La rémunération des dirigeants sociaux est un point sensible qui suscite assez souvent de nombreuses discordes.
Si le Code de commerce comprend de larges développements sur la rémunération des dirigeants des sociétés anonymes, il est en revanche silencieux sur la rémunération d’un gérant d’une société à responsabilité limitée.
A cet égard, un arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 21 juin 2017, destiné à une large publicité, est venu préciser le statut de gérant d’une société à responsabilité limitée et notamment la question des conditions de sa rémunération (1).
Les faits et la procédure
En l’espèce, un cogérant et associé d’une société d’exercice libéral à responsabilité limitée (qui n’est rien d’autre qu’une forme de société à responsabilité limitée dédiée aux professions libérales et qui ne présente pas de spécificité de régime en matière de rémunération du gérant) avait cédé sa participation au capital de cette dernière.
Ce gérant avait notamment été en arrêt maladie, suspendant ainsi dans les faits l’exercice de son mandat social.
Ultérieurement à cette cession de parts sociales, cet ancien gérant assigna la société en paiement de diverses sommes, en ce compris une « indemnité de gérance » pour la période couvrant son absence.
Les juges du fond n’ont pas fait droit à la demande de l’ancien gérant aux motifs que l’assemblée générale ordinaire des associés de la société avait fixé la rémunération de gérance à laquelle chaque gérant aurait droit à 6 000 euros par mois, que l’indemnité due au gérant devait correspondre à un travail réalisé pour la société, que l’associé absent pour maladie n’avait pu être en mesure d’accomplir ce travail et qu’il ne rapportait pas la preuve qu’il était, en dépit de ces circonstances, demeuré à même d’exercer sa fonction de cogérant.
Dans le cadre du pourvoi formé à l’encontre de cette décision, il s’agissait de savoir s’il était possible pour une société de refuser de verser à son dirigeant la rémunération prévue, en raison du fait qu’il n’avait pas pu fournir la prestation de gouvernance attendue.
Dans l’arrêt précité, les Hauts magistrats prononcent la cassation de l’arrêt d’appel pour violation de l’article L.223-18 du Code de commerce relatif au statut du gérant de société à responsabilité limitée, en affirmant, par un attendu de principe très clair, que « la société à responsabilité limitée est gérée par une ou plusieurs personnes physiques, associées ou non, dont la rémunération, fixée soit par les statuts soit par une décision collective des associés, est due tant qu’aucune décision la révoquant n’est intervenue ».
Précisions de la décision de la Cour de cassation
De cette décision, il ressort tout d’abord une évidence : les statuts ou, bien souvent, la collectivité des associés, déterminent librement les modalités de fixation de la rémunération du gérant.
La Cour de cassation vient préciser que la rémunération, déterminée par une clause statutaire ou, à défaut, par une décision collective des associés, est due, dans le silence des statuts ou de la décision collective, sans que l’absence du gérant de la société puisse faire obstacle à cette rémunération.
Portée de la décision de la Cour de cassation
Il y a fort à parier que la solution dégagée par la Cour de cassation a vocation, en raison de la publicité dont fait l’objet cette décision mais également en raison de l’attendu de principe énoncé, à valoir pour toutes les formes sociales et pour tous les autres modes de cessation du mandat social.
Ainsi, le principe dégagé par cet arrêt n’a pas vocation à se limiter aux seules sociétés à responsabilité limitée et à la révocation du gérant, mais bien à toutes les autres formes de société (sociétés de capitaux comme de personnes) ainsi qu’aux cas de démission et décès du dirigeant social.
Toutefois, il convient de préciser que cette décision ne saurait instituer, comme certains pourraient être invités à le penser, un droit à la paresse du dirigeant social. La caractérisation d’une rémunération des dirigeants excessive, qui recouvre l’hypothèse de sommes d’argent versées sans contrepartie, pourrait donner lieu à restitution et que le recours à divers fondements juridiques (abus de biens sociaux, abus du droit de vote) est toujours possible.
Pierre-Yves Fagot
Maxime Guinot
Lexing pôle Droit de l’entreprise
(1) Cass. com., 21-6-2017, n° 15-19593