Afin de renforcer la lutte contre la fraude fiscale, la directive (UE) 2018/822 du Conseil du 28 mai 2018 a modifié la directive 2011/16 en ce qui concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations entre les autorités fiscales des Etats membres de l’UE en rapport avec les dispositifs transfrontières potentiellement agressifs et devant faire l’objet d’une déclaration.
Cette directive a été transposée en droit interne par l’ordonnance n°2019-1068 du 21 octobre 2019 et codifiée sous les articles 1649 AD à 1649 AH du Code général des impôts (CGI), ainsi qu’à l’article 1729 C ter du même code pour les sanctions applicables en cas de manquement à l’obligation déclarative.
L’administration a commenté ces nouvelles dispositions dans ses instructions publiées au BOFIP les 9 mars et 29 avril 2020. Elles doivent entrer en vigueur en droit français le 1er juillet 2020.
Cependant, en raison de l’épidémie du covid-19, la Commission a proposé, le 8 mai 2020, que, pour les dispositifs dont la première étape est mise en œuvre :
- entre le 1er juillet 2020 et le 30 septembre 2020, le délai de 30 jours dans lequel ces dispositifs doivent être déclarés ne commence à courir qu’à compter du 1er octobre 2020 au lieu du 1er juillet 2020 ;
- entre le 25 juin 2018 et le 30 juin 2020, les dispositifs qui auraient dû être déclarés au plus tard le 31 août 2020 puissent l’être jusqu’au 30 novembre 2020.
Tout dispositif transfrontières comportant au moins l’un des marqueurs ci-après considérés comme potentiellement agressifs doit faire l’objet d’une déclaration.
Le sens du terme « dispositif » transfrontière visé
Le terme « dispositif » doit être entendu au sens large pour recouvrir notamment tout accord, montage, entente, mécanisme, transaction ou série de transactions, qu’ils aient ou non force exécutoire.
Ce terme recouvre également la constitution, l’acquisition ou la dissolution d’une personne morale ou la souscription d’un instrument financier.
De même ce « dispositif » peut être constitué d’une ou plusieurs étapes et faire intervenir un ou plusieurs participants.
Constituent par exemple un « dispositif » les mesures visant à tenir les réunions du conseil d’administration d’une société dans un Etat différent de l’Etat de résidence de la société, afin de pouvoir faire valoir un changement de résidence sur une opération de financement ou de refinancement intra-groupe (1).
En revanche, ne constitue pas un « dispositif », le fait, pour un contribuable, d’attendre simplement l’expiration d’un délai ou d’une période légale pour réaliser une transaction en exonération d’impôt (par exemple, une société établie en France qui attend l’expiration d’une période de deux ans pour vendre une participation qu’elle détient dans une société établie en Espagne afin de bénéficier du régime d’exonération des plus-values à long terme) (2).
Il doit s’agir également d’un « dispositif transfrontière ».
Le sens du terme « dispositif transfrontière » visé
Un dispositif est réputé transfrontière, dès lors que deux conditions sont réunies :
- le dispositif concerne la France et un autre Etat que celui-ci situé dans l’UE ou hors UE ;
- le dispositif répond à une condition de résidence ou d’activité des participants dans deux Etats distincts :
- la France et un autre Etat, membre ou non de l’UE.
Cette dernière condition repose sur l’Etat de résidence ou d’exercice de l’activité des « participants au dispositif » connu par l’intermédiaire ou le consultant, étant précisé que sont des participants au dispositif :
- les intermédiaires ;
- les contribuables concernés ;
- les entreprises associées ;
- toute autre personne ou entité susceptible d’être concernée par le dispositif.
Enfin, un dispositif transfrontière est déclarable lorsqu’il comporte un ou plusieurs marqueurs prévus à l’article 1649 AH du CGI.
La définition des marqueurs
Un marqueur, au sens de ces nouvelles dispositions s’entend comme une caractéristique ou une particularité d’un dispositif transfrontière qui indique un risque potentiel d’évasion fiscale (3).
