Le contract manager doit être très précautionneux dans la fixation du préavis raisonnable pour rompre un contrat.
Le préavis raisonnable et suffisant est devenu en matière commerciale l’équivalent de ce qu’il peut être en matière de baux d’habitation ou de licenciement. Comme dans ces deux domaines, on assiste aujourd’hui à un contentieux de masse.
Préavis raisonnable : prescriptions légales et jurisprudentielles
L’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce sanctionne la rupture brutale des relations commerciales établies entre professionnels, lorsqu’elle est prononcée « sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ».
Sur le fondement de ces dispositions, les juridictions apprécient la durée du préavis qui aurait dû être raisonnablement respecté. En l’absence d’usage ou d’accord interprofessionnel, la durée du préavis raisonnable qui aurait dû être accordé est fixée en considérant deux critères définis par la jurisprudence : l’ancienneté des relations commerciales et le degré de dépendance économique (1).
Le principal préjudice réparé en cas de rupture brutale correspond à la marge brute (chiffre d’affaires moins coûts de revient directs) que la société aurait réalisé dans le cadre de la relation avec son partenaire, pendant la durée du préavis raisonnable qui aurait dû être respecté.
Préavis raisonnable : bonnes pratiques
L’analyse chiffrée et systématique de nombreuses décisions de justice (2) dans le domaine permet d’établir que la durée raisonnable d’un préavis est d’un mois par année d’ancienneté de la relation commerciale établie.
Le contract manager sera donc bien inspiré de confronter le texte de la clause « durée » ou « résiliation » d’un contrat à ces règles qu’il faut considérer comme étant d’ordre public. Car, en effet, si le contrat ne prévoit pas une durée de préavis raisonnable (exemple : 3 mois seulement alors que la relation avec un fournisseur existe depuis une douzaine d’années), alors il faudra dans le courrier de rupture appliquer non pas la lettre du contrat mais un préavis plus long (presque un an dans le cas précité).
Fort heureusement, les dispositions du Code de commerce ne font pas obstacle à une rupture pour faute si le cocontractant n’exécute pas correctement le contrat, ni même à l’application de période de préavis plus courte si la relation n’est pas « établie » mais bel et bien précaire (3). Pour le contract manager, la meilleure pratique semble être bien de ne pas installer dans les esprits et dans les faits une relation commerciale établie mais bien des rapports commerciaux soumis à réexamen régulier, aux moyens de clauses de benchmark et d’engagements à durée déterminée et lancement régulier d’appels d’offres.
Enfin, il semblerait qu’avec la réforme du droit des contrats, dans le cas de contrats d’adhésion (C. civ. 1171) (c’est-à-dire imposés par une partie sans négociation possible), le préavis trop court puisse être considéré comme porteur d’un déséquilibre significatif. Le juge pourrait écarter une telle clause et c’est bien un préavis raisonnable qu’il devrait appliquer. Cette analyse vaudrait alors non seulement entre commerçants mais aussi entre artisans, professionnels agricoles et libéraux ; autrement dit, autant de terrains sur lesquels le contract manager se devra d’être encore plus vigilant.
Eric Le Quellenec
Lexing Informatique Conseil
(1) Cass. com. 15-6-2010, n° 09-66761.
(2) Bertrand Thoré, L’indemnisation de la rupture brutale des relations commerciales, Alain-Bensoussan.com 08-06-2012.
(3) DGCCRF, Rupture des relations commerciales : menace de rupture et rupture brutale, Fiche pratique 30-1-2017.