La Cour de cassation apporte des précisions sur l’opposabilité d’un rapport d’expertise judiciaire à l’égard d’un tiers appelé en garantie non partie à l’instance dans la quelle ledit rapport a été produit.
Opposabilité du rapport à l’égard d’un tiers appelé en garantie : l’affaire en cause
En l’espèce (1), Mme X a acquis un véhicule auprès d’un concessionnaire de la marque automobile Volkswagen. Suite à une panne, celle-ci a fait réaliser une expertise amiable puis, assigné en référé le concessionnaire aux fins de voir désigner un expert judiciaire.
Suite au dépôt du rapport d’expertise, Mme X a assigné le concessionnaire au fond en résolution de la vente et en indemnisation de son préjudice. C’est dans ce cadre que la société Volkswagen a été appelée en garantie des condamnations qui seraient prononcées à l’encontre du concessionnaire.
Dans son arrêt du 15 février 2016, la Cour d’appel de Riom avait déclaré le rapport d’expertise judiciaire inopposable à la société Volkswagen, au motif que cette société, tiers à l’instance en référé, n’avait pas été mise en mesure d’en discuter le contenu, et en conséquence rejeté les demandes formées à son encontre.
Sur le fondement du principe du contradictoire, régi par l’article 16 du Code de procédure civile, la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la Cour d’appel reprochant à celle-ci de ne pas avoir recherché si le rapport d’expertise judiciaire litigieux :
- avait été régulièrement versé aux débats et
- soumis à la discussion contradictoire des parties,
- était corroboré par d’autres éléments de preuve.
Précisions sur le principe du contradictoire
Elle considère que le principe du contradictoire (2) est respecté, et donc que le rapport d’expertise judiciaire est opposable à un tiers appelé en garantie dans une instance autre que celle dans le cadre de laquelle celui-ci a été produit, dès lors qu’il a pu être discuté contradictoirement par le tiers appelé en garantie et ce, peu importe que ce dernier n’ait pas participé aux opérations ayant conduit à la réalisation du rapport, ni même qu’il ait été parti à l’instance au cours de laquelle ce rapport a été produit.
Limite à l’opposabilité d’un rapport d’expertise judiciaire : la carence probatoire
Elle apporte toutefois un tempérament : à considérer que le rapport d’expertise judiciaire ait pu être librement discuté par le tiers appelé en garantie, il ne faut pas que celui-ci constitue le seul élément de preuve sur lequel le juge saisi se fonde pour prendre sa décision.
A défaut, le seul rapport d’expertise judiciaire ne pourra pallier la carence probatoire des parties.
Ce tempérament, déjà jugé (3), rejoint celui habituellement utilisé s’agissant des rapports d’expertise amiables non établis contradictoirement, pour lesquels la Cour de cassation rappelle le principe selon lequel :
- un juge peut refuser d’examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, si celle-ci n’est pas corroborée par d’autres éléments objectivables (4) et (5).
Marie-Adélaïde de Montlivault-Jacquot
Alexandra Massaux
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(1) Cass. 2e civ. 7-9-2017, n° 16-15531.
(2) M-A. de Montlivault-Jacquot, Expertise : respect du contradictoire, AlainBensoussan.com 18-10-2012.
(3) Cass. 3e civ., 27-5-2010, n° 09-12693.
(4) Cass. ch. mixte, 28-9-2012, n° 11-18710.
(5) Cass. 2e civ., 7-11-2013, n°12-25334.