Plusieurs plateformes d’intelligence artificielle tentent de prédire les élections françaises avant le scrutin.
La guerre entre les sondeurs et l’IA pour prédire les élections
Si les sondages restent la méthode classique pour prendre le pouls des électeurs avant de voter, les plateformes d’intelligence artificielle sont devenues leurs concurrentes directes. Et si, pour ce premier tour des élections présidentielles, toutes les prédictions ne se sont pas révélées exactes, Filteris et « Predict My President » donnant ainsi François Fillon et Marine Le Pen en duo gagnant, cela n’enlève rien aux succès de leurs précédentes prévisions.
Les sondeurs se sont ainsi déjà inclinés sur des élections sensibles face aux prédictions des plateformes d’intelligence artificielle. Le logiciel indien MogIA donnait ainsi Donald Trump vainqueur des élections présidentielles américaines 10 jours avant l’issu du scrutin, contredisant tous les sondages, tout comme l’institut Filteris. De même, la startup Vigiglobe avait souligné une tendance à la victoire du « Brexit » face au « Remain », mais également des dynamiques favorables à François Fillon et à Benoît Hamon lors des primaires de leurs partis politiques.
Au fil des prédictions, réussies ou inexactes, les méthodes d’analyse se perfectionnent, dans l’optique de fournir des résultats futurs toujours plus proches de la réalité. Cette immixtion de l’intelligence artificielle jusque dans nos élections reflètent à quel point cette technologie prend une place toujours plus importante dans nos vies, au fur et à mesure qu’elle se perfectionne.
Prédire les élections grâce aux comparaisons algorithmiques de données
Quelles sont justement les méthodes d’analyse des plateformes ? A la différence des sondeurs, ces instituts ne se basent pas sur les intentions de vote des citoyens. Ils fondent leurs analyses sur une collecte massive de données issues des réseaux sociaux, principalement Twitter, et des commentaires sur les sites d’information. Puis des algorithmes classent les contenus en fonction de leur caractère positif ou négatif sur le candidat concerné. Cette analyse leur permet de dégager le « poids numérique » des prétendants à la présidence.
Certes, une plateforme d’intelligence artificielle ne peut pas toujours saisir un propos humoristique, ou au second degré. De même, les instituts ne tiennent souvent pas compte des « bots », ces comptes gérés par des programmes informatiques automatisés, qui représenteraient 9 à 15% des 319 millions utilisateurs actifs mensuels du réseau social Twitter (1). Il n’empêche, chaque média s’est intéressé cette année aux prédictions des plateformes d’intelligence artificielle pendant la campagne présidentielle.
Des règles strictes pour diffuser un sondage ou une prédiction
Afin de « garantir la sincérité du scrutin et [d’]éviter toute forme de pressions intempestives sur les électeurs », des règles strictes de diffusion sont mises en place la veille et le jour du vote, une fois la campagne close. Car si la communication sur internet est libre (2), une loi du 19 juillet 1977 (3) apporte des limitations sur la pratique des sondages, afin de garantir aux citoyens un vote le plus éclairé possible.
Ainsi, toute publication d’un sondage ou d’une enquête d’opinion qui serait susceptible d’influencer le vote, publiée la veille ou le jour du scrutin, est interdite. Cet acte est d’ailleurs passible d’une amende de 75 000 euros, d’après la loi de 1977. Cette interdiction ne vise pas simplement les médias et la presse, mais également, en théorie du moins, à des publications sur des blogs ou des réseaux sociaux. Par analogie, on peut donc associer l’interdiction de la publication de sondages pendant cette période à l’interdiction de prédictions de résultats par des plateformes d’intelligence artificielle.
Une plateforme d’intelligence artificielle à la présidence
Et s’il n’y avait qu’un pas entre prédire les élections et s’y présenter ? Si l’idée peut sembler absurde, elle s’est pourtant déjà –presque- concrétisée. La plateforme Watson d’IBM s’est ainsi portée candidate à l’élection présidentielle américaine en 2016. Si c’est l’artiste Aaron Siegel et non IBM qui est à l’origine de cette idée et à l’initiative du site de la campagne, cette « candidature » a de quoi faire réfléchir quant à la place de l’intelligence artificielle dans la vie politique future.
Marie Soulez
Julie Langlois
Lexing Propriété intellectuelle Contentieux
(1) University of Southern California, “Online Human-Bot Interactions: Detection, Estimation, and Characterization”, mars 2017.
(2) Art. 1er de la loi n°86-1067 du 30-9-1986 relative à la liberté de communication.
(3) Loi n°77-808 du 19-7-1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d’opinion.