Pour certains marqueurs, l’obligation de déclaration du dispositif n’exige pas la recherche d’un avantage principal entendu comme un avantage fiscal.
Pour d’autres, en revanche, la recherche d’un avantage fiscal est exigée pour que le dispositif transfrontière soit déclarable, ce qui sera le cas lorsque celui-ci permet notamment d’obtenir un remboursement d’impôt, un allègement ou une diminution d’impôt, une réduction de dette fiscale, un report d’imposition ou une absence d’imposition.
Au sujet de ces derniers marqueurs, pour lesquels un avantage fiscal est exigé, il en est ainsi d’un dispositif transfrontière présentant l’une des caractéristiques suivantes (4) :
- le contribuable concerné ou un participant au dispositif s’engage à respecter une clause de confidentialité selon laquelle il peut lui être demandé de ne pas divulguer à d’autres intermédiaires ou aux autorités fiscales la manière dont le dispositif pourrait procurer un avantage fiscal ;
- l’intermédiaire est en droit de percevoir des honoraires, intérêts ou rémunération pour financer les coûts et autres frais, pour le dispositif et ces honoraires, intérêts ou rémunération sont fixés par référence :
- au montant de l’avantage fiscal découlant du dispositif ; ou
- au fait qu’un avantage fiscal découle effectivement du dispositif (5) ;
- le dispositif dont la documentation et/ou la structure sont en grande partie normalisées et qui est à la disposition de plus d’un contribuable concerné sans avoir besoin d’être adapté de façon importante pour être mis en œuvre.
Cependant, l’administration précise, dans sa documentation, que lorsque l’avantage principal obtenu en France au moyen du dispositif transfrontière résulte de l’utilisation d’un dispositif d’incitation fiscale conforme à l’intention du législateur français, cet avantage principal n’est a priori pas considéré comme un avantage fiscal principal, sous réserve du respect de l’intention du législateur (6).
Les personnes à qui incombe l’obligation déclarative sont :
- les intermédiaires ;
- les contribuables concernés.
Intermédiaires tenus d’effectuer la déclaration
Un intermédiaire qui doit souscrire cette déclaration en France est :
- toute personne professionnelle ou non,
- rémunérée ou non,
qui répond à l’une des deux catégories visées ci-après et qui dispose d’un lien territorial avec la France.
Les deux catégories d’intermédiaires concernés par cette obligation sont :
- l’intermédiaire concepteur, c’est-à-dire celui qui conçoit, commercialise ou organise un dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration, le met à disposition aux fins de sa mise en œuvre ou en gère la mise en œuvre ;
- l’intermédiaire prestataire de services c’est-à-dire toute personne qui, compte tenu des faits et circonstances et sur la base des informations disponibles, ainsi que de l’expertise en la matière et de la compréhension nécessaires pour fournir de tels services, sait ou pourrait raisonnablement être censée savoir qu’elle s’est engagée à fournir, directement ou par l’intermédiaire d’autres personnes, une aide, une assistance ou des conseils concernant notamment la conception, la commercialisation ou l’organisation d’un dispositif transfrontière déclarable ou la gestion de sa mise en œuvre.
Pour être tenu à cette déclaration en France, l’intermédiaire doit, en outre, disposer d’un lien territorial avec la France ; ce qui sera le cas si cet intermédiaire satisfait à l’une des conditions ci-après :
- être fiscalement domicilié, résident ou à son siège en France ;
- posséder en France un établissement stable qui fournit les services concernant le dispositif transfrontière déclarable ;
- être constitué en France ou est régi par le droit français ;
- être enregistré en France auprès d’un ordre ou d’une association professionnelle en rapport avec des services juridiques, fiscaux ou de conseil ou il bénéficie d’une autorisation d’exercer en France délivrée par cet ordre ou association.
