Pourquoi faut-il adapter le droit français des procédures collectives au règlement « insolvabilité » ? Par principe, un règlement européen n’a pas à être transposé en droit interne, mais il peut donner lieu à des adaptations de celui-ci.
Nécessité de l’adaptation du règlement « insolvabilité »
C’est ainsi que l’ordonnance n° 2017-1519 du 2 novembre 2017 (1), portant adaptation du droit français au règlement (UE) n° 2015/848 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relatif aux procédures d’insolvabilité (règlement « insolvabilité ») (2), a été publiée au Journal officiel du 3 novembre.
Ce règlement (UE) n° 2015/848, refonte du règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2010, organise les règles de procédures applicables aux dossiers d’insolvabilité transfrontaliers pour les débiteurs qui exercent leur activité économique dans plusieurs états membres.
Comme le rappelle le considérant 8 dudit règlement, celui-ci est un acte de l’Union, obligatoire et directement applicable dans tout État membre, car nécessaire « pour atteindre l’objectif visant à améliorer et à accélérer les procédures d’insolvabilité ayant des effets transfrontaliers ».
En conséquence, son article 1er et son annexe A, précisent que le règlement « insolvabilité » est directement applicable aux procédures collectives françaises (sauvegarde, sauvegarde accélérée, sauvegarde financière accélérée, redressement judiciaire, liquidation judiciaire).
Enfin, l’article 92 dudit règlement « insolvabilité » dispose que « le présent règlement est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout État membre conformément aux traités ».
Si le règlement « insolvabilité » est directement applicable, pourquoi prendre une ordonnance portant adaptation du doit français ?
Intérêt de l’adaptation du règlement « insolvabilité »
D’après le compte-rendu du conseil des ministres du 2 novembre 2017, « l’ordonnance procède aux adaptations des règles françaises nécessaires à la bonne mise en œuvre des dispositions du règlement européen. Elle vise à faciliter la mise en œuvre des innovations du règlement révisé, d’assurer son effet utile et de permettre aux juridictions et aux praticiens [c’est-à-dire aux différents organes et intervenants d’une procédure collective française] d’agir avec célérité dans ces affaires d’insolvabilité souvent complexes, où les enjeux économiques et sociaux imposent une réactivité exemplaire ».
L’objectif du gouvernement est de permettre « aux praticiens de l’insolvabilité d’agir avec célérité, en limitant l’implication des tribunaux et les risques de contentieux. Le texte crée également les règles procédurales destinées à faciliter le traitement de l’insolvabilité des groupes de sociétés et l’émergence d’une solution globale commune au groupe ».
Le droit français offre-t-il désormais « un cadre précis et clair pour le traitement des affaires d’insolvabilité européennes, permettant des procédures rapides et efficaces, tout en protégeant les droits des créanciers, quel que soit leur lieu de résidence en Europe » comme l’affirme le gouvernement, d’autant plus que plusieurs des nouvelles dispositions restent à être précisées par décret ?
Portée de l’adaptation du règlement « insolvabilité »
Pour atteindre cet objectif, il est introduit dans le Code de commerce, aux nouveaux articles L.690-1 et suivants, « des dispositions particulières aux procédures d’insolvabilité relevant du règlement (UE) n° 2015/848 du 20 mai 2015 ».
Pour l’essentiel, ces nouveaux articles disposent que :
- « le tribunal saisi d’une demande d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité à l’égard d’un débiteur peut ouvrir, selon le cas, une procédure d’insolvabilité principale ou une procédure d’insolvabilité territoriale ou secondaire » (C. com., art. L. 690-1) ;
- un créancier (notamment) peut, par la voie de l’appel, « contester la décision d’ouverture de la procédure d’insolvabilité principale pour un motif de compétence internationale » (C. com., art. L. 691-1) ;
- « le praticien de l’insolvabilité de la procédure d’insolvabilité principale ouverte sur le territoire d’un autre Etat membre peut demander l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité secondaire de redressement ou liquidation judiciaire, à l’égard du débiteur qui possède un établissement situé sur le territoire français ».
- l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité secondaire de sauvegarde peut être demandée par le seul débiteur lui-même.
De manière générale, les nouvelles dispositions du règlement « insolvabilité » vont adapter au droit français :
- les conditions d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité secondaire ;
- les conditions dans lesquels un « praticien » de la procédure d’insolvabilité principale peut prendre des engagements à l’égard des créanciers locaux, ainsi que les effets de ces engagements sur la poursuite de la procédure secondaire ouverte en France ;
- la compétence du tribunal pour connaître des licenciements en l’absence d’ouverture d’une procédure secondaire ;
- les procédures d’insolvabilité concernant des membres d’un groupe de sociétés (bien que la notion de « groupe de sociétés » reste à être définie) établies dans plusieurs états membres, à savoir :
- la procédure de « suspension de la réalisation des actifs dans une procédure d’insolvabilité ouverte à l’encontre d’un membre d’un groupe de sociétés » , prévue à l’article 60 du règlement ;
- la « procédure de coordination collective », prévue à l’article 71 du règlement.
Enfin, à noter que le nouvel article L. 693-1 du Code de commerce précise que les dispositions dudit Code relatives aux déclarations de créances sont applicables aux créances étrangères.
Pierre-Yves Fagot
Carine Dos Santos
Lexing pôle droit de l’entreprise
(1) Ordonnance n° 2017-1519 du 2 novembre 2017 portant adaptation du droit français au règlement (UE) n° 2015/848 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relatif aux procédures d’insolvabilité
(2) Règlement (UE) 2015/848 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relatif aux procédures d’insolvabilité