Téléconsultation et téléexpertise sont dorénavant prises en charge par l’assurance maladie.
Télémédecine en France, le chemin parcouru
Tous les textes permettant la généralisation et la prise en charge de la télémédecine à compter du 15 septembre sont publiés.
Tout d’abord, la loi Hôpital Patients Santé Territoires de 2009 (1) et le décret d’application du 19 octobre 2010 (2) ont inscrit la télémédecine dans le droit commun (Code de la santé publique, art. L. 6316-1 et s. et art. R. 6316-1 et s.) et précisé ses conditions d’organisation et de mise en œuvre.
Cinq actes de télémédecine sont définis :
- la téléconsultation : consultation à distance d’un patient ;
- la téléexpertise : sollicitation à distance par un professionnel de santé d’un avis à un autre professionnel de santé ;
- la réponse médicale urgente apportée dans le cadre de la régulation médicale (SAMU) ;
- la téléassistance : assistance à distance d’un professionnel de santé à un autre professionnel de santé ;
- la télésurveillance : interpréter à distance des données médicales nécessaires au suivi d’un patient.
Leur prise en charge était alors uniquement possible au titre d’expérimentations (le fameux art. 36 de la LFSS), dans le respect de cahiers des charges spécifiques, outre celui des dispositions réglementaires susmentionnées.
Enfin, à la fin de l’année 2017, certains actes de télémédecine sont rentrés dans le droit commun du remboursement par l’assurance-maladie (3). L’article L. 162-14-1 du Code de la sécurité sociale, concernant la convention définissant les rapports entre les organismes d’assurance maladie et les médecins, a prévu :
La ou les conventions définissent en particulier le tarif et les modalités de réalisation des actes de télémédecine, définie à l’article L. 6316-1 du code de la santé publique. Les actes de téléconsultation remboursés par l’assurance maladie sont effectués par vidéotransmission.
Téléconsultation et téléexpertise : fin de la phase expérimentale
Les expérimentations, maintenues à l’article 54 de la loi n° 2017-1836 du 30-12-2017, perdurent uniquement pour la télésurveillance.
Dans un premier temps, la décision du 10 juillet 2018 de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM) (4) intègre la «consultation à distance réalisée entre un patient et un médecin dit téléconsultant» dans la liste des actes et prestations pris en charge par l’assurance maladie.
Les principales conditions essentielles sont donc les suivantes :
- l’opportunité du recours à la téléconsultation, appréciée au cas par cas par le médecin traitant et le médecin correspondant ;
- l’information du patient sur les conditions de réalisation de la téléconsultation, et le recueil de son accord ;
- un patient connu du médecin téléconsultant (entretien préalable) ;
- une consultation s’inscrivant dans le respect du parcours de soins coordonné ;
- réalisation de la téléconsultation par vidéotransmission dans les conditions définies de la Convention médicale ;
- téléconsultation comportant un entretien avec le patient, un examen clinique si possible, l’examen des documents transmis, une prescription transmise de manière sécurisée
- compte-rendu de consultation porté au dossier patient du médecin téléconsultant et copie transmise au médecin traitant et médecin téléconsultant, et également portée au DMP le cas échéant ;
- facturation de l’acte.
Enfin, dans un second temps, les arrêtés du 1er (5) et 16 août 2018 (6) précisent les conditions de réalisation et de prise en charge des actes de téléconsultation ou de télé-expertises. Les expérimentations sont maintenues seulement pour la télésurveillance.
Téléconsultation : les grands principes
La téléconsultation est définie par l’avenant 6 approuvé par l’arrêté du 1er août comme suit :
La consultation à distance réalisée entre un médecin exerçant une activité libérale conventionnée, dit “téléconsultant”, quel que soit son secteur d’exercice et sa spécialité médicale, et un patient, ce dernier pouvant, le cas échant, être assisté par un autre professionnel de santé. L’opportunité du recours à la téléconsultation est appréciée au cas par cas par le médecin traitant et le médecin correspondant.
Il convient donc de relever que la téléconsultation doit obligatoirement être réalisée par un médecin conventionné et que l’opportunité du recours à cette technique est laissée à la discrétion du médecin et non du patient (son consentement restant cependant une condition préalable).
Le patient doit être connu du médecin téléconsultant, c’est-à-dire avoir bénéficié au moins d’une consultation avec lui en présentiel dans les douze mois précédents. La téléconsultation doit s’inscrire dans le respect du parcours de soins et donc résulter de l’orientation initiale du médecin traitant, à l’exception :
- des patients de moins de 16 ans, et
- de certaines spécialités (gynécologie, ophtalmologie, stomatologie, chirurgie orale ou en chirurgie maxillo-faciale, psychiatrie ou neuropsychiatrie et pédiatrie),
- de l’absence de médecin traitant désigné, ou
- d’indisponibilité du médecin traitant, ou
- dès lors que le patient n’a pas de médecin traitant désigné ou que celui-ci est indisponible (dans ces deux dernières hypothèses l’obligation de connaissance préalable du patient par le médecin téléconsultant ne s’applique pas) (7).
