A l’occasion d’un précédent article, nous nous étions intéressés aux opérateurs de plateforme en ligne concernés par les obligations fiscales issues des articles 242 bis, 283 bis et 23 L sexies à 23 L undecies de l’annexe 4 du Code général des impôts (CGI).
Dans le cadre du présent article, nous nous attacherons à rappeler la nature des obligations fiscales en cause.
Ces obligations précisées par l’administration, le 21 février 2020 (BOI-BIC-DECLA-30-70-40-20), consistent pour les opérateurs de plateformes en ligne :
- à fournir, à chaque utilisateur, à l’occasion de chaque transaction, une information loyale, claire et transparente sur les obligations fiscales et sociales leur incombant ;
- à adresser à ce dernier un récapitulatif annuel du montant brut des transactions qu’il a perçu par leur intermédiaire, ce qui correspond à un récapitulatif de ses recettes brutes ;
- à déclarer de manière automatique à l’administration fiscale les revenus des utilisateurs des plateformes en ligne.
En outre, à compter du 1er janvier 2020, un mécanisme de solidarité de paiement en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) a été instituée entre l’assujetti et l’opérateur de plateforme en ligne par l’intermédiaire duquel cet assujetti exerce son activité.
Information sur les obligations fiscales des utilisateurs de plateforme en ligne
La plateforme en ligne, quel que soit son lieu d’établissement, est tenue de fournir à ses utilisateurs, à l’occasion de chaque transaction, une information loyale, claire et transparente sur les obligations fiscales et sociales qui incombent aux personnes qui réalisent des transactions commerciales par son intermédiaire (CGI, art. 242 bis).
Les informations devant être fournies sont relatives aux régimes fiscaux et à la réglementation sociale, applicables aux recettes et aux revenus tirés de ces opérations. Elles portent également sur les obligations déclaratives et de paiement auprès de l’administration fiscale et des organismes de recouvrement des cotisations sociales qui résultent de la transaction et sur les sanctions encourues en cas de manquement à ces obligations fiscales (CGI, ann. IV, art. 23 L. sexies).
Elle est également tenue de leur mettre à disposition un lien électronique vers les sites des administrations permettant de se conformer, le cas échéant, à ces obligations.
Transmission d’un récapitulatif annuel aux utilisateurs de plateforme en ligne
La plateforme en ligne est également tenue d’adresser par voie électronique aux vendeurs, aux prestataires ou aux parties à l’échange ou au partage d’un bien ou service qui ont perçu, en qualité d’utilisateur d’une plateforme, des sommes à l’occasion de transactions réalisées par son intermédiaire et dont elle a connaissance, au plus tard le 31 janvier de l’année suivant celle au titre de laquelle les informations sont données, un document mentionnant, pour chacun d’eux, les informations suivantes :
- les éléments d’identification de l’opérateur de la plateforme concernée ;
- les éléments d’identification de l’utilisateur ;
- le statut de particulier ou de professionnel indiqué par l’utilisateur de la plateforme ;
- le nombre et le montant total brut des transactions réalisées par l’utilisateur au cours de l’année civile précédente ;
- si elles sont connues de l’opérateur, les coordonnées du compte bancaire sur lequel les revenus sont versés.
Les éléments d’identification de l’opérateur de la plateforme doivent comprendre :
- sa raison sociale, telle qu’elle a été déclarée lors de son inscription au répertoire du système national d’identification et du répertoire des entreprises et de leurs établissements (SIRENE), ou tout autre répertoire équivalent s’il n’a pas été déclaré dans un département français ;
- son lieu d’établissement au 1er janvier de l’année de transmission du document ;
- son numéro de TVA intracommunautaire ou, s’il en est dépourvu, ses numéros d’identité définis à l’article R.123-221 du Code de commerce ou, pour une entreprise non résidente, son numéro d’immatriculation auprès de l’administration fiscale de son pays de résidence.
