Alain Bensoussan aborde dans Planète Robots nos relations aux robots empathiques qui pourraient bien remettre en cause notre conception même des émotions et nos modèles de communication.
Selon lui, la coévolution des humains et des robots ne peut se concevoir sans doter la personne robot d’empathie et d’émotions artificielles.
Repenser nos relations aux robots
Les robots humanoïdes ou animaloïdes ont la particularité de susciter l’empathie. Les robots compagnons, notamment ceux en relation avec des enfants ou des personnes âgées, sont à l’origine d’un actif émotionnel dont il est difficile d’estimer l’ampleur, motif supplémentaire pour ne pas les appréhender, au titre de leur protection, qu’à travers le droit des biens, comme s’ils étaient… de vulgaires grille-pain.
même qu’il m’aime ».
L’empathie ou la robotique affective
La robotique ou l’informatique « affective » (Affective Computing) est un domaine de recherche sur les interactions émotionnelles comme nouveaux types d’interaction homme-machine (IHM). Elle combine l’ingénierie et l’informatique avec la psychologie, les sciences cognitives, les neurosciences, la sociologie, l’éducation et la psychophysiologie et vise à développer la faculté de la machine à simuler l’empathie c’est-à-dire à reconnaître et interpréter les émotions et adapter son comportement. On parle aussi d’intelligence artificielle émotionnelle.
Les applications sont évidentes concernant les robots humanoïdes et sociaux mais peuvent ouvrir d’autres domaines, par exemple le chatbot d’un service commercial capable de détecter la colère d’un client et d’adapter ses réponses ou une plateforme d’e-learning s’adaptant aux facultés d’attention de l’utilisateur. (…)
La personne robots : une IA émotionnellement intelligente
La coévolution des humains et des robots ne pourra se concevoir sans que chacun prenne en compte le « sens de l’autre » ce qui amènera à doter les robots d’émotions et d’empathie artificielles (i.e. émotionnelle et cognitive), non par imitation ce qui serait anxiogène pour l’humain, mais par acquisition au gré de leurs interactions avec les humains.
La découverte des neurones miroirs au cours des années 1990 par l’équipe de Giacomo Rizzolatti, professeur de physiologie humaine, pourrait jouer un rôle dans l’acquisition de cette capacité par les robots. Il s’agit de neurones moteurs situés dans la région du cerveau correspondant à l’aire de Broca qui s’activent de façon similaire à ceux qu’une personne observée active au moment d’une action.
Ils jouent un rôle essentiel dans la communication entre individus, les relations sociales (la compréhension des autres) et l’apprentissage par imitation. Il restera néanmoins à déterminer la nature exacte de ces nouvelles relations sociales et en particulier si elles seront différentes des relations entre humains. Ces questions pourraient trouver une réponse dans l’existence d’un autre système cognitif, celui propre à la personne robot que nous appelons de nos voeux afin de reconnaître à ces nouveaux êtres des droits et obligations qui les assimileront peu ou prou à des personnes physiques (2) à l’instar de ce que propose Kate Darling, chercheuse en éthique robotique au MIT (3).
Isabelle Pottier
Directeur Études et Publications
Alain Bensoussan pour Planète Robots, « L’empathie artificielle de la personne robot », n°55, Janvier-Février 2019.
(1) S. TISSERON, Le jour où mon robot m’aimera : Vers l’empathie artificielle, Albin Michel, 2015.
(2) A. et J. BENSOUSSAN, I.A. et droits des robots, Larcier 2e éd. (à paraître 2019).
(3) K. DARLING (sous la direction), En compagnie des robots, Premier Parallèle, 2016.