L’absence d’expression des besoins par le client est susceptible d’entraîner une résiliation à ses torts exclusifs.
Un défaut d’expression des besoins entrainant la résiliation aux torts exclusifs du client
Dans tout projet informatique, il est primordial que le client définisse de façon claire et précise ses besoins pour que le projet ait une chance de réussir. C’est ce qu’a rappelé la Cour d’appel d’Aix-en-Provence dans son arrêt du 5 octobre 2017 (1).
En l’espèce, une société avait confié à un prestataire informatique la refonte de son site internet destiné aux professionnels et aux consommateurs. Cette relation a été formalisée en 2010 par trois contrats :
- un contrat cadre de prestations de services ;
- un contrat d’achat et de maintenance des licences ;
- un contrat d’hébergement et d’administration de la plateforme.
En 2013, le prestataire a mis en demeure son client de régler les factures impayées. Ce dernier lui a opposé un refus, arguant de nombreux dysfonctionnements. Le prestataire a donc décidé de l’assigner devant le Tribunal de commerce d’Aix-en-Provence.
Le 10 novembre 2015, le Tribunal de commerce d’Aix-en-Provence a accueilli les demandes du prestataire et condamné le client au paiement des factures impayées. Ce dernier a alors interjeté appel de la décision.
L’appelante considérait que :
- les créances alléguées correspondaient à des prestations non livrées et étaient donc infondées ;
- le prestataire avait manqué à ses obligations contractuelles et légales de manière grave et répétée lui ayant causé un préjudice.
Par sa décision du 5 octobre 2017, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a rejeté les arguments de l’appelante et l’a condamnée au paiement des factures impayées. La cour a fondé sa décision sur le fait que l’appelante :
- n’avait jamais exprimé ses besoins ;
- ne démontrait pas de dysfonctionnements et plus généralement de fautes de son cocontractant.
S’agissant de l’expression des besoins, les juges ont souligné que malgré les recommandations du prestataire sur ce point présentes dans le contrat cadre, le client n’a pas satisfait à son obligation.
La Cour d’appel a donc prononcé la résiliation des différents contrats signés aux torts de la cliente.
Une réparation limitée au regard de l’incapacité du prestataire à imposer au client l’expression de ses besoins
En première instance, la cliente avait été condamnée au paiement de dommages intérêts en réparation du préjudice découlant de l’absence d’expression de besoins et subi par le prestataire, c’est-à-dire :
- l’étalement du projet sur deux ans ;
- la nécessité de mobiliser une équipe au-delà de la durée prévue.
Cependant, en appel, les juges ont considéré que le retard serait réparé par l’allocation des intérêts de retard en application de l’article L.441-6 du Code de commerce. Les magistrats ont en effet mis en exergue que l’allongement de la durée du contrat a également pour cause l’incapacité du prestataire :
« à imposer à son cocontractant la définition précise de ses besoins ou la rédaction d’un cahier des charges ».
Ce faisant, les juges ont condamné la passivité du prestataire qui, même s’il avait mis en garde son client, ne l’aurait pas suffisamment relancé pour qu’il s’exécute.
Il apparaît donc que les juges attendent une certaine proactivité du prestataire informatique face à un client qui refuse de procéder à une expression des besoins.
Marie-Adélaide de Montlivault-Jacquot
Thomas Noël
Lexing Contentieux informatique
(1) CA Aix-en-Provence 5-10-2017, n° 2017/296.