Les éléments d’identification de l’utilisateur doivent comprendre :
- Pour les personnes physiques :
- le nom de famille ou d’usage ;
- les prénoms ;
- l’adresse de résidence ;
- le numéro de téléphone ;
- l’adresse électronique ;
- la date de naissance ;
- lorsque le montant total brut des transactions réalisées par l’utilisateur au titre de l’année considérée, est supérieur ou égal à 1 000 euros, l’opérateur de la plateforme en ligne, soit vérifie les noms de famille ou d’usage, prénoms, date de naissance de l’utilisateur, notamment sur présentation par l’utilisateur d’une copie d’une pièce d’identité, soit indique à l’administration le numéro d’inscription au fichier de simplification des procédures d’imposition (SPI).
- Pour les personnes morales ou les personnes physiques agissant à titre professionnel :
- la raison sociale ;
- le lieu d’établissement connu de l’opérateur à la date de transmission du document ;
- le numéro de TVA intracommunautaire ou, s’il en est dépourvu, ses numéros d’identité définis à l’article R.123-221 du Code de commerce ou, pour une entreprise non résidente, son numéro d’immatriculation auprès de l’administration fiscale de son pays de résidence ;
- l’adresse électronique.
Les opérateurs de plateforme doivent indiquer le statut de particulier ou de professionnel communiqué par l’utilisateur.
Cette information est déterminée sous la seule responsabilité de l’utilisateur, le rôle des opérateurs de plateforme se limitant à porter sur le document l’information qu’ils sont tenus de recueillir auprès de chaque utilisateur.
Les opérateurs de plateforme doivent indiquer le montant total brut des transactions réalisées par l’utilisateur au cours de l’année civile concernée par le document récapitulatif et dont ils ont connaissance. Le montant à indiquer est le montant total brut des transactions incluant la rémunération de la plateforme due par l’utilisateur.
Le montant total brut des transactions réalisées par l’utilisateur doit être exprimé en euros. Lorsque le paiement des transactions réalisées s’effectue au moyen d’une devise autre que l’euro, le déclarant doit convertir le montant d’origine en euros, selon le cours existant entre les deux monnaies au jour de réalisation effective de l’opération.
Les opérateurs de plateforme doivent indiquer les coordonnées du compte bancaire de l’utilisateur sur lequel les montants des transactions ont été versés, qu’il soit une personne physique ou une personne morale, lorsque ces coordonnées leur sont connues.
Transmission d’un récapitulatif annuel à l’administration fiscale
La plateforme en ligne est enfin tenue d’adresser par voie électronique à l’administration fiscale, au plus tard le 31 janvier de l’année suivant celle au titre de laquelle les informations sont données, un document récapitulant l’ensemble des informations mentionnées au paragraphe précédent.
Par dérogation, la loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude fiscale, a dispensé de cette obligation de transmission, les transactions dont la plateforme en ligne pouvait avoir eu connaissance et portant sur la vente entre particuliers de biens d’occasion ou sur une prestation de services dont bénéficie également le particulier qui la propose, sans objectif lucratif et avec partage de frais avec les bénéficiaires.
Cette dispense concerne également les transactions dont le montant total perçu par un même utilisateur sur une plateforme en ligne n’excède pas :
- un total annuel de 3 000 euros ;
- un nombre annuel de 20 transactions.
Pour le respect de ces obligations, le dépôt du document doit obligatoirement s’effectuer sur support informatique dont le schéma est détaillé dans un cahier des charges, disponible dans l’espace « Partenaire » du site www.impots.gouv.fr dédié à l’économie collaborative et aux plateformes numériques.
Lorsque l’opérateur de plateforme remet son document annuel à l’administration fiscale, un « compte rendu métier » mentionnant les éventuelles anomalies à corriger lui est remis. Le rejet du document à raison des contrôles effectués est assimilé à une absence de dépôt du document récapitulatif.
Le document récapitulatif doit être adressé à l’administration au plus tard le 31 janvier de l’année qui suit celle au cours de laquelle les opérations récapitulées dans le document ont été réalisées. Cette date limite de dépôt s’applique également au dépôt de documents rectificatifs.
