministériel de la Sécurité Routière (CISR), Dossier de presse du 11-5-2011, Mesure 2
(3) Association Française des Fournisseurs et utilisateurs de Technologies d’Aide à la Conduite (AFFTAC)
(4) CE, 6-3-2013, n°355815, Sté NAVXI, Inédit au recueil Lebon, cons.7