Eric Le Quellenec
Comment allier efficacité opérationnelle et maîtrise des risques grâce au contract management ? Décryptons les solutions qu’apporte le contract management avec Eric Le Quellenec (*), directeur du département Informatique conseil, Lexing Alain Bensoussan Avocats et auteur de l’ouvrage « Contract management, outils et bonnes pratiques de la fonction » (éditions Bruylant, éd. 2019).
Pouvez-vous nous dire en quoi le Contract Management représente un réel enjeu stratégique pour une organisation ?
Le contract management par l’identification des risques à chaque étape du cycle vie d’un contrat permet de minimiser les risques et maximiser les opportunités sur un projet. Pour toute organisation l’enjeu est clairement d’obtenir le respect du contrat et ce, en toutes ses composantes ; que ce soit en termes de budget, délai et qualité, sans s’exposer en termes de responsabilité. L’investissement de toute organisation est ainsi préservé et l’exposition en termes de contentieux sinon réduite du moins balisée et préparée.
Aux côtés du chