L’ordonnance du 25 mars 2020 sur la prorogation des délais échus établit une période juridiquement protégée en matière de propriété intellectuelle.
Afin de faire face à l’épidémie de Covid-19 (coronavirus), la France est entrée en confinement depuis le 17 mars 2020. Les juridictions elles-aussi ont dû faire face à la situation de crise sanitaire. Des plans de continuité d’activité ont été enclenchés par la Ministre de la justice, Nicole Belloubet, limitant l’activité des juridictions au traitement des urgences civiles et pénales.
Seuls les contentieux essentiels sont maintenus, toutes les autres audiences, en ce compris en matière de propriété intellectuelle, étant reportées à des dates ultérieures.
Face à cette situation inédite, il est apparu nécessaire d’adapter les procédures et de proroger les délais le temps de surmonter la crise. L’état d’urgence sanitaire a été déclaré par la loi n°2020-290 du 23 mars 2020, habilitant le Gouvernement à légiférer par la voie d’ordonnances.
Ainsi, l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période est venue délimiter une « période juridiquement protégée » et allonger les délais pour réaliser les actes ou mesures arrivant à échéance durant la période de confinement.
Les procédures relevant du droit de la propriété intellectuelle sont protégées par ces dispositions.
La délimitation de la « période juridiquement protégée »
L’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 établit, pour l’ensemble de ces actes et mesures, une « période juridiquement protégée ». L’article 1er de l’ordonnance fixe le début cette période au 12 mars 2020 et considère que celle-ci s’achève un mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.
Les délais et mesures des procédures de propriété intellectuelle, qui entrent dans le champ d’application de l’article 2 de l’ordonnance et arrivant à échéance entre ces deux dates, sont donc juridiquement protégées, leur délai étant prolongé au-delà de cette période.
Ne sont pas visés les délais arrivés à échéance avant le 12 mars 2020. De même, les délais arrivant à échéance après le mois suivant la cessation de de l’état d’urgence sanitaire ne sont ni suspendus, ni prorogés.
Le mécanisme de prolongation des délais prévus par l’ordonnance du 25 mars 2020
L’article 2 de l’ordonnance prévoit qu’un acte qui aurait dû être accompli pendant la période juridiquement protégée sera réputé accompli dans les délais qu’il a été effectué, à la fin de cette période, dans le « délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois ».
Il n’a donc pas été fait le choix d’une suspension de l’ensemble des délais prescrits, mais, par un système original, le choix :
- de reporter les délais qui viendraient à échoir pendant cette période,
- report limité à un délai de deux mois à compter de la fin de la période, à savoir à compter de la date de la cessation de l’état d’urgence augmentée d’un mois.
Il en va de même de l’article 3, qui vise quant à lui certaines mesures administratives et judiciaires. Toutefois, le juge qui les a prononcées reste libre de les modifier ou d’y mettre fin. Ainsi, trois mois supplémentaires sont accordés à l’issue de la date de cessation de l’état d’urgence pour réaliser ces actes et mesures.
Cette ordonnance ne doit pas s’apparenter à une cause de suspension ou d’interruption générale des délais arrivés à termes pendant la « période juridiquement protégée ». Il ne s’agit pas non plus pour l’ordonnance d’interdire de réaliser les actes ou formalités dont le terme doit intervenir dans cette période qui pourront être réalisés si les conditions le permettent.
S’agissant des procédures en droit de la propriété intellectuelle, cela signifie que les délais arrivant à échéance durant la période juridiquement protégée pourront, sans être regardés comme tardifs, intervenir dans un délai :
- de deux mois à compter de la fin de la période juridiquement protégée si leur délai initial était supérieur ou égal à deux mois ;
- ne pouvant excéder leur délai initial si celui-ci était inférieur à deux mois.
Les conséquences de l’ordonnance du 25 mars 2020 sur les procédures en matière de propriété intellectuelle
L’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 débute par une série de dispositions générales, applicables aux procédures judiciaires, les articles 1 à 5 énumérant différents cas de figures (actes, délais, actions en justice devant intervenir dans un délai déterminé ; certaines mesures administratives ou judiciaires).
Les procédures relevant du droit de la propriété intellectuelle entrent dans le périmètre de l’article 2.
A titre d’illustration, en matière de saisies-contrefaçons de droit d’auteur (1), de brevets (2), de dessins et modèles (3) ou de marques (4), le délai imparti au demandeur pour exercer une action civile ou pénale est de 20 jours ouvrables ou 31 jours civils à compter du jour où est intervenue la saisie.
Si ce délai arrive à échéance durant la période juridiquement protégée, le demandeur disposera, à l’issue de la période, du même délai, puisque le délai initial était inférieur à deux mois.
Ainsi, la personne qui a fait pratiquer une saisie-contrefaçon entre le 10 février – délai de 31 jours expirant le 12 mars – et le 12 mars peut se pourvoir au fond :
- pendant la période juridiquement protégée ;
- au plus tard à l’issue d’un délai de 20 jours ouvrés ou 31 jours civils à compter de la fin de cette période.
Si, par exemple, la cessation de l’état d’urgence sanitaire est prononcée le 20 avril 2020, l’auteur de la saisie devra engager son action au fond avant le 21 juin 2020.
Attention, les délais qui expireraient au lendemain de la fin de la période juridiquement protégée ne bénéficient pas de la prorogation.
Virginie Brunot
Lexing Département Propriété industrielle contentieux
Marie Soulez
Lexing Département Propriété intellectuelle contentieux
Cyrielle Girard-Berthet
Auditrice de justice de la promotion 2020
Ecole Nationale de la Magistrature