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Projet de loi de lutte contre la contrefaçon : vers une réparation « forfaitaire » des préjudices ?
Le sénat a adopté le 19 septembre dernier le projet de loi de lutte contre la contrefaçon qui avait été déposé en février 2007. Les principales dispositions du projet relatives à l’évaluation du préjudice en matière de contrefaçon ont été adoptées par le sénat. Le texte introduirait, sauf amendement ultérieur, la possibilité pour le juge d’accorder, à la victime de la contrefaçon, à titre de dommages et intérêts, une somme « forfaitaire », « à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée ». Jusqu’à présent, la réparation « forfaitaire » des dommages était jugée contraire au principe de la réparation intégrale des préjudices, découlant de l’article 1382 du code civil, selon lequel les dommages et intérêts doivent réparer exactement le dommage subi, sans perte ni profit pour la victime. Il s’agirait donc d’une première en droit français, que certains pourraient considérer comme une ouverture vers l’allocation de dommages et intérêts « punitifs », comme il en existe en droit anglo-saxon. En effet, dès lors que la réparation est fixée de manière forfaitaire, sans se référer nécessairement au préjudice réel de la victime, elle pourrait s’apparenter à une sanction. Or, le prononcé des sanctions est réservé au juge pénal et encadré par le droit pénal qui prévoit notamment des peines maximales pour les infractions.
En l’espèce, le texte prévoit au contraire de fixer un montant minimal pour cette réparation forfaitaire, qui « ne pourrait être inférieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. » Ce montant devrait pourtant s’avérer en pratique aussi difficile à chiffrer que le préjudice de la victime, puisque les deux nécessitent de connaître la masse contrefaisante et le montant habituel des redevances perçues par la victime. Il n’est donc pas certain que cette disposition permette d’atteindre l’objectif visé par le texte, c’est à dire « d’améliorer » la réparation du préjudice résultant de la contrefaçon, au sens où elle favoriserait une évaluation plus précise du montant des réparations, mais il est plus probable qu’elle tende à réduire la charge de la preuve des dommages qui pèse en principe sur le demandeur.
A cet égard, les dispositions du projet visant à permettre au juge d’ordonner au contrefacteur de communiquer toutes les informations relatives aux produits ou services contrefaits, notamment concernant leur production et leur distribution, pourraient avoir un rôle plus déterminant pour favoriser l’évaluation les dommages causés.
Projet de loi de lutte contre la contrefaçon adopté en 1er lecture par le Sénat