Par décision en date du 21 décembre 2010, adoptée à trois voix contre deux, les commissaires de la « Federal Communications Commission » (FCC) américaine ont adopté des règles relatives à la neutralité des réseaux sur l’internet fixe et mobile. La décision de la FCC a pour objet de permettre à internet de conserver son caractère de plateforme ouverte offrant un large choix au consommateur et proposant un espace de liberté d’expression et d’innovation contrôlé par les utilisateurs finaux, où la concurrence peut se développer. Ainsi, cette décision pose le principe de la transparence des pratiques en matière de gestion des réseaux, de politique commerciale et de performance technique.
Par ailleurs, elle interdit spécifiquement la discrimination entre les contenus, ainsi que le blocage ou le filtrage de l’accès à certains sites, applications, matériels ou types de contenus, dès lors qu’ils sont légaux. L’une des premières conséquences de cette décision est que les opérateurs ne pourront plus maintenir la pratique consistant à garantir un débit pour des contenus qualifiés de « Premium ».
Par exception, la FCC :
– tolèrera les pratiques de gestion du réseau qui seront raisonnables (« reasonable network management ») sur la base de l’architecture et de la technologie employées par le service, l’objectif étant alors d’assurer la sécurité et l’intégrité des réseaux, ainsi que d’éviter leur engorgement;
– admettra le caractère raisonnable du refus de transport de tout « unlawful content » (infractions à la législation sur la propriété intellectuelle ou pédopornographie).
Cela impliquera donc une analyse des contenus transportés par les opérateurs, afin de les différencier. Par ailleurs, la FCC admet expressément la différenciation des offres de services à destination des fournisseurs de contenu et des abonnés proportionnellement à leur consommation : tarification en fonction du débit, du volume ou de la qualité de service. Cela permettra notamment une facturation à l’usage et d’appliquer une qualité de service plus importante à certains services, sous réserve de justifier de telles pratiques et de ne pas en abuser.
Toutefois, la FCC établit, au paragraphe 103 de sa décision, une distinction expresse entre les « mobile Broadband providers» et les « fixed Broadband providers » (§103). Ainsi, les premiers pourront différencier le traitement de certains contenus, services et applications, sauf s’ils entrent en concurrence avec les services des opérateurs, à l’instar des services proposés par Skype. Néanmoins, une incertitude plane aux Etats-Unis, à ce jour, quant à la perennité de cette décision. En effet, en janvier 2011, la société Verizon a saisi la justice du district de Columbia, au motif qu’elle estime que la FCC a outrepassé ses prérogatives en matière de régulation sur le marché des télécommunications.
Cette juridiction a plus particulièrement été saisie car elle a précédemment jugé, en avril 2010, qu’aucune loi votée par le Congrès américain n’octroyait à la FCC un rôle de régulateur lui permettant d’interdire à un FAI d’intervenir sur son réseau, notamment pour bloquer ou réduire l’accès à certains services. A ce titre, la justice avait reconnu la possibilité pour la société Comcast de brider le trafic de BitTorrent de ses clients.