Le droit de réponse est apprécié strictement par les juge du fond, pour éviter qu’il ne se transforme en tribune libre.
S’estimant mise en cause par un article du Figaro, une association de défense du patrimoine naturel et bâti a sollicité l’insertion d‘une réponse, sur le fondement de l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Le directeur de la publication a estimé ne pas devoir donner suite à cette demande et l’association a alors saisi le Tribunal de grande instance de Paris, sur citation directe, du chef de refus d’insertion d’un droit de réponse.
En défense, le prévenu a en premier lieu soulevé l’irrecevabilité de la demande d’insertion du droit de réponse, adressée par l’avocat de l’association qui, s’il avait joint un mandat spécial de représentation à sa demande, n’avait pas joint une copie des statuts de l’association, de sorte qu’il était impossible de vérifier si le vice-président de l’association, qui avait mandaté l’avocat, avait bien pouvoir pour ce faire.
En second lieu, le prévenu a soulevé l’absence de corrélation entre l’article et la réponse sollicitée.
Le tribunal, rejetant tant l’irrecevabilité que le moyen tiré de l’absence de corrélation entre la réponse et l’article, a prononcé des condamnations civiles et pénales à l’encontre du directeur de la publication du quotidien par jugement du 11 février 2016 (1).
Le directeur de la publication a relevé appel de la décision.
C’est dans ces conditions que la Cour d’appel de Paris a, par arrêt du 20 octobre 2016, infirmé le jugement du 11 février 2016 estimant que « l’exigence du critère de corrélation qui suppose que la réponse corresponde à la mise en cause de celui qui entend exercer ce droit, n’apparaît pas remplie en l’espèce ».
Les conditions de la demande du droit de réponse
Le premier alinéa de l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 dispose que « le directeur de la publication sera tenu d’insérer dans les trois jours de leur réception, les réponses de toute personne nommée ou désignée dans le journal ou écrit périodique quotidien sous peine de 3.750 euros d’amende sans préjudice des autres peines et dommages-intérêts auxquels l’article pourrait donner lieu ».
L’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 pose ainsi trois conditions à la validité d’une demande de droit de réponse :
- l’article incriminé doit avoir été publié dans un journal ou écrit périodique ;
- le titulaire du droit de réponse ne peut être qu’une personne nommée ou désignée, qu’il s’agisse d’une personne physique ou morale ;
- une mise en cause.
A ces conditions s’ajoutent les conditions posées par l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 qui impose que la demande de droit de réponse soit adressée dans un délai de trois mois qui suit la publication de l’article incriminé.
En l’espèce, le prévenu contestait la recevabilité de la demande de droit de réponse en affirmant que la demande de droit de réponse n’étant pas accompagnée d’une copie des statuts de l’association demanderesse, ne lui permettait pas de vérifier le pouvoir de représentation du signataire de cette demande.
Confirmant le jugement entrepris sur ce point, la cour a rejeté cet argument, estimant que « il ne peut être considéré que le seul défaut de production des statuts de l’association pouvait justifier, sans même faire état de cette carence éventuelle dans la réponse adressée à l’association, de refuser de faire droit à sa demande d’insertion ».
Le refus d’insertion de la réponse
Même dans l’hypothèse où la demande d’insertion de droit de réponse est recevable, il est cependant possible au directeur de la publication de refuser d’insérer la réponse sollicitée, dans quatre hypothèses qui ont d’ailleurs été vérifiées par la Cour d’appel de Paris, dans son arrêt du 20 octobre 2016.
Le premier motif pouvant justifier le refus par le directeur de la publication d’insérer la réponse sollicitée est l’hypothèse dans laquelle le contenu de la réponse est contraire à la loi, aux bonnes mœurs ou à l’ordre public.
Le deuxième motif de refus concerne les réponses qui sont attentatoires aux intérêts d’un tiers, identifié ou identifiable.
Troisième motif pour justifier un refus d’insertion de réponse : le texte de la réponse porte atteinte à la réputation du journal ou des journalistes. Sur ce point, la Cour d’appel de Paris a précisé que la réponse n’apparaît nullement attentatoire à l’honneur du journaliste. (…) Si le texte de la réponse s’emploie précisément à contester chacun des arguments avancés par le journaliste pour critiquer cette décision, il n’en résulte pas pour autant, la divergence de points de vue n’étant nullement présentée en des termes offensants, une atteinte portée à l’honneur du journaliste et à son intégrité professionnelle ».
Enfin, le directeur de la publication peut refuser d’insérer une réponse qui n’est pas en adéquation avec la mise en cause, en application du principe selon lequel « le droit de réponse n’est pas une tribune libre ! » (2).
C’est cette dernière condition qui a justifié l’infirmation par la Cour d’appel de Paris du jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Paris du 11 février 2016.
La cour d’appel a estimé que « l’exigence du critère de corrélation qui suppose que la réponse corresponde à la mise en cause de celui qui entend exercer ce droit, n’apparaît pas remplie en l’espèce ». Elle relève que « l’auteur du texte dont l’insertion est exigée par l’association, loin de se limiter à répondre sur sa mise en cause résultant du succès, présenté comme injustifié par le journaliste, qu’elle a rencontré dans le cadre de la procédure administrative, se livre, pour contester les arguments développés par le journaliste en réaction à la décision d’annulation du permis de conduire, à un exposé général (…) et à tenir des propos d’ordre général ».
Elle en conclut que « les propos tenus dans la réponse dont l’insertion était sollicitée excédant notablement la nécessité de se défendre de ceux mettant en cause l’association à travers le succès rencontré dans l’action judiciaire entreprise, le refus opposé par [le directeur de la publication] n’apparaît pas caractériser le délit de l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 ».
Virginie Bensoussan-Brulé
Chloé Legris
Lexing Contentieux numérique
(1) TGI Paris, 17e ch. corr. 11-2-2016 n°14225000001.
(2) J. Mazars, La liberté d’expression, la loi et le juge, in Rapp. C. cass. pour 2001, La Documentation française, 2002, p.180.