L’Observatoire de la haine en ligne mis en place par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) début juillet 2020, s’est réuni pour la première fois le 23 juillet.
Instauré par l’article 16 de la loi du 24 juin 2020 (loi « Avia »), il vise à lutter contre les contenus haineux sur internet en assurant « le suivi et l’analyse de l’évolution des contenus ». Composé des acteurs qui suivent ce phénomène (opérateurs (1), associations (2), administrations (3) et chercheurs (4)), il aura pour tâche :
- d’analyser et quantifier les contenus relatifs à la haine en ligne ;
- d’œuvrer à améliorer la compréhension du phénomène en suivant son évolution ;
- de partager les informations des différents acteurs concernés, publics et privés.
Rappelons que le texte porté par la députée LREM Lætitia Avia (5) a fait l’objet de nombreuses critiques. Il a vu plusieurs de ses dispositions largement censurées par le Conseil Constitutionnel ; en cause : préserver l’équilibre entre la sauvegarde de l’ordre public et la liberté d’expression et de communication.
Dans le droit fil de l’Observatoire…
Certains réseaux sociaux n’ont pas attendu le vote de la loi Avia pour créer leur propre organe de gouvernance. Par exemple, Facebook a mis en place un Conseil de surveillance fin 2019. Son rôle : jouer les modérateurs et trancher les différends liés aux retraits de publication sur le réseau social.
Sa composition a été finalisée le 6 mai 2020 après un long processus de consultation mondiale : 650 personnes de 88 pays différents ont été consulté.
Le Conseil compte une quarantaine de membres dans 27 pays, parlant au moins 29 langues ; tous engagés dans cette mission de surveillance. Les membres jouissent d’une réelle indépendance. Pour éviter tout conflit d’intérêts, ils ne sont en effet pas employés par le réseau social et ne peuvent donc être révoqués par ce dernier.
Ils ont tous signé un engagement avec le Conseil de surveillance.
Prendre la décision de ce qui doit être autorisé sur les plateformes et ce qui doit être supprimé n’est pas aisé. De telles décisions peuvent en effet être controversées et bon nombre d’entre elles ont d’importantes implications pour la liberté d’expression.
Pour certains, la modération peut s’apparenter à la censure. On se souvient qu’en 2011, le compte d’un internaute avait été banni de Facebook ; en cause, la publication de la photo de « L’Origine du monde », célèbre tableau de Gustave Courbet. Cette affaire s’est soldée à l’amiable en août 2019, après l’abandon de la plainte contre Facebook pour atteinte à la liberté d’expression (6).
Marie Soulez
Lexing Propriété intellectuelle contentieux
Isabelle Pottier
Lexing Département Etudes et publications
Notes
(1) Dailymotion, Facebook, Google, LinkedIn, Microsoft, Qwant, Snapchat, Tik Tok, Twitch, Twitter, Wikimédia France, Yubo.
(2) Civic Fab ; Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) ; e-Enfance, l’Association française pour le nommage Internet en coopération (AFNIC) ; Génération numérique ; InterLGBT ; La Quadrature du Net ; Ligue des droits de l’homme ; Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA) ; Observatoire du conspirationnisme ; Point de contact ; Renaissance numérique ; Respect Zone ; SOS Homophobie, SOS Racisme ; STOP Homophobie ; Institute for Strategic Dialogue.
(3) Conseil national consultatif des personnes handicapées ; Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) ; Conseil national du numérique ; Délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT ; Défenseur des droits ; Haut Conseil pour l’égalité entre les hommes et les femmes ; ministère de la Culture (DGMIC) ; minist. en charge du Numérique ; ministère de l’Education nationale, de la Jeunesse et des Sports ; minist. de l’Europe et des Affaires étrangères (ambassadeur du numérique) ; ministère de l’Intérieur (PHAROS) ; minist. de la Justice (DACG) ; ministère délégué chargé de l’Egalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et des Chances.
(4) Charlotte DENIZEAU, maître de conférences en droit public à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne ; Divina FRAU-MEIGS, professeure à l’Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3 ; Dominique TAFFIN, archiviste paléographe, conservatrice générale du patrimoine et directrice générale de la Fondation pour la Mémoire de l’esclavage ; Hasna HUSSEIN, docteure de l’Université Libanaise et de l’Université de Bordeaux, chercheuse associée au Centre Durkheim et à l’Observatoire des Radicalisations ; Virginie JULLIARD, professeure en sciences de l’information et de la communication au Celsa-Sorbonne Université ; Frédéric REGENT, maître de conférences à l’université Paris 1 Panthéon Sorbonne ; Jérôme FERRET, maître de conférences en sociologie à Université Toulouse 1 Capitole et membre associé au CADIS (EHESS-CNRS).
(5) Cf. notre post du 7 avril 2020.
(6) AFP agence,