L’ordonnance favorise la dématérialisation mais introduit des exigences variables selon les secteurs financiers.
Prise sur application de l’article 104 de la loi pour une République numérique, l’ordonnance n°2017-1433 du 4 octobre 2017 a pour objectif de permettre une utilisation accrue des supports de communication dématérialisés. Elle vient confirmer le cadre juridique des relations contractuelles dématérialisées entre les organismes financiers et leurs clients : le support électronique appelé ici « support durable » est mis sur le même plan juridique que le support papier.
Les professionnels devront faire vite car sa mise en application est prévue pour le 1er avril 2018. Elle devra être ratifiée par le Parlement afin d’acquérir la valeur d’une loi, à défaut elle aura valeur réglementaire. Les dispositions de cette ordonnance s’appliqueront aux contrats en cours avec un mécanisme particulier peu aisé (art. 30). On retiendra surtout l’introduction d’exigences variables par secteurs financiers dans le Code des assurances, le Code de la Consommation et le Code monétaire et financier, qui interrogent le juriste et les opérationnels sur la mise en œuvre pratique.
Principales exigences de l’ordonnance
L’ordonnance cherche à concilier :
- l’exploitation des supports électroniques et les outils de dématérialisation afin de faciliter et fluidifier les échanges entre les organismes financiers et leurs clients ;
- un niveau de protection des consommateurs au moins équivalent à celui déjà en place.
L’ordonnance introduit plusieurs nouveautés à la charge du professionnel du secteur financier, lorsque celui-ci souhaite fournir ou mettre à disposition des informations ou des documents à un client sur « support durable autre que le papier ».
Les nouveautés consistent pour le professionnel à effectuer des vérifications relatives au cocontractant et à fournir des informations en étant certain que le consommateur est à même de les recevoir et d’utiliser un modèle électronique. Le professionnel doit garantir l’accessibilité des documents et informations sur support durable.
Exigences variables selon les secteurs financiers introduites par l’ordonnance 2017-1433 relative à la dématérialisation
A la lecture de l’ordonnance plusieurs exigences variables selon les secteurs financiers apparaissent. Ces disparités doivent être pointées et ne pourront être appréciées qu’à l’aune de la mise en œuvre de cette ordonnance.
L’ordonnance introduit les articles L.111-9 à L.111-13 dans le Code des assurances. Elle introduit également les articles L.314-27 à L.314-31 dans le Code la consommation, ainsi que les articles L.311-7 à L.311-12 dans le Code monétaire et financier.
Exigences variables de vérification
La première différence est liée à l’obligation de vérification ou non de l’adresse électronique du client. Les trois codes précités prévoient que le professionnel doit vérifier au préalable que le mode de communication électronique est adapté à la situation du client. Ils doivent également s’assurer que le client est en mesure de prendre connaissance des informations et des documents sur le support durable envisagé. Une exigence supplémentaire est imposée dans le Code des assurances : le professionnel doit également vérifier l’adresse électronique fournie par le client, le cas échéant. Cette obligation interroge sur les modalités techniques à mettre en œuvre par le professionnel pour vérifier l’adresse électronique du client.
Une seconde différence est liée à l’obligation de vérifier que le mode de communication des documents et informations est adapté. Alors que le périmètre de cette vérification doit être effectué à la lumière de la situation du client pour le Code des assurances et le Code monétaire et financier, il s’agit dans le Code de la consommation d’effectuer cette vérification par rapport à la situation de l’emprunteur dans le cadre de l’opération de crédit envisagée ou en cours. Pour les premiers, la vérification est générale. Pour le second, la vérification se limite à l’opération en cours.
Exigences variables d’information
Le professionnel doit informer le client qu’il lui est possible de s’opposer à l’utilisation du support. Il existe des exceptions à ce droit d’opposition. L’ordonnance prévoit que dans le Code de la consommation et le Code monétaire et financier, le client peut user de ce droit d’opposition « à moins que cela ne soit incompatible avec la nature du contrat conclu distance ou du service financier fourni ». Au contraire, le Code des assurances prévoit que le client ne peut s’opposer à l’utilisation du support « si le contrat conclu indique que le service fourni est de nature exclusivement électronique ».
Le professionnel doit également informer le client que ses documents et informations sont disponibles, si cela a été mis en place, sur un espace personnel sécurisé sur internet. Cette obligation ne se retrouve pas dans le Code des assurances.
Garantie d’accessibilité des documents et informations
Enfin, une garantie d’accessibilité des documents est exigée peu importe les modalités d’accès aux documents contractuels et précontractuels pour le Code de la consommation et le Code monétaire et financier. Au contraire, le Code des assurances semble exiger cette accessibilité uniquement dans les cas où il est mis à la disposition de l’assuré un espace personnel sécurisé sur internet.
En conclusion, à la lecture de l’ordonnance, et du rapport au Président de la République relatif à cette ordonnance, il est difficile d’apprécier la portée des différences d’exigences imposées au professionnel selon les secteurs financiers, surtout lorsqu’un crédit est proposé avec une assurance. On s’interroge sur la simplification de la dématérialisation lorsque de telles différences apparaissent.
Polyanna Bigle
Victoire-Elise Trautsch
Lexing Sécurité des systèmes d’information et dématérialisation