La Commission européenne, qui avait été informée dès 2004 par une entreprise productrice de phosphates de l’existence d’une entente, a infligé une amende totale de 175 647 000 € aux producteurs de phosphates destinés à l’alimentation animale pour avoir mis en œuvre une entente illégale qui a duré plus de 30 ans. L’enquête a établi que l’entente existait dès mars 1969 et jusqu’en 2004. L’entente consistait à se partager le marché couvrant « la plus grande partie de l’UE » mais également « une grande partie du territoire de l’EEE » et à fixer les tarifs des phosphates. Selon la Commission européenne, de part la nature même de l’entente, sa durée et la coordination des prix et des conditions de vente entre les producteurs, cette entente est l’une des violations les plus graves de l’article 101 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (1). La Commission européenne a, en réalité, pris deux décisions :
- une première décision, aux termes de laquelle il a été fait application de la procédure simplifiée de transaction en faveur des entreprises qui ont d’abord admis leur participation à l’entente et ont ensuite accepté un règlement transactionnel (les procédures de transaction engagées sont fondées sur le règlement (CE) n° 622/2008 de la Commission du 30-06-2008 (2)) ;
- une seconde décision, qui concernait les entreprises productrices de phosphates qui n’ont pas admis leur participation à l’entente et qui ont choisi de ne pas accepter un règlement transactionnel.
Les critères qui ont été pris en compte par la Commission pour fixer le montant des amendes infligées aux groupes d’entreprises en cause sont les suivants :
- les ventes des entreprises concernées sur le marché en cause ;
- la gravité de l’infraction ;
- la portée géographique de l’entente ;
- la durée de l’entente.
En l’espèce, vu la durée de l’entente, plus de 30 ans, l’amende de nombreuses entreprises ayant mis en œuvre l’entente aurait dépassé la barre légale des 10% du chiffre d’affaires réalisé en 2009. Sur les 6 groupes de sociétés qui étaient concernés par l’amende, deux groupes de sociétés ont bénéficié de réduction en application de la communication sur la clémence. Sur les deux groupes de sociétés qui ont invoqué leur « incapacité de payer » l’amende et après une évaluation sur la base des comptes des derniers exercices, la Commission n’a accepté qu’une demande de reconnaissance de l’incapacité de payer. Selon la Commission, aux termes de la jurisprudence constante de la Cour de justice des communautés européennes et de l’article 16 du règlement (CE) n°1/2003 du Conseil, les victimes d’une infraction aux dispositions des articles 81 et 82 du traité CE peuvent utiliser la décision de la Commission comme une « preuve convaincante de l’existence et du caractère illicite des pratiques en cause ». Dans tous les Etats membres, les décisions des autorités nationales de concurrence (ANC) constatant une infraction à l’article 81 et 82 du traité CE constituent, par conséquent, des preuves de l’infraction aux règles de la concurrence dans le cadre d’actions civiles en dommages et intérêts engagées par les victimes.
(1) Livre blanc sur les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles sur les ententes et les abus de position dominante
(2) Règlement(CE) n° 622/2008 de la Commission du 30-06-2008