Cependant, cet intermédiaire est dispensé de cette déclaration dans deux situations :
- la déclaration de ces informations a été souscrite par un autre intermédiaire en France ou dans un autre Etat membre de l’UE ;
- l’intermédiaire est soumis au secret professionnel et n’a pas obtenu l’accord de son client de déclarer les informations ; dans ce dernier cas, l’obligation déclarative incombe alors à tout autre intermédiaire ou, en l’absence d’autre intermédiaire, au contribuable concerné.
Contribuables tenus d’effectuer la déclaration
En outre, dans certains autres cas, l’obligation déclarative incombe au contribuable concerné.
Ainsi, un contribuable concerné est toute personne :
- à qui un dispositif transfrontière déclarable devant faire l’objet d’une déclaration est mis à disposition pour mise en œuvre ;
- ou qui est disposée à le mettre en œuvre ;
- ou qui a mis en œuvre la première étape d’un tel dispositif.
Le contribuable concerné est donc l’utilisateur du dispositif ou est partie au dispositif transfrontière déclarable.
Par exemple, au sein d’un groupe de société, la société mère dont le siège est en France conçoit un dispositif transfrontière utilisé par d’autres sociétés du groupe dont le siège est dans un autre Etat membre de l’UE ou hors UE.
Dans ce cas, la société mère est un intermédiaire concepteur et les autres sociétés du groupe les contribuables concernés.
Les obligations déclaratives
Lorsqu’un dispositif transfrontière comporte un ou plusieurs marqueurs prévus à l’article 1649 AH du CGI, une déclaration de ce dispositif doit être souscrite auprès de l’administration fiscale, sous forme dématérialisée, par l’intermédiaire ayant participé à sa mise en œuvre ou par le contribuable concerné.
Déclaration par l’intermédiaire
L’intermédiaire doit souscrire cette déclaration dans un délai de trente jours à compter de la première des dates suivantes :
- le lendemain du jour de la mise à disposition pour mise en œuvre du dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration ;
- le lendemain du jour où le dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration est prêt à être mis en œuvre ;
- le jour de la réalisation de la première étape de la mise en œuvre du dispositif transfrontière ;
L’intermédiaire doit également communiquer tous les trois mois une mise à jour des informations relatives à des dispositifs conçus, commercialisés, prêts à être mis en œuvre ou mis à disposition aux fins de mise en œuvre sans avoir besoin d’être adaptés de façon importante. Les modalités de cette mise à jour seront précisées par décret.
Déclaration par le contribuable concerné
Le contribuable concerné à qui incombe l’obligation de déclaration doit souscrire celle-ci dans un délai de trente jours à compter des mêmes dates que celles imparties à l’intermédiaire.
Chaque contribuable concerné par un dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration déclare chaque année l’utilisation qu’il en a faite au titre de l’année précédente selon les modalités fixées par un arrêté du ministre chargé du budget.
Les sanctions
Les manquements à une obligation de déclaration ou de notification entraînent l’application d’une amende ne pouvant excéder 10 000 euros.
Le montant de l’amende ne peut excéder 5 000 euros lorsqu’il s’agit de la première infraction de l’année civile en cours et des trois années précédentes.
Le montant de l’amende appliquée à un même intermédiaire ou à un même contribuable concerné ne peut excéder 100 000 euros par année civile (7).
Pierre-Yves Fagot
Lexing Droit de l’entreprise
(1) BOI- CF-CPF-30-40-10-10 du 9 mars 2020 n°20
(2) BOI- CF-CPF-30-40-10-10 du 9 mars 2020 n°30
(3) BOI- CF-CPF-30-40-10-10 du 9 mars 2020 n°100
(4) CGI, article 1649 AH II A
(5) Cela peut inclure une obligation pour l’intermédiaire de rembourser partiellement ou entièrement les honoraires si l’avantage fiscal escompté découlant du dispositif n’a pas été complètement ou partiellement généré.
(6) BOI- CF-CPF-30-40-10-10 du 9 mars 2020 n°160
(7) CGI, art 1729 C ter