Economie juridique
Vers une indemnisation plus transparente des frais irrépétibles ?
Une indemnité destinée à couvrir les frais de défense…
Visés par l’article 700 du Nouveau code de procédure civile, les frais irrépétibles sont les frais engagés dans le cadre d’une procédure, non compris dans les dépens. Les dépens, énumérés à l’article 695 du NCPC, comprennent les frais engagés pour les besoins de l’instance, dont le tarif est réglementé et identique pour les parties : émoluments des officiers publics ou ministériels, débours des avoués, indemnités versées aux témoins, rémunération de certains techniciens… Les frais irrépétibles sont, par différence, ceux que les parties ont engagé librement pour assurer leur défense : honoraires d’avocats, frais de constats d’huissiers ou d’expertise amiable, etc. Dès lors que ces dépenses sont engagées et tarifées librement, elles ne peuvent être remboursées (« répétées ») systématiquement à la partie qui obtient gain de cause. Le juge condamne en principe la partie perdante au paiement des frais irrépétibles exposés par l’adversaire, mais il détermine souverainement le montant de l’indemnité, en tenant compte du montant exposé, de l’équité, ou de la situation économique de la partie condamnée, ce qui peut l’amener également à écarter l’application de l’article 700.
Dont le caractère forfaitaire pourrait être remis en question
L’indemnité versée au titre des frais irrépétibles ne vise donc pas la réparation d’un préjudice, mais tend au respect du principe de gratuité de la justice, sous le contrôle du juge chargé de tempérer les inégalités ou les excès. Dans la pratique, la nature de cette indemnité lui a conféré un caractère forfaitaire : les parties se dispensent de justifier leurs dépenses, dans la mesure où l’indemnité accordée couvre généralement une faible part des coûts réels. Cette situation pourrait évoluer avec un arrêt récent de la Cour d’appel de Paris ne statuant que sur le montant d’une indemnité pour frais irrépétibles. Ayant été condamnées à verser 44.000 euros au titre de l’article 700, à l’issue d’une procédure en référé, les appelantes demandaient à la Cour de modérer cette condamnation, jugée inéquitable, injustifiée et disproportionnée. Pour rejeter cette demande, l’arrêt relève que les bénéficiaires de cette indemnité, en versant aux débats les notes d’honoraires des avocats ayant assuré leur défense, pour un montant de 44.247 euros, justifient avoir effectivement exposé les frais de défense dont elles demandaient l’indemnisation. Ainsi, cette décision pourrait tendre à limiter le caractère forfaitaire de cette indemnisation, en incitant les parties à mieux justifier leurs dépenses réelles, sans remettre en question le pouvoir de modération du juge. En l’espèce, la Cour a d’ailleurs considéré que l’équité justifiait de ne pas prononcer de condamnation, au titre de l’article 700, pour la procédure d’appel, alors que les intimées demandaient à ce titre, une somme complémentaire de 5.000 euros.
Les conseils
La justification des frais de défense engagés ne saurait garantir leur indemnisation intégrale, le juge conservant son pouvoir d’appréciation. Cette justification lui fournirait cependant de meilleurs éléments d’appréciation et pourrait conduire à une indemnisation plus complète, dans certains cas.
CA Paris, 14ème ch., sect. A, o novembre 2006, Free et Iliad c/Neuf Telecom et Cegetel
Paru dans la JTIT n°62/2007