Une mission consacrée aux outils de reconnaissance des contenus et des œuvres sur les plateformes de partage vient d’être lancée. Elle est conjointe au Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA), à la Hadopi et au CNC.
Elle s’inscrit pleinement dans le cadre de article 17 de la directive droit d’auteur de 2019 (1) (ancien art. 13). Celui-ci prévoit la responsabilité des « fournisseurs de services de partages de contenus en ligne » en cas de diffusion d’un contenu sans autorisation de l’ayant-droit.
C’est donc sur la base d’un premier rapport conjoint des trois institutions (2), qu’un certain nombre de technologies et d’outils de reconnaissance existants ont pu être évalués.
Quels outils de reconnaissance des contenus sur les plateformes de partage ?
L’empreinte numérique (fingerprinting) est sans conteste, la solution « la plus répandue, la plus développée, la plus efficace ». L’examen de la robustesse de plusieurs algorithmes de reconnaissance permet de conclure à un niveau d’excellence ; de sorte que l’empreinte numérique est une « référence ».
Pour autant, d’autres techniques ne doivent pas être occultées, comme le souligne le rapport.
Ainsi, le hachage (hashing), le recours aux métadonnées, le tatouage numérique (watermarking) sont autant de solutions alternatives qui à défaut de rivaliser l’empreinte numérique, pourront la compléter.
Ces outils permettront aux plateformes de mettre en œuvre « leurs meilleurs efforts » pour le blocage et retrait des contenus illicites. qui conditionnent l’absence d’engagement de leur responsabilité.
Enfin l’évaluation de ces outils et les recommandations formulées dans le rapport seront indispensables pour la transition qu’appelle la Directive.
L’apport de la directive droit d’auteur
La directive droit d’auteur et droits voisins permet aux titulaires de droits et aux éditeurs de presse d’obtenir de meilleurs accords de rémunération pour l’utilisation de leurs œuvres et contenus présents sur les plateformes internet.
Pour rappel, cette directive avait fait l’objet de nombreuses controverses opposant :
- d’un côté les artistes et les éditeurs de presse et
- de l’autre les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft).
Les uns se battant pour une meilleure protection de leurs œuvres et une juste rémunération, conséquence de la diffusion de leurs créations, les autres prônant une diffusion libre sur internet et pour qui la directive serait de nature à restreindre l’accès aux savoirs.
L’adoption de cette directive le 15 avril 2019 est venue rééquilibrer le marché numérique tout en protégeant les auteurs et leurs ayants droits dont les créations sont bien souvent reproduites sans autorisation (3).
Deux points majeurs de la directive peuvent être mise en exergue :
- Premièrement : le texte entraîne l’instauration d’un droit voisin pour les éditeurs et agences de presse leur permettant d’obtenir une contrepartie financière en cas d’utilisation de leurs contenus en ligne par une plateforme ;
- Deuxièmement : la directive introduit un régime de responsabilité pour les plateformes de diffusion en ligne concernant la rémunération des créateurs. Par ce biais, les GAFAM sont incités à conclure des accords de licence avec les artistes et éditeurs de presse. A défaut d’accords, les plateformes d’hébergement commercial devront mettre en place un système de filtrage des publications mises en ligne et s’assurer de facto, que leurs publications ne contiennent pas des œuvres protégées.
Les suites : transposition partielle de la directive
La France a fait figure de modèle en étant le premier état membre à transposer le nouveau « droit voisin » des éditeurs et agences de presse consacrée par la directive (4).
Ainsi, depuis le 25 octobre 2019, l’ensemble des plateformes, réseaux sociaux et autres sites agrégateurs d’informations doivent obtenir une autorisation de l’éditeur ou de l’agence de presse. Elle est indispensable à toute reproduction ou communication au public, totale ou partielle, sous une forme numérique, de publications de presse. En contrepartie, les éditeurs et agences de presse peuvent solliciter une rémunération.
Reste maintenant à la France, le devoir de terminer la transposition de la directive. Le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle (5) devrait comprendre une proposition de transposition de l’article 17 sur la reconnaissance et le système de filtrage ainsi des articles 18 à 22 sur la juste rémunération des artistes et auteurs.
En bref, les Etats membres ont jusqu’au 7 juin 2021, au plus tard, pour transposer la directive droit d’auteur dans leur droit interne.
Marie Soulez
Lexing Propriété intellectuelle contentieux
(1) Directive (UE) 2019/790 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique et modifiant les directives 96/9/CE et 2001/29/CE.
(2) Rapport CSPLA-Hadopi-CNC : Les outils de reconnaissance faciale, 2020.
(3) Rapport sur la proposition du Parlement européen et du conseil de directive sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique du 29 juin 2018.
(4) Loi n°2019-775 du 24 juillet 2019 tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse.
(5) Projet de loi n°2488 relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique.