Virginie Bensoussan-Brulé évoque pour Archimag les risques juridiques liés à la republication de tweets supprimés par leur auteur.
L’affaire a fait couler beaucoup d’encre : fort de ses 47 000 abonnés, le compte Twitter anonyme @FallaitPasSuppr s’attache à exhumer des tweets supprimés et les contenus gênants. Un compte, comme l’écrit la journaliste Clémence Jost dans l’article qu’elle consacre à ce compte pour le magazine Archimag, « adoré par certains, détesté par d’autres, et craint, parfois ».
Son auteur, qu’elle a interrogé, justifie sa motivation par un acte citoyen : « Je suis un observateur vigilant qui suit l’action de certains personnages publics (souvent payés par nos impôts) sur les réseaux sociaux. Je pense que l’on peut trouver plus d’informations dans un seul tweet supprimé que dans 1 000 autres ». Et celui-ci d’ajouter : « Mon action met également en lumière les magnifiques retournements de vestes de certains politiques (très nombreux dans ma timeline), qui twittent souvent dans le sens du vent et qui peinent parfois à assumer leurs idées dans la durée ». avant de confesser : « Je n’ai pas de ligne éditoriale, je m’efforce d’épingler tout le monde, de tous bords et de tous partis ».
Twitter : espace public ou privé ?
Selon l’administrateur du compte @FallaitPasSuppr, « dès qu’un twittos poste publiquement un tweet, ce tweet demeure dans l’espace public. Bien sûr, tout le monde à le droit à l’erreur, c’est pour cela que de nombreux twittos épinglés viennent régulièrement expliquer, de bonne foi, les raisons de leur suppression ».
Quant au reproche qui lui est fait d’agir sous anonymat, il rétorque : « Il y a selon moi une hypocrisie autour de la notion d’anonymat sur les réseaux sociaux. Beaucoup d’anti-anonymat hurlent sans réfléchir dès qu’ils voient un « pseudo » et se calment s’ils voient un nom et un prénom. Mais sont-ils au courant que Twitter ne réclame pas de carte d’identité lors d’une création de compte ? »
« Il est extrêmement dangereux de republier des contenus supprimés »
Clémence Jost a ensuite interrogé Virginie Bensoussan-Brulé, avocate à la Cour d’appel de Paris, directrice du pôle Contentieux numérique du Cabinet Lexing Alain Bensoussan avocats, afin qu’elle apporte son éclairage juridique sur la question.
A la question de savoir si Twitter est un espace public ou privé, Virginie Bensoussan-Brulé explique que, « sauf exception, lorsque l’on s’exprime sur Twitter, comme sur les autres plateformes, on est dans la sphère publique, par opposition à la correspondance privée. Et cela que l’on s’exprime sous sa vraie identité ou sous pseudonyme ». Et l’avocat d’ajouter : « D’ailleurs, en réalité nous ne sommes jamais totalement anonymes lorsque l’on s’exprime sous « pseudo » puisque les intermédiaires techniques, qu’ils soient français ou étrangers, conservent les données d’identification de leurs utilisateurs et peuvent être amenés à les communiquer, sur décision de justice, aux personnes qui auraient fait la demande ».
Tweets supprimés : exhumer des tweets est-il légal ?
Sur ce point, Virginie Bensoussan-Brulé précise que « le principe de la liberté d’expression s’applique sur Twitter, sauf abus (injures, diffamation…). Et le délai de prescription pour agir en cas d’abus est de 3 mois pour de la diffamation ou des injures publiques et d’un an pour des injures à caractère racial ou homophobe. Passé ce délai, il n’est plus possible d’intervenir ».
Pourtant, il se peut qu’une personne ait conservé les propos initialement publiés, à travers une capture d’écran par exemple. Dans ce cas, selon l’avocate, « si cette personne republie ces propos alors que ceux-ci contiennent une injure à l’égard d’un tiers, le délai de 3 mois ou 1 an repart et c’est celui qui a republié les propos qui en devient responsable. Quand bien même il n’est pas l’auteur de l’injure initiale. Il est donc extrêmement dangereux de republier des contenus supprimés ».
Eric Bonnet
Avocat, Lexing Alain Bensoussan Avocats
Directeur de la communication juridique