Peu important les mentions légales du site internet, le directeur de la publication est le responsable légal de l’entité éditrice.
Le pourvoi en cassation formé par l’association Egalité & Réconciliation a été rejeté le 22 janvier 2019 par la chambre criminelle de la Cour de cassation (1), mettant fin à une série judiciaire par laquelle son président à essayé de se soustraire à ses obligations de directeur de la publication, affirmant que des personnes incarcérées depuis des années étaient les véritables directeurs de la publication d’un site internet dont les velléités d’incitation à la haine sont connus de tous.
Une solution adoptée par les juges du fond
Dans un premier jugement du 14 mars 2017 (2), la 17e chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de Paris avait déjà rejeté l’argumentation du prévenu qui prétendait que le directeur de publication et le directeur adjoint de la publication étaient deux détenus condamnés à de très longues peines. Les mentions légales du site internet faisant d’ailleurs mention du nom de ces deux personnes.
Des associations avaient alors souligné que l’incarcération des intéressés permettait de s’interroger sur leurs conditions d’accès à internet et leur capacité à assurer effectivement les fonctions qui leur sont attribuées. En référé, leur demande de faire mentionner sur le site le nom du véritable directeur de publication avait rejetée, le juge estimant que seule une enquête pénale est de nature à démontrer des manquements aux obligations de la LCEN précitées.
L’enquête pénale diligentée a démontré que les deux détenus mentionnés ne pouvaient être les réels directeurs de publication, eu égard aux circonstances entourant leur incarcération.
Par ailleurs, toutes les données techniques identifiées (adresses IP, comptes de messagerie, adresses physiques, numéro de téléphone, etc.) démontraient que le service offert par le site est fourni par l’association éponyme -éditrice donc- dont le président, qui doit, selon la loi du 29 juillet 1982 être considéré comme directeur de la publication et qui n’apporte aucun élément pour infirmer ce constat, est ainsi déclaré coupable de l’infraction précitée caractérisée par l’inexactitude des mentions légales du site.
Le tribunal correctionnel avait donc condamné le véritable directeur de la publication, responsable légal de l’association éditrice du site du chef de non mise à disposition du public d’information identifiant l’éditeur d’un service de communication au public en ligne et l’avait condamné à un emprisonnement de 3 mois et à 5.000 euros d’amende.
Décision confirmée par la Cour d’appel de Paris par arrêt du 18 janvier 2018.
Le directeur de la publication d’un site internet est le responsable légal de l’éditeur du site
La Chambre criminelle a classiquement rappelé le principe en la matière, en se fondant sur les articles 6, III, 1, c, et 6, VI, 2, de la loi du 21 juin 2004 sur l’économie numérique et l’article 93-2 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle.
Rappelant que les directeur et codirecteur de la publication étaient dans l’impossible d’exercer réellement leurs fonctions et que l’enquête avait démontré que le président de l’association éditrice gérait seul le site « ce dont il est déduit que celui-ci en est en fait le véritable éditeur » a rejeté le pourvoi.
La chambre criminelle s’appuie, dans un attendu de principe, rappelant « qu’en effet, aux termes de l’article 93-2 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, le directeur de la publication d’un service de communication au public en ligne fourni par une personne morale est, de droit, le représentant légal ou, dans le cas d’une association, statutaire de celle-ci, en dépit de toute indication contraire figurant sur le site interne prétendant satisfaire à l’obligation de mettre à disposition du public dans un standard ouvert l’identité du directeur de la publication instituée par l’article 6, III, de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique ».
Cet arrêt rappelle qu’il est inutile de tenter de se dissimuler pour échapper à ses responsabilités, en s’abstenant de mentionner le véritable nom du directeur de la publication, les juges du fond étant à même de rechercher et de condamner celui qui est le directeur de la publication de fait.
Chloé Legris-Dupeux
Géraldine Camin
Lexing Pénal numérique et e-réputation
(1) Cass. crim. 22-1-2019 n°18-81779.
(2) « Directeur de la publication factice d’un site : condamnation », Chloé Legris-Dupeux et Géraldine Camin, 3 juillet 2017.