Le juge doit rechercher si la mesure d’instruction in futurum est proportionnée au droit à la préservation des secrets d’affaires.
Un agent général d’assurance non exclusif pour le compte des sociétés Allianz vie et Allianz IARD et de la société GAN assurances a démissionné de ses mandats à l’égard des sociétés Allianz. Ces dernières, suspectant qu’il se livrait à des actes de concurrence interdite voire déloyale, l’ont assigné en référé afin notamment d’obtenir, sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile, la communication de pièces permettant de retracer ses activités d’agent général et de courtier en assurances depuis le 1er janvier 2010. Le juge des référés à fait droit à cette demande.
En appel, les sociétés GAN assurances et Groupama GAN vie sont intervenues volontairement soutenant que cette communication forcée attentait à leurs secrets d’affaires en permettant la divulgation d’informatïons confidentielles sur leur portefeuille de clientèle et leur politique tarifaire. Elles ont demandé qu’une mesure d’expertise, confiée à un tiers soumis au secret professionnel, soit substituée à la mesure tendant à la production en justice des éléments de preuve en cause. Cette demande a été rejetée au rnotif notamment que les secrets d’affaires ne suffisaient pas à justifier que les entreprises intervenantes s’opposent à la production en justice de preuves dont pourrait dépendre la solution d’un litige.
La Cour de cassation a annulé cet arrêt, au motif qu’il revenait à la cour d’appel de rechercher si la mesure d’instruction « n’était pas proportionnée au droit des sociétés Allianz dlétablir la preuve dlactes de concurrence interdite ou déloyale attribués à l’agent général et à la préservation des secrets d’affaires dessociétés GAN« .
Ainsi, si les secrets d’affaires ne constituent pas en eux-mêmes un obstacle à l’application des dispositions de l’article 145 CPC dès lors que les mesures ordonnées procèdent d’un motif légitime et sont nécessaires à la protection des droits de la partie qui les a sollicitées (2), il appartient au juge de contrôler si la mesure d’instruction proposée par les parties afin de voir préservés leurs secrets d’affaires est proportionnée au droit à la preuve et au droit aux secrets d’affaires.
Cet arrêt s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence de la Cour de cassation (3), selon laquelle il appartient au juge d’examiner quelle est la mesure d’instruction la mieux adaptée et, si cela apparaît nécessaire à la préservation des secrets d’affaires du défendeur, d’aménager la mesure sollicitée (4).
Virginie Bensoussan-Brulé
Marion Catier
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(1) Cass. 1e civ., 22 juin 2017, n°15-27.845.
(2) Cass. 2e civ., 7 janvier 1999, n° 95-21934.
(3) Cour de Cassation, rapport annuel 2010, Troisième partie : Etude «Le droit de savoir», p. 243.
(4) Cass. com, 8 décembre 2009, n° 08-21225.