Dans le cadre d’un conflit social une représentante de section syndicale a diffusé un tract devant un centre hospitalier.
Ce tract visait nommément le directeur de l’Association pour l’hébergement, l’accueil et la réinsertion en Provence (AHARP), association liée par un contrat de collaboration avec le centre hospitalier.
Le tract contenait des bulles au sein desquelles le nom du directeur de l’AHARP était répété, accompagné de propos affirmant que ce dernier avait, en cette qualité, commis diverses infractions et infligé des mauvais traitements aux employés de l’association.
Tant le Directeur de l’AHARP que l’association elle-même ont porté plainte et se sont constitués parties civiles du chef de diffamation.
La Cour d’appel de Nîmes, dans un arrêt du 6 décembre 2016, a condamné la représentante de section syndicale pour diffamation publique envers un particulier.
La Cour de cassation a, dans un arrêt du 10 avril 2018, rejeté le pourvoi formé à l’encontre de cette décision par la prévenue.
Cadre d’un conflit social et caractère diffamatoire des propos
La demanderesse au pourvoi tentait dans un premier temps de faire valoir que le caractère diffamatoire des propos n’était pas avéré.
Elle affirmait que la polémique liée au cadre d’un conflit social devait être prise en considération pour apprécier le caractère diffamatoire des propos.
La Cour d’appel de Nîmes, constatant la présence d’accusations graves à l’encontre du directeur de l’AHARP, déduisait la présence d’une atteinte à sa considération et à l’image de l’association.
La Cour de cassation a rejeté cet argumentaire, constatant que la Cour d’appel a « exactement apprécié le sens et la portée des propos litigieux qui (…) portaient nécessairement atteinte à l’honneur et à la considération des plaignants ».
Cadre d’un conflit social et excuse de bonne foi
En matière de délits de presse, une présomption de mauvaise foi pèse sur le diffamateur qui ne peut disparaître qu’en présence de faits justificatifs de nature à faire admettre la bonne foi.
Les éléments nécessaires à la démonstration de la bonne foi sont au nombre de quatre :
- la légitimité du but poursuivi ;
- l’absence d’animosité personnelle ;
- la prudence et la mesure dans l’expression et la vérification des sources ;
- la qualité et la fiabilité de l’enquête.
La représentante de section syndicale a tenté de faire valoir que les propos avaient été diffusés dans le cadre d’un conflit social, et que leurs contenus ne dépassaient pas les limites de l’exagération et de la provocation admissible dans un tel contexte.
Tout en affirmant la présence d’un sujet d’intérêt général et d’un contexte de polémique syndicale, la Cour de cassation a suivi l’analyse de la Cour d’appel de Nîmes, la jugeant dépourvue d’insuffisance ou de contradiction, en ce qu’elle avait constaté que les propos en cause recelaient une animosité personnelle importante et « apparaissaient dépourvus de prudence dans l’expression d’accusations graves, incluant de multiples violations légales ou réglementaires, lesquelles ne sauraient avoir été faites de bonne foi ».
Caractère public de la distribution des tracts
La demanderesse au pourvoi affirmait que l’association AHARP et l’hôpital étaient liés par une communauté d’intérêts et que le caractère public de la distribution des tracts n’était pas établi. Elle tentait ainsi de faire valoir que l’éventuelle diffamation n’était ainsi pas publique mais privée.
L’arrêt de la Cour d’appel de Nîmes a relevé que les tracts avaient été distribués dans la cour d’un hôpital.
Ce lieu étant par nature public, dans la mesure où il était accessible à l’ensemble des usagers, le caractère public des propos est par conséquent avéré.
La Cour de cassation a considéré que la décision de la Cour d’appel de Nîmes était à ce titre justifiée.
Chloé Legris
Raphaël Liotier
Lexing E-réputation
(1) Cass. crim., 10-4-2018, n°17-80315.