Le non-respect de l’une des obligations d’information des utilisateurs est sanctionné par une amende forfaitaire globale fixée dans la limite d’un plafond de 50 000 euros (BOI-CF-INF-10-40-55).
Quant au défaut de transmission aux vendeurs d’un document récapitulatif de leur activité sur la plateforme en ligne ou des mêmes informations à l’administration, celui-ci entraîne l’application d’une amende égale à 5% des sommes non déclarées.
Les omissions ou inexactitudes relevées dans le document (adresse ou identité du bénéficiaire, etc.) sont sanctionnées par une amende de 15 € par omissions ou inexactitudes, sans que le total des amendes applicables au document devant être produit simultanément puisse être inférieur à 60 euros ni supérieur à 10 000 euros (BOI-CF-INF-10-40-10).
Les omissions ou inexactitudes régularisées avant la fin du mois de février de l’année suivant celle au titre de laquelle les informations sont données ne sont pas sanctionnées.
Enfin, lorsque le document reçu par l’administration comporte plusieurs omissions ou inexactitudes pour un même utilisateur, il n’est appliqué qu’une seule amende de 15 euros par utilisateur.
Solidarité de paiement de la TVA de l’opérateur de plateforme en ligne
Depuis le 1er janvier 2020, un mécanisme de solidarité de paiement de la TVA a été mise en place entre l’assujetti à la TVA et l’opérateur de plateforme en ligne par l’intermédiaire duquel cet assujetti exerce son activité (CGI, article 283 bis et 293 A ter).
Cette nouvelle obligation a été commentée par l’administration dans sa doctrine qui fait actuellement l’objet d’une consultation publique jusqu’au 31 mai 2020 inclus (BOI-TVA-DECLA-10-10-30-20 du 23 mars 2020).
Ce mécanisme de solidarité peut trouver à s’appliquer à la suite d’un signalement effectué par l’administration auprès de l’opérateur de plateforme en ligne s’il existe des présomptions que l’assujetti concerné se soustrait à ses obligations fiscales en matière de déclaration ou de paiement de la TVA.
Les assujettis redevables de la TVA concernés par ce nouveau mécanisme sont plus précisément ceux :
- qui effectuent ou fournissent à des personnes non assujetties, par l’intermédiaire d’une plateforme en ligne, des livraisons de biens ou des prestations de services dont le lieu d’imposition est situé en France ce qui vise principalement les livraisons de biens et les prestations de services aux consommateurs finaux ;
- ou qui exercent leur activité par l’intermédiaire d’une plateforme en ligne et sont redevables de la TVA lors de l’importation de biens
Les principales étapes du mécanisme de solidarité de paiement sont les suivantes :
- l’administration signale, à l’opérateur de plateforme en ligne, l’assujetti pour lequel il existe des présomptions de soustraction aux obligations de déclaration ou de paiement de la TVA ;
- à la suite du signalement, l’opérateur de plateforme en ligne prend toute mesure pour permettre à l’assujetti de régulariser sa situation et notifie à l’administration les mesures prises ;
- s’il subsiste des présomptions à l’issue d’un délai d’un mois qui suit la notification faite par l’opérateur de plateforme en ligne ou, à défaut d’une telle notification, à l’issue d’un délai d’un mois qui suit le signalement, l’administration met en demeure l’opérateur de plateforme en ligne de prendre des mesures supplémentaires ou d’exclure l’assujetti de sa plateforme ;
- à la suite de la mise en demeure, l’opérateur de plateforme en ligne prend les mesures supplémentaires ou exclut l’assujetti, et notifie à l’administration les mesures mises en œuvre ou l’exclusion ;
- en l’absence de mise en œuvre des mesures supplémentaires ou d’exclusion de l’assujetti à l’issue d’un délai d’un mois qui suit la notification faite par l’opérateur de plateforme en ligne ou, à défaut d’une telle notification, dans un délai d’un mois qui suit la mise en demeure, la TVA dont l’assujetti est redevable est solidairement due par l’opérateur de plateforme en ligne.