Invité le samedi 11 avril par Julien Pasquet dans l’Intégrale Week-end de CNews (1), Alain Bensoussan était interrogé sur la polémique autour du tracking à l’occasion du projet StopCovid, une application pour smartphone visant à lutter contre la propagation du Covid-19.
Cette application que le gouvernement développe en partenariat avec l’inria est-elle sans danger pour les libertés individuelles ? Elle revêt un enjeu sanitaire majeur, mais également d’un enjeu de libertés publiques.
Libérer le potentiel des technologies
La technologie est source d’opportunités pour lutter contre le Covid-19.
« Dans un moment aussi particulier, il faut libérer les technologies » explique Alain Bensoussan. Nous sommes tous en restriction sur de nombreuses libertés fondamentales et la protection des données en est une parmi tant d’autres. L’importance dans ce domaine est d’observer le « coût/avantage ». Des pays comme la Corée du Sud ont montré qu’il y avait un vrai avantage.
L’important n’est pas tant la donnée que son utilisation après le confinement. Il faut donc prévoir des garde-fous qui permettront de pouvoir utiliser toutes les technologies permettant d’exploiter la « data ».
Le Règlement européen sur la protection des données du 27 avril 2016 (RGPD) permet au gouvernement d’utiliser les données personnelles de santé pour « des motifs d’intérêt public dans le domaine de la santé publique » (RGPD, art. 9).
Dans le cas d’un état d’urgence, il est ainsi possible de prendre des règles d’exception par rapport aux principes généraux. Le règlement européen offre les garanties nécessaires pour mettre en œuvre le projet gouvernemental StopCovid.
« Il est donc important de libérer les technologies en permettant à chacun d’entre nous de pouvoir les utiliser et surtout d’en avoir la maîtrise ».
Toutefois, Alain Bensoussan émet une réserve s’agissant de la fracture digitale.
Ne pas aggraver la fracture numérique
La fracture digitale risque de s’aggraver pour ceux qui n’auront pas accès à cette application faute d’avoir un smartphone.
Lorsque la technologie est un prérequis à la participation d’un programme offrant une chance de ne pas contracter le virus, elle laisse à l’extérieur les personnes qui en sont dépourvues.
Etant écartée du dispositif, « elles ne pourront bénéficier de l’opportunité d’être informée d’avoir été en contact avec une personne infectée » développe ainsi Alain Bensoussan.
Le choix de ne pas utiliser de smartphone écarte immédiatement 13 millions de Français qui n’en possèdent pas, notamment, les personnes très âgées qui sont particulièrement touchées par la pandémie. Selon la mission Société Numérique, 13 millions de nos concitoyens demeureraient encore éloignés du numérique (2).
StopCovid n’est pas une application de « tracking » individuel
Pour certains, l’application StopCovid n’est pas une réponse à la crise mais une démarche idéologique destinée à limiter les libertés des personnes.
Comment se situer par rapport à cette position très tranchée ? Selon Alain Bensoussan, « il faut permettre l’utilisation des données dans l’intérêt de tous ».
Selon l’Inria partenaire du projet, la future application StopCovid n’utilise que le bluetooth, en aucun cas les données de bornage GSM ni de géolocalisation. Il ne s’agit pas d’une application de surveillance puisqu’elle est totalement anonyme.
Pour Alain Bensoussan, si l’on veut améliorer la situation sanitaire et économique en permettant un déconfinement dans les meilleures conditions, « il faut pouvoir recourir aux technologies du 21ème siècle sans en avoir peur en mettant les garde-fous associés ».
Il faut libérer les technologies numériques lorsqu’est en jeu non pas le caractère privé de la vie mais la vie en tant que tel.
(1) Retrouvez la totalité de l’interview d’Alain Bensoussan pour CNEWS, « StopCovid : le tracking suscite la polémique », dans #IntégraleWE, 11 avril 2020.
(2) « Treize millions de Français en difficulté avec le numérique », Mission société numérique (pilotée par le gouvernement de M. Édouard Philippe).