L’usage de caméras piétons fait l’objet d’une expérimentation par la police et la gendarmerie qui a débuté en 2012. Ces caméras ont pour but de filmer les interventions des agents de la police nationale et des militaires de la gendarmerie nationale. Leur utilisation fait l’objet d’un encadrement législatif depuis 2016.
En effet, elle est spécifiquement régie par l’article L. 241-1 du Code de la sécurité intérieure, issu de la loi n°2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale. Cette loi a été complétée par un décret du 23 décembre 2016 (1).
Etendue de l’utilisation des caméras piétons
Les forces de l’ordre peuvent procéder à l’enregistrement de leurs interventions :
- en tous lieux ;
- dans le cadre de leurs missions de police administrative ou judiciaire ;
- en fonction de leur appréciation des circonstances de l’intervention et du comportement des personnes concernées.
Avant l’adoption du décret (1) portant application de l’article L. 241-1 du Code la sécurité intérieure, la Cnil a été consultée.
Dans sa délibération du 8 décembre 2016 (2), après avoir relevé la possibilité pour les policiers et gendarmes d’utiliser les caméras piétons « en tous lieux », la Cnil avait précisé que :
« le ministère devrait prévoir des règles spécifiques lorsque celles-ci sont utilisées au sein de lieux d’habitation, comme restreindre la possibilité de le faire à certaines circonstances et garantir une information individuelle systématique de la personne concernée, le cas échéant, à l’issue de l’intervention ».
Ces recommandations n’ont pas été suivies par le ministère de l’intérieur qui a toutefois promis qu’une « doctrine d’emploi » des caméras piétons serait élaborée.
Finalités et contenu des enregistrements
Les caméras-piétons sont utilisées aux fins de :
- prévention des incidents au cours des interventions ;
- constat des infractions et poursuite de leurs auteurs par la collecte de preuves ;
- formation des agents.
Les données et informations qui sont enregistrées par les caméras piétons sont :
- les images et le son de l’incident ;
- le jour et les plages horaires d’enregistrement ;
- l’identification de l’agent ou du militaire portant la caméra ainsi que du lieu où ont été collectées les données.
Protection des personnes filmées
Dans le but de protéger les personnes concernées par un enregistrement, les caméras doivent être portées de manière apparente, généralement sur l’uniforme au niveau du torse. Les personnes filmées doivent également être informées du déclenchement de l’enregistrement, sauf si les circonstances l’interdisent.
Protection des données enregistrées
Afin de les protéger, ces informations ne peuvent être consultées qu’à l’issue de l’intervention et uniquement par le chef du service, le commandant de l’unité ou les agents et militaires individuellement habilités. En outre, elles ne peuvent être conservées que pendant six mois à compter du jour de leur enregistrement, hors le cas où elles sont utilisées dans le cadre d’une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire.
Droit d’accès aux enregistrements
Les personnes concernées ont un droit d’accès indirect aux informations enregistrées, effectué par l’intermédiaire d’un magistrat de la Cnil.
Dans sa délibération du 8 décembre 2016 (2), la Cnil a fait part du souhait d’un droit d’accès direct, considérant que le droit d’accès indirect n’est pas fondé, ni nécessaire au regard des finalités du traitement.
Le caractère indirect de l’accès est en effet en principe fondé sur le caractère non communicable de tout ou partie des données concernées, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
En outre, il est à craindre qu’en raison de la durée de conservation des données et de l’absence de centralisation des traitements, l’effectivité réelle du droit d’accès indirect aux images ne puisse être garantie.
Déclenchement automatique des caméras piétons lors des contrôles d’identité
L’article L. 241-1 du Code de la sécurité intérieure ne prévoyant pas un enregistrement permanent par les caméras piéton, leur déclenchement dépend du policier ou du militaire qui en dispose. Cependant, pour les contrôles d’identité le législateur souhaite systématiser le déclenchement des caméras piéton.
Ainsi une loi du 27 janvier 2017 (3) prévoit une expérimentation d’une durée de un an à compter du 1er mars 2017, consistant en l’enregistrement systématique des contrôles d’identité effectués dans 23 zones de sécurité prioritaires (ZSP).
Généralisation de l’utilisation des caméras piétons
Le ministère de l’intérieur souhaite étendre l’utilisation des caméras piétons à d’autres agents.
Pour ce faire un deuxième décret du 23 décembre 2016 (4) a prévu la mise en place d’une nouvelle expérimentation concernant leur utilisation par les agents de la police municipale, dans des conditions similaires, jusqu’au 3 juin 2018 et une instruction du 1er mars 2017 (5) présente les règles et modalités d’emploi de ce dispositif au sein des forces de police et de gendarmerie.
De même, le ministère a étendu la possibilité d’utiliser des caméras piétons aux agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP (6 et 7), à titre expérimental, pour une durée de trois ans à compter du 1er janvier 2017.
Virginie Bensoussan-Brulé
Raphaël Liotier
Département Pénal numérique
(1) Décret n°2016-1860 du 23 décembre 2016 relatif aux conditions de l’expérimentation de l’usage de caméras individuelles par les agents de police municipale dans le cadre de leurs interventions
(2) Délibération n° 2016-385 du 8 décembre 2016 portant avis sur un projet de décret en Conseil d’Etat portant application de l’article L. 241-1 du code de la sécurité intérieure et relatif à la mise en œuvre de traitements de données à caractère personnel provenant des caméras individuelles des agents de la police nationale et des militaires de la gendarmerie nationale
(3) Loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté
(4) Décret n° 2016-1861 du 23 décembre 2016 relatif aux conditions de l’expérimentation de l’usage de caméras individuelles par les agents de police municipale dans le cadre de leurs interventions
(5) Instruction n° 180009 du 1er mars 2017 relative à l’emploi des « caméras piétons » mises en dotation dans les services de la police nationale et les unités de la gendarmerie nationaleInstruction n° 18009 du 1er mars 2017 relative à l’emploi des « caméras piétons » mises en dotation dans les services de la police nationale et les unités de la gendarmerie nationale
(6) Article L. 2251-4-1 du Code des transports, issu de la loi n°2016-339 du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs
(7) Décret n° 2016-1862 du 23 décembre 2016 relatif aux conditions de l’expérimentation de l’usage de caméras individuelles par les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens