Par le décret 2017-630, la partie réglementaire du Code de commerce a fait l’objet d’un toilettage consécutif à la loi Sapin 2.
Par ce décret en date du 25 avril 2017 (1) et entré en vigueur le 28 avril 2017, le Conseil d’Etat a modifié le Code de commerce en application de plusieurs dispositions de la loi 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « Sapin 2 ».
Par ailleurs, sur autorisation du législateur, le gouvernement devait dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la loi Sapin 2, prendre par ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi afin de faciliter la prise de décision et la participation des actionnaires au sein des entreprises et d’encourager le recours aux technologies numériques dans le fonctionnement des organes sociaux. C’est chose faite depuis la publication de l’ordonnance 2017-747 du 4 mai 2017 portant diverses mesures facilitant la prise de décision et la participation des actionnaires au sein des sociétés (2).
En queue de comète de la loi Sapin 2, les nouvelles dispositions découlant de l’ordonnance et du décret d’application viennent toiletter le Code de commerce et amender, en vue de les simplifier, le régime des sociétés anonymes, des sociétés à responsabilité limitée et des sociétés par actions simplifiée, ainsi que le dispositif de l’entrepreneur individuel soumis au régime de l’entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL).
Du nouveau dans les sociétés anonymes
S’agissant des sociétés anonymes, le décret 2017-630, pris en application de la loi Sapin 2, est venu procéder :
- à l’alignement du régime des sociétés anonymes de type dualiste et moniste ;
- à la suppression de l’action judiciaire nécessaire au retrait des fonds d’une société anonyme non immatriculée ;
- à la précision des conventions réglementées devant faire l’objet d’une communication au commissaire aux comptes de la société.
Tout d’abord, dans le prolongement de la loi Sapin 2, le décret contribue à l’alignement du régime des sociétés anonymes de type dualiste (conseil de surveillance et directoire) et moniste (conseil d’administration).
En effet, la loi Sapin 2 a supprimé l’autorisation du conseil de surveillance pour les cessions d’immeubles par nature et de participations, ainsi que pour la constitution de sûretés (C. com., art. L.225-68). Cette obligation dans les sociétés anonymes de type dualiste n’avait pas son équivalent dans les sociétés anonymes de type moniste.
Conformément aux modifications de la loi Sapin 2, le décret 2017-630 a abrogé l’article R.225-54 du Code de commerce qui décrivait les modalités de l’autorisation du conseil de surveillance et ainsi gommé cette différence de traitement .
En outre, il convient de préciser que la loi Sapin 2 a modifié l’article L.225-11 du Code de commerce en supprimant l’action judiciaire nécessaire pour le retrait des fonds d’une société anonyme non immatriculée.
Désormais, comme en matière de sociétés à responsabilité limitée, à défaut d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés d’une société anonyme dans le délai de six mois à compter du premier dépôt de fonds, les souscripteurs d’actions en numéraire ne sont plus obligés d’intenter une action en justice pour obtenir la nomination d’un mandataire chargé de retirer les fonds pour leur restituer mais peuvent demander directement le retrait des fonds au dépositaire par un mandataire représentant l’ensemble des souscripteurs.
Ainsi, pour tenir compte de ce changement légal, le décret a complété l’article R. 225-12 du Code de commerce en précisant que le mandataire désigné par les souscripteurs est tenu de justifier, comme tout mandataire, de l’autorisation écrite donnée par l’ensemble des souscripteurs en vue du retrait des fonds.
La loi Sapin 2 est venue préciser que l’obligation de communication au commissaire aux comptes des conventions et engagements entre une société anonyme (ou une société en commandite par actions) et un dirigeant ou un actionnaire, que l’on appelle plus communément « conventions réglementées » ne s’applique que pour les conventions qui ont été autorisées mais également conclues (C. com. art. L. 225-40 et L. 225-88).
En conséquence, le décret du 25 avril 2017 a amendé en ce sens la rédaction des articles R.225-30 et R.225-57 du Code de commerce qui décrivent les modalités de communication de ces conventions et engagements.
Enfin, l’ordonnance du 4 mai 2017 n’est pas sans incidence sur le régime des sociétés anonymes puisqu’elle offre plus de souplesse dans la tenue des assemblées générales des actionnaires.
En effet, afin de faciliter la participation des actionnaires aux assemblées en leur évitant des déplacements pouvant être coûteux, les statuts de sociétés anonymes, non cotées en bourse, pourront prévoir que les assemblées d’associés (ordinaires et extraordinaires) pourront se tenir exclusivement par visioconférence ou par conférence téléphonique.
Les conditions d’application de ce dispositif seront ultérieurement précisées par décret en Conseil d’Etat.
