Cloud souverain : en plein débat sur la souveraineté numérique, l’américain Google et le français OVH annoncent une alliance inédite.
Ce « partenariat stratégique », des mots d’OVH a pour objectif d’aider les organisations européennes dans l’accélération de leur transformation dans le cloud et de répondre à leurs besoins stricts en termes de sécurité et confidentialité de leur données (1).
Les deux mastodontes ont promis de porter au premier plan leurs technologies et leurs compétences de pointe.
Retour sur les premières annonces dans un contexte où le marché du cloud, dopé par l’essor du télétravail devrait afficher une croissance de 6,3% en 2020.
Une alliance au cœur du débat sur le cloud souverain
Le partenariat inédit entre OVH et Google intervient au moment où les pays européens, au premier rang desquels l’Allemagne et la France, ont appelé de leurs voeux l’émergence d’une alternative européenne dans le secteur du cloud (2).
Avec une part de marché estimée à 60 % au deuxième trimestre, Amazon et Microsoft dominent l’industrie du stockage des données (3).
L’année dernière Google avait affiché sa volonté de se tourner vers une croissance externe en matière de cloud (4). Objectif, rattraper son retard mais aussi se diversifier au-delà de l’activité de publicité, représentant 81% sur le dernier trimestre publié (5).
Mais surtout, l’invalidation du Privacy Shield par la Cour de Justice de l’Union européenne le 16 juillet dernier incite également les géants américains à nouer des accords avec des acteurs de plus petite taille mais qui ont le grand mérite d’être européens (6).
Fort de ce contexte, OVH a su saisir l’occasion de fournir des solutions innovantes qui répondront aux exigences croissantes de l’Europe en matière de souveraineté des données (7).
Le cloud souverain comme bouclier au transfert des données aux Etats-Unis
De manière inédite, il sera possible d’héberger des données chez OVHcloud, tout en profitant des logiciels innovants de Google. En effet, il a été précisé que cette offre sera entièrement exploitée et gérée en Europe, par les équipes d’OVHcloud.
Techniquement, Google Cloud n’aura pas la possession, le contrôle ou la garde des données et des métadonnées.
Jusqu’à présent, utiliser les services cloud de Google impliquait le transfert des données aux Etats-Unis ou dans un data center de Google localisé en Europe (8). Or, le déploiement de data centers par Google n’est pas prévu avant 2022.
Surtout, le Cloud Act, une loi fédérale américaine, permet de contraindre les fournisseurs américains de services à divulguer les données stockées sur leurs serveurs situés aux États-Unis ou dans des pays étrangers (9).
L’alliance est donc un bon moyen pour Google de répondre aux problématiques de confidentialité, sécurité et protection des données.
L’accord étant non exclusif, on peut toutefois s’attendre à ce que d’autres géants américains ou chinois signent eux-aussi des accords similaires avec le français OVH ou tout autre prestataire cloud ayant des data centers en Europe (Oodrive, Outscale, etc.).
Une offre combinant les savoir-faire des deux sociétés tenant compte des recommandations de la Cnil et du Contrôleur européen
Concrètement, OVH devrait proposer une nouvelle offre Hosted Private Cloud ; autrement dit un espace réservé à une entreprise sur des serveurs spécifiques depuis son infrastructure dédiée.
Ce type d’offre fait écho aux recommandations de la Cnil et du Contrôleur européen européen de la protection des données quant aux contrats conclus par les institutions européennes avec Microsoft (10). Le mois dernier, le Heath data hub a également été épinglé. Il s’agit de la base compilant les données de santé des Français actuellement hébergées par Microsoft. En cause : les possibles transferts de données personnelles vers les États-Unis
Protectrice, l’offre OVH sera compatible avec les technologies Open source intégrera la technologie Anthos de Google Cloud.
Lancée l’année dernière, Anthos est une plateforme dédiée au multi cloud et au cloud hybride (11). Cet outil logiciel permet aux développeurs de transférer des applications déjà existantes dans le cloud ou d’en créer d’autres.
OVH a cependant précisé qu’elle continuera à collaborer avec son écosystème de développeurs externes. L’objectif, permettre ainsi de greffer les applications sur Anthos.
En outre, il semble que le partenariat ne devrait pas se limiter à une seule offre. En effet, Michel Paulin, Directeur Général d’OVHcloud a déclaré :
Les deux entreprises prévoient de mettre au point des solutions communes qui permettront à leurs clients de tirer tous les avantages d’une approche ouverte et multi-cloud, tout en mobilisant un écosystème important de développeurs» (12).
Reste que la feuille de route ainsi que les modalités financières du partenariat n’ont pas été dévoilées. L’avenir nous dira s’il s’agit d’un réel accord gagnant-gagnant.
Eric Le Quellenec
Marine Lecomte
Lexing Informatique Conseil
Notes :
(1) Communiqué de presse, « OVHcloud et Google Cloud annoncent un partenariat stratégique pour co-construire une solution de confiance en Europe », 9 novembre 2020.
(2) Reuters, « Le français OVH s’allie à Google dans le cloud », 10 novembre 2020.
(3) Idem.
(4) Les Echos, « Cloud : Google encore loin derrière Amazon et Microsoft », 5 février 2019.
(5) Reuters, 10 novembre 2020, précité.
(6) Isabelle Pottier, « Le Privacy Shield invalidé par la Cour de justice de l’Union européenne », Post du 17 juillet 2020.
(7) Communiqué de presse du 9 novembre 2020, précité.
(8) Le Monde, « Cloud : alliance inédite entre l’américain Google et le français OVH », 10 novembre 2020.
(9) Eric Le Quellenec, « Gaia-X : les lignes directrices du cloud souverain européen dévoilées », Post du 24 septembre 2020.
(10) Eric Le Quellenec, « Les contrats cloud Microsoft rattrapés par le RGPD : suite et fin ? », Post du 11 septembre 2020.
(11) Google, page Anthos, consultée le 17 novembre 2020.
(12) Communiqué de presse du 9 novembre 2020, précité.