En tout état de cause, le suivi des patients suppose une alternance de consultations dites en présentiel et de téléconsultation, à l’appréciation du médecin.
A noter également que :
- la tarification est la même qu’une consultation ordinaire soit : rémunération pour les généralistes de 25 euros et pour les spécialistes de 30 euros ;
- la prise en charge est possible à partir du 15 septembre 2018 ;
- la consultation a lieu par video-transmission : exclusion expresse de la téléconsultation immédiate par téléphone qui ne sera pas prise en charge.
- la video-transmission doit respecter la confidentialité des échanges et la sécurité des données transmises (respects de référentiels de sécurité et d’interopérabilité, recours aux messageries sécurisées de santé…) ;
- le compte-rendu de la consultation est porté au dossier patient du médecin téléconsultant et une copie est transmise au médecin traitant et au médecin téléconsultant.
Téléexpertise : les grands principes
La téléexpertise est quant à elle définie comme :
(L’) expertise sollicitée par un médecin dit “médecin requérant” et donnée par un médecin dit “médecin requis”, en raison de sa formation ou de sa compétence particulière, sur la base d’informations ou d’éléments médicaux liés à la prise en charge d’un patient, et ce, hors de la présence de ce dernier.
Est visé l’ensemble des médecins libéraux conventionnés, quels que soient leur secteur d’exercice et leur spécialité médicale.
Le recours à la téléexpertise est apprécié au cas par cas par le médecin requérant.
L’opportunité de sa réalisation relève de la responsabilité du médecin requis.
On retrouve la condition de médecin conventionné et le monopole d’initiative du médecin requérant. Concernant la rémunération, les différentes situations possibles sont décrites dans l’avenant.
Les dispositions propres à la téléexpertise sont applicables à partir de février 2019 uniquement pour les patients en affection de longue durée ou atteints de maladies rares, les patients résidant en zones sous-denses ou en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ou les détenus. La suite du calendrier sera définie « avant l’année 2020, au regard de l’observation du recours aux actes de télé-expertise à l’issue de la première étape ».
Enfin, l’arrêté du 16 août 2018 vient modifier, préciser et compléter un certain nombre de dispositions de l’avenant n°6 tout juste adopté par l’arrêté du 1er août. Ces changements ne portent pas sur les grands principes de la télémédecine mais sur des points techniques ou financiers (notamment sur le forfait structure, la facturation, l’informatisation, le DMP, l’utilisation d’une messagerie sécurisée et la télémédecine…) Il convient dorénavant de se reporter à cette version.
Nouvelles opportunités mais aussi nouveaux enjeux pour les professionnels de santé et les prestataires
Le décret n° 2018-788 du 13 septembre 2018 relatif aux modalités de mise en œuvre des activités de télémédecine (8) vient supprimer les obligations de contractualisation avec les agences régionales de santé et de conventionnement et entre les acteurs mettant en œuvre une activité de télémédecine.
Il n’en demeure pas moins que les professionnels de santé réalisant des actes de télémédecine doivent, en application de l’article 32 du RGPD, mettre en œuvre les mesures techniques et organisationnelles appropriées pour assurer la sécurité des données, c’est-à-dire celles résultant des réglementations et référentiels sectoriels, notamment ceux de la PGSSI-S et le référentiels HDS.
Les contrats conclus avec les prestataires, en particulier les éditeurs des plateformes et logiciels utilisés pour réaliser la vidéotransmission, doivent intégrer l’ensemble des dispositions obligatoires au titre de l’article 28 du RGPD et notamment les mesures de sécurité, lesquelles doivent être appropriées (authentification forte, traçabilité, hébergement agréé, maintenance encadrée, etc.).
En outre, l’exercice d’activités de télémédecine nécessitent une information adéquate des patients, au titre de l’article 13 du RGPD, et la prise en compte des réglementations sectorielles notamment relatives à l’hébergement des données, à leur échange et/ou partage.
Marguerite Brac de La Perrière
Amélie Salvat
Lexing Droit de la santé
(1) Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (partie législative, Code de la santé publique, art. L. 6316-1 et s.)
(2) Décret n° 2010-1229 du 19 octobre 2010 relatif à la télémédecine (partie réglementaire du Code de la santé publique, art. R. 6316-1 et s.)
(3) Loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018.
(4) Décision du 10 juillet 2018 de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie relative à la liste des actes et prestations pris en charge par l’assurance maladie.
(5) Arrêté du 1er août 2018 portant approbation de l’avenant n° 6 à la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l’assurance maladie signée le 25 août 2016.
(6) Arrêté du 16 août 2018 complétant l’annexe de l’arrêté du 1er août 2018 portant approbation de l’avenant n° 6 à la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l’assurance maladie signée le 25 août 2016.
(7) Article 28.6.1.1 de l’avenant n° 6 à la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l’assurance maladie signée le 25 août 2016.
(8) Le décret n° 2018-788 du 13 septembre 2018 relatif aux modalités de mise en œuvre des activités de télémédecine.