Dans un souci de protection des actionnaires minoritaires de la société, un droit d’opposition pour les actionnaires représentant au moins 5 % du capital social est toutefois prévu.
Du nouveau dans les sociétés par actions simplifiée
La loi Sapin 2 a modifié le régime des apports en nature dans les sociétés par actions simplifiée. Anciennement calqué sur celui des sociétés anonymes, celui-ci est désormais aligné sur celui applicable aux sociétés à responsabilité limitée.
Les associés de sociétés par actions simplifiée peuvent donc désormais décider, à l’unanimité, de ne pas recourir à un commissaire aux apports pour évaluer un bien dont la valeur n’excède pas un montant fixé par le décret d’application à la somme de 30 000 euros (C. com, art. D.227-3 nouveau). Ce montant est identique à celui fixé pour les sociétés à responsabilité limitée.
En cas de pluralité d’apports en nature, les associés pourront également se dispenser de l’évaluation des biens par un commissaire aux apports si la valeur totale de l’ensemble des apports en nature n’excède pas la moitié du capital (C. com., art. L. 227-1, al. 5).
Concernant les sociétés par actions simplifiée à associé unique, l’ordonnance du 4 mai 2017 vient supprimer le formalisme des conventions intervenues entre une société et son associé unique (ou la société le contrôlant en cas d’associé unique personne morale).
Désormais, ces conventions ne sont plus soumises au régime des conventions réglementées et seront simplement mentionnées au registre des décisions de l’associé unique.
L’établissement d’un rapport du commissaire aux comptes est donc caduc.
Enfin, dans le but d’éviter des situations de blocage et dans le respect de la liberté contractuelle qui gouverne le régime des statuts des sociétés par actions simplifiée, l’ordonnance du 4 mai 2017 permet aux associés d’écarter l’unanimité jusque-là requise pour modifier les clauses d’agrément préalable relatives aux cessions d’actions des associés.
Du nouveau dans les sociétés à responsabilité limitée
Afin de restaurer une certaine attractivité du territoire français pour les investisseurs, l’ordonnance du 4 mai 2017 a corrigé la différence de traitement entre les associés de société à responsabilité limitée (SARL) et les actionnaires de la société anonyme jugée défavorable aux investisseurs selon la Banque mondiale.
A cet égard, il est désormais permis aux associés d’une société à responsabilité limitée détenant le vingtième des parts sociales de faire inscrire des points ou projets de résolution à l’ordre du jour de l’assemblée des associés. Toute clause contraire à cette disposition sera réputée non écrite.
Le rapport au Président de la République qui accompagne l’ordonnance relève à juste titre que la fraction de parts sociales retenue par l’ordonnance (5% du capital social) est suffisamment faible pour permettre aux associés minoritaires de s’impliquer davantage dans la vie sociale.
Un décret en Conseil d’État devra compléter l’ordonnance et préciser les conditions dans lesquelles les projets de résolution devront être portés à la connaissance des autres associés.
Simplification du dispositif de l’EIRL.
Enfin, le décret 2017-630 vient impacter, l’entrepreneur individuel soumis au régime de l’entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL)
L’EIRL est un statut permettant à une personne physique d’exercer une activité professionnelle et d’affecter, sur simple déclaration, un patrimoine à cette activité professionnelle qui comprendra l’ensemble des éléments corporels ou incorporels nécessaires à l’exercice de cette activité.
La déclaration d’affectation de certains éléments de son patrimoine à son activité professionnelle (« patrimoine professionnel » ou « patrimoine affecté ») permettait jusque-là de rendre opposable ce patrimoine professionnel aux créanciers dont les droits étant nés postérieurement au dépôt de la déclaration d’affectation mais pouvait également être rendue opposable, sous certaines conditions, aux créanciers antérieurs au dépôt de celle-ci.
Toutefois, cette dernière possibilité n’existe plus depuis l’entrée en vigueur de la loi Sapin 2 qui a procédé à la suppression de la faculté de rendre opposable la déclaration d’affectation de l’EIRL aux créanciers antérieurs au dépôt de cette déclaration.
C’est ainsi que, par application des nouvelles dispositions de la loi Sapin 2, le décret 2017-630 du 25 avril 2017 a abrogé les mesures réglementaires d’application de ces anciennes dispositions légales, à savoir les articles R. 526-8, D. 526-9 et R. 526-10.
Pierre-Yves Fagot
Maxime Guinot
Lexing Droit de l’entreprise
(1) Décret 2017-630 du 25-4-2017 relatif à la simplification du droit des sociétés et au statut de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée
(2) Ordonnance 2017-747 du 4-5-2017 portant diverses mesures facilitant la prise de décision et la participation des actionnaires au sein des sociétés