Le Conseil d’État se prononce sur les conditions de validité du refus par un maire de publier une tribune diffamatoire de l’opposition (1).
Le 9 janvier 2014, le maire de Châtenay-Malabry a refusé de publier la tribune du groupe d’opposition «Tous ensemble à la mairie» dans le bulletin municipal.
Cette tribune listait différents mandats et fonctions qu’elle attribuait au maire et affirmait que ce dernier percevait une rémunération supérieure à 10.000 euros.
Elle illustrait ces affirmations d’une caricature du maire, le représentant avec les poches pleines de billets.
Le maire, n’occupant pas certaines de ces fonctions et ne percevant pas au titre de ces activités la somme évoquée, a refusé la publication de cette tribune diffamatoire de l’opposition dans le bulletin d’information de la commune.
Invoquant l’excès de pouvoir, la représentante du groupe d’opposition a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d’annuler la décision prise par le maire.
Par un jugement rendu le 17 décembre 2014, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.
Le 13 octobre 2016, la Cour administrative d’appel de Versailles a rejeté l’appel qu’elle a formé contre ce jugement.
Elle a introduit une requête devant le Conseil d’Etat contre cet arrêt.
Un espace réservé pour la tribune de l’opposition
Le Conseil d’État a, dans un premier temps, rappelé que l’article L. 2121-27-1 du code général des collectivités territoriales prévoit l’obligation mise à la charge des communes de 3 500 habitants ou plus de réserver, dans leur bulletin d’information, un espace d’expression pour l’opposition à la majorité municipale.
Le cadre du contrôle de la tribune de l’opposition par la majorité municipale
Le Conseil d’Etat a d’abord rappelé que ni le conseil municipal ni le maire n’avaient l’autorisation de contrôler le contenu de la tribune de l’opposition, ou d’interférer dans sa publication sauf si cette dernière présente un caractère manifestement outrageant, diffamatoire ou injurieux, sur le fondement des articles 29 et 42 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
La reconnaissance du caractère diffamatoire de la tribune de l’opposition
Le Conseil d’État a réglé l’affaire au fond, en application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative qui prévoit que :
S’il prononce l’annulation d’une décision d’une juridiction administrative statuant en dernier ressort, le Conseil d’Etat peut soit renvoyer l’affaire devant la même juridiction statuant, sauf impossibilité tenant à la nature de la juridiction, dans une autre formation, soit renvoyer l’affaire devant une autre juridiction de même nature, soit régler l’affaire au fond si l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie.
Lorsque l’affaire fait l’objet d’un second pourvoi en cassation, le Conseil d’Etat statue définitivement sur cette affaire.
Le Conseil d’État a considéré que, la tribune de l’opposition contenait de fausses informations, le maire ne pouvant légalement obtenir une rémunération supérieure à 8231 euros net par mois, et n’occupait pas certaines des fonctions que la tribune lui attribuait.
Le Conseil d’État a déduit le caractère manifestement diffamatoire de cette publication de la juxtaposition de ces affirmations avec la caricature du maire, considérant que cette juxtaposition faisait allusion, sans preuve, à sa malhonnêteté.
La validité du refus de publication de la tribune diffamatoire
Ainsi, le refus de publication de la tribune de l’opposition par le maire a été considéré comme légalement fondé.
Le Conseil d’Etat a en conséquence, rejeté la requête de la représentante du groupe d’opposition.
Chloé Legris
Raphaël Liotier
Lexing Presse et pénal numérique
(1) Conseil d’État 27-6-2018, n°406081.