Par un arrêt très attendu rendu le 8 octobre 2020 (1), la Cour d’appel de Paris a confirmé la décision de l’Autorité de la Concurrence du 9 avril 2020 (2) qui avait enjoint à Google de négocier, de bonne foi sous trois mois, avec les éditeurs et agences de presse concernant la rémunération de l’utilisation de leurs contenus.
L’Autorité considérait que les pratiques de Google à l’encontre des éditeurs de presse étaient susceptibles de constituer un abus de position dominante.
Après avoir annoncé initialement qu’il se conformerait à la décision de l’Autorité de la concurrence, Google avait finalement, à la suite de l’échec des négociations avec les éditeurs de presse, décidé de faire appel de celle-ci.
Les faits reprochés par les éditeurs à Google
Les droits voisins prévoient une rémunération pour les contenus des éditeurs de presse utilisés par des plateformes en ligne. En effet, l’article L. 218-2 du Code de la propriété intellectuelle, introduit par la loi du 24 juillet 2019 tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse, dispose que « l’autorisation de l’éditeur de presse ou de l’agence de presse est requise avant toute reproduction ou communication au public totale ou partielle de ses publications de presse sous une forme numérique par un service de communication au public en ligne », les modalités de rémunération étant précisé à l’article L. 218-4.
Les éditeurs de presse, regroupés en une société de gestion collective depuis juillet 2020, ont saisi l’Autorité de la concurrence. Ils reprochaient à Google de ne pas respecter la loi relative aux droits voisins en réclament une autorisation à titre gratuit pour afficher leurs contenus en entier sur le moteur de recherche. Refusant de requérir une telle autorisation puisqu’il n’affiche que des extraits des contenus, Google déclarait se conformer ainsi à la nouvelle règlementation en matière de droits voisins. Il argumentait que le trafic généré sur les sites internet des éditeurs engendrait par ailleurs une rémunération pour les éditeurs.
Une décision très attendue
Le 8 octobre 2020, la Cour d’appel de Paris a rendu sa décision et a rejeté les différents moyens soulevés par Google, tels que la contestation de l’abus de position dominante, le marché pertinent, l’imposition de conditions inéquitables de transaction, ou le caractère nécessaire et proportionné des mesures conservatoires. La Cour considère que les pratiques mises en œuvre par le moteur de recherche entrent dans le champ d’application des dispositions de la loi du 24 juillet 2019 protectrices des éditeurs.
Elle a également condamné Google à payer la somme de 20 000 euros à chacun des trois représentants des éditeurs de presse impliqués (APIG, SEPM et AFP), au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Cette décision contraint ainsi Google à continuer les négociations avec les éditeurs de presse afin d’arriver à un accord concernant la rémunération de l’utilisation des contenus des éditeurs et agences de presses.
Cette première décision en la matière, saluée par les éditeurs de presse, pourrait créer un précédent dans les autres pays européens soumis à la directive européenne sur les droits voisins (3) dont la loi est issue. Déjà en 2012 et avant même la transposition de la directive droits voisins, les éditeurs de presse francophone belge, qui reprochaient à Google la reproduction des articles dans le moteur de recherche dédié à l’actualité, avaient conclu avec le géant de l’internet un accord sur une rémunération des éditeurs, clôturant une saga judiciaire de plus de 6 ans.
Marie Soulez
Marie Rouxel
Lexing Propriété intellectuelle contentieux
(1) Décision de la Cour d’appel de Paris du 8 octobre 2020
(2) Décision de l’Autorité de la concurrence du 9 avril 2020
(3) Directive 2019-790 du 17 avril 2019 du Parlement européen et du Conseil sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique