L’étendue de la volonté des parties, en matière de rupture des relations commerciales établies, a été précisée.
La Chambre commerciale de la Cour de cassation s’est prononcée sur l’impact de la volonté des parties en matière de rupture des relations commerciales établies (1).
Nous savons que les partenaires commerciaux sont tenus, de par les dispositions du Code de commerce, à une véritable obligation de loyauté dans la rupture des relations commerciales établies entre eux (1).
Selon les règles édictées par le Code précité, le délit civil que constitue la rupture brutale des relations commerciales établies entre deux partenaires commerciaux, se caractérise principalement par la chute brutale du chiffre d’affaires, résultant notamment de l’arrêt ou de la diminution brutale des commandes, peu important le motif de cette rupture.
En effet, le fait de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels, est un acte susceptible d’engager la responsabilité civile de son auteur.
Le juge doit caractériser l’existence d’une relation commerciale établie au vu des rapports entre les parties et non à l’aune des usages de la profession (2).
Dans le cas d’espèce, un cabinet de maîtrise d’œuvre avait contracté avec plusieurs filiales d’un même groupement de sociétés.
Les filiales du groupe ont rompus les relations commerciales avec le maître d’œuvre qui les a assignées devant le tribunal de commerce de Paris.
Les filiales ont alors opposé au demandeur deux exceptions d’incompétence : l’une a fait valoir l’incompétence de juridiction en se prévalant de l’existence d’une clause d’arbitrage, l’autre a fait valoir l’incompétence du tribunal de commerce saisi au prétexte qu’une clause prévue dans son contrat donnait compétence au tribunal de commerce de Créteil pour tout contentieux venant à naître.
La réponse à cette problématique n’était pas d’une limpide évidence, dans la mesure où le droit des pratiques restrictives de concurrence relève généralement de l’ordre public, laissant peu de latitude de manœuvre à la volonté des parties en ce domaine.
S’agissant de la clause d’arbitrage, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a validé sur ce point l’arrêt de la Cour d’appel, en affirmant ainsi que ni la nature délictuelle de l’action en responsabilité fondée sur la rupture brutale des relations commerciales établies, ni le caractère d’ordre public du contentieux en la matière, ne rendaient la clause d’arbitrage nulle ou inefficace.
Sur ce premier point, la Cour de cassation avait déjà statué en ce sens (3).
Toutefois, s’agissant de la clause attributive de juridiction, les hauts magistrats ont censuré les juges du fond aux motifs que les dispositions de l’article L.442-6 du Code de commerce attribuant le pouvoir juridictionnel, pour les litiges relatifs à son application, aux juridictions désignées par l’article D. 442-3 du même code, ne peuvent être mises en échec par la volonté des parties.
En effet, pour l’application de l’article L.442-6 du Code susvisé, le décret n° 2009-1384 du 11 novembre 2009 relatif à la spécialisation des juridictions en matière de contestations de nationalité et de pratiques restrictives de concurrence prévoit une compétence exclusive et d’ordre public à huit tribunaux de commerce sur tout le territoire de la République française (2).
Nonobstant le fait que les compétences matérielles sont généralement d’ordre public, l’argument tiré de l’efficacité d’une clause attributive de juridiction n’était pas inopportun, dans la mesure où la Cour de justice de l’Union européenne (4) a pu juger qu’une action indemnitaire fondée sur une rupture brutale de relations commerciales établies de longue date ne relevait pas de la matière délictuelle ou quasi délictuelle, au sens du règlement CE 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, mais de la matière contractuelle (3).
Cette prise de position de la juridiction européenne invitait ainsi les Hautes juridictions des Etats membres à statuer dans le même sens.
Par cet arrêt, censurant la Cour d’appel sur ce point, la Chambre commerciale de la Cour de cassation n’a, semble-t-il, pas été réceptive à cette invitation du juge européen.
Pierre-Yves Fagot
Maxime Guinot
Lexing Droit Entreprise
(1) Cass. com., 1-3-2017, n°15-22.675, Sté Cabinet maitrise d’oeuvre (CMO), et autre c/ Sté SNC Lavalin international, et autres ; C. com., art. L. 442-6 I 5°
(2) Cass. com., 12-2-2013, n°12-13819
(3) Cass. civ.1 , 8-7-2010, n°09-67.013
(4) CJUE, 14-7-2016, aff. C-196/15, Granarolo SpA c/ Ambrosi Emmi France SA