En matière de commande publique, les différents cahiers des clauses administratives générales fixent les pénalités de retard consécutives à l’inexécution d’une obligation dans le délai prévu.
Cette pénalité est destinée à couvrir, de manière forfaitaire, le préjudice subi par le maître d’ouvrage public, étant précisé qu’il appartient à ce dernier d’appliquer les pénalités, telles que prévues dans les CCAG, ou bien d’y déroger en les modérant ou les augmentant.
Si les clauses relatives aux pénalités de retard procèdent de la liberté contractuelle, le juge judiciaire, depuis la loi du 9 juillet 1975 (art. 1152 et 1231 du Code civil), possède la faculté de moduler ces pénalités. Ainsi, le législateur a complété l’article 1152 du Code civil par un second alinéa, aux termes duquel : « néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite ».
Dans une décision du 29 décembre 2008 (1), le Conseil d’Etat vient de doter le juge administratif des mêmes pouvoirs de modulation des pénalités de retard. En l’espèce, les sages du Palais royal ont jugé que les pénalités appliquées, qui représentaient plus de 50 % du montant du marché, étaient manifestement excessives.
Le Conseil d’Etat reconnaît ainsi au juge administratif un pouvoir de modulation des pénalités de retard équivalent à celui prévu à l’article 1152 du Code civil : « il est loisible au juge administratif, saisi de conclusions en ce sens, de modérer ou d’augmenter les pénalités de retard résultant du contrat, par application des principes dont s’inspire l’article 1152 du Code civil, si ces pénalités atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire eu égard au montant du marché ; qu’après avoir estimé que le montant des pénalités de retard appliqué par l’office, lesquelles s’élevaient à 147 637 euros soit 56,2 % du montant global du marché, était manifestement excessif, la cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit en retenant une méthode de calcul fondée sur l’application d’une pénalité unique pour tous les ordres de service émis à la même date, aboutissant à des pénalités d’un montant de 63 264 euros ».
Il s’agit d’une évolution jurisprudentielle fondamentale puisque le Conseil d’Etat refusait, jusqu’alors, de se référer aux principes de l’article 1152 du Code civil (2). Il convient de préciser qu’en l’espèce, la décision des juges est favorable au titulaire puisque les pénalités étaient manifestement excessives.
En revanche, le nouveau pouvoir offert aux juges administratifs pourrait également bénéficier aux maîtres d’ouvrage public s’il s’avérait que le montant des pénalités était manifestement dérisoire. Enfin, le juge ne pourra se prononcer que s’il est saisi par l’une des parties, les nouveaux pouvoirs qui lui sont accordés ne relevant pas de son pouvoir propre.
(1) CE cont. 29 décembre 2008, req. 296930 OPHLM de Puteaux
(2) CE cont. 13-5-1987, req. 35374 société Citra ; CE cont. 24-11-2006, req. 275412 société Groupe 4
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