Depuis les ordonnances Macron, il est possible d’intégrer les spécificités de chaque entreprise en négociant un accord d’aménagement du temps de travail.
Les règles relatives à la durée du travail
La durée légale du travail en France est fixée à 35 heures hebdomadaires. Au-delà de ces 35 heures, il s’agit d’heures supplémentaires qui doivent être rémunérées moyennant une majoration de salaire. Le taux de majoration est prévu par une convention collective ou à défaut par la loi (art. L.3121-27 à L.3121-31 du Code du travail). Le taux légale est de 25 % pour les 8 premières heures et de 50 % pour les heures effectuées au-delà.
Il existe par ailleurs un contingent annuel d’heures supplémentaires à ne pas dépasser. Ainsi, la convention collective applicable ou à défaut le Code du travail fixent un plafond annuel de 220 heures.
Enfin, il est possible de conclure avec les salariés des conventions de forfait qui sont à la fois des outils de simplification salariale (permettant de verser un salaire forfaitaire identique chaque mois en incluant des heures supplémentaires) et d’aménagement du temps de travail (permettant de déroger au respect de l’horaire collectif).
Les conventions de forfait
Il existe deux catégories de forfait : les conventions de forfait avec référence horaire dit « forfait en heures » et les conventions de forfait sans référence horaire dit « forfait en jours » :
- Le forfait en heures : L’employeur et le salarié peuvent convenir d’un horaire et d’un salaire forfaitaire lorsque l’horaire de travail comporte l’accomplissement d’un nombre constant d’heures supplémentaires. Le salaire forfaitaire correspondra alors à l’horaire de travail incluant les majorations pour heures supplémentaires. Le salaire est calculé selon le nombre d’heures supplémentaires effectuées dans la semaine (forfait horaire sur une base hebdomadaire), dans le mois (forfait horaire sur une base mensuelle) ou dans l’année (forfait horaire sur une base annuelle).
- Le forfait en jours : L’employeur et le salarié peuvent convenir d’un forfait annuel en jours en cas d’impossibilité de déterminer avec certitude le nombre d’heures de travail effectuées en raison des fonctions exercées par le salarié. La rémunération se calcule alors en fonction des jours travaillés dans l’année, sans tenir compte du nombre d’heures passées à l’exécution de la mission du salarié. La mise en place d’un forfait en jours est toutefois subordonnée à des conditions strictes et ne peut s’appliquer que pour une catégorie spécifique de salariés.
S’agissant des conventions individuelles de forfait hebdomadaires ou mensuels, le législateur n’a pas limité leur recours à certaines catégories de salariés ou à l’existence préalable d’un accord collectif. Le recours aux conventions individuelles de forfait sur l’année, qu’elles soient en heures ou en jours, est néanmoins plus stricte et doit être encadré par une convention collective de branche ou un accord d’aménagement du temps de travail au niveau de l’entreprise.
La place nouvelle de l’accord d’aménagement du temps de travail
Le principe des conventions de forfait en heures ou en jours sur l’année est qu’elles ne peuvent être mises en place qu’avec une autorisation expressément :
- un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou de groupe ou, à défaut,
- une convention ou un accord de branche (art. L.3121-63 du Code du travail).
La rédaction de cet article, issu de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 dite loi « El Khomri », illustre bien la volonté du gouvernement et du législateur de favoriser la négociation interne au sein des entreprises. Le recours à une convention collective apparaît en effet ici de façon subsidiaire : c’est l’accord d’entreprise qui est mis en avant.
De plus, l’ordonnance Macron n°2017-1386 du 22 septembre 2017 est venue donner à l’accord d’entreprise une place plus importante dans l’organisation des relations sociales au sein de l’entreprise. Ainsi, depuis le 1er janvier 2018, on distingue trois blocs permettant d’organiser l’articulation entre accord de branche et accord d’entreprise :
- Les domaines pour lesquels l’accord de branche prime ;
- Les domaines pour lesquels l’accord d’entreprise peut déroger à condition qu’il contienne des garanties équivalentes à l’accord de branche ;
- Tous les domaines qui ne relèvent pas des deux premiers blocs et pour lesquels l’accord d’entreprise peut déroger, même défavorablement, à l’accord de branche.
L’aménagement du temps de travail relève des matières du bloc n°3, sauf pour certaines dispositions spécifiques (durées maximales de travail). Ainsi, les entreprises peuvent adapter au mieux les règles internes applicable sur l’aménagement et le décompte de la durée du travail.
La négociation d’un accord d’entreprise est possible quelle que soit la taille de l’entreprise. Cependant, les modalités différent.
L’accord d’aménagement du temps de travail pour les TPE
Au sein des entreprises de moins de 11 salariés :
- Négociation avec un salarié mandaté par une organisation syndicale. Les salariés doivent approuver l’accord via référendum à la majorité simple. Il entre en vigueur une fois les formalités de publicité et de dépôt effectuées.
- Absence de délégué syndical. L’employeur doit proposer un projet d’accord aux salariés qui doivent l’approuver par référendum à la majorité des 2/3. Il entre en vigueur une fois les formalités de publicité et de dépôt effectuées.
Au sein des entreprises de 11 à 20 salariés
- Entreprise dépourvue de CSE. L’employeur doit proposer aux salariés un projet d’accord qu’ils doivent approuver par référendum à la majorité des 2/3. Il entre en vigueur une fois les formalités de publicité et de dépôt effectuées.
- Négociation avec un salarié mandaté par une organisation syndicale. Les salariés doivent approuver l’accord via référendum à la majorité simple. Il entre en vigueur une fois les formalités de publicité et de dépôt effectuées.
- Négociation avec les membres du CSE mandatés ou non par une organisation syndicale. Les élus représentants la majorité des suffrages exprimés lors des élections professionnelles doivent signer l’accord. Il entre en vigueur une fois les formalités de publicité et de dépôt effectuées.
L’accord d’aménagement du temps de travail pour les PME et grands groupes
Au sein des entreprises de 20 à 50 salariés :
- Négociation avec un ou plusieurs salariés mandatés par une organisation syndicale. Les salariés doivent approuver l’accord via référendum à la majorité simple. Il entre en vigueur une fois les formalités de publicité et de dépôt effectuées.
- Négociation avec les membres du CSE mandatés ou non par une organisation syndicale. L’accord doit être signé par les élus représentants la majorité des suffrages exprimés lors des élections professionnelles. Il entre en vigueur une fois les formalités de publicité et de dépôt effectuées.
Au sein des entreprises de 50 salariés et plus :
- Négociation avec les membres du CSE mandatés ou non par une organisation syndicale. L’employeur doit négocier en priorité avec les salariés élus mandatés par une organisation syndicale. Dans les deux cas, les élus représentants la majorité des suffrages exprimés lors des élections professionnelles doivent signer l’accord . Il entre en vigueur une fois les formalités de publicité et de dépôt effectuées.
- Négociation des salariés mandatés par une organisation syndicale. Les salariés doivent approuver l’accord via référendum à la majorité simple. Il entre en vigueur une fois les formalités de publicité et de dépôt effectuées.
En matière d’aménagement du temps de travail, les besoins de chaque entreprise peuvent être très spécifiques. C’est ainsi que depuis l’entrée en vigueur des dispositions favorisant la négociation au niveau de l’entreprise, on observe une multiplication du nombre d’accords d’aménagement du temps de travail dans les entreprises de toutes tailles, qui ont bien cerné l’opportunité d’une telle démarche.
Emmanuel Walle
Elena Blot
Droit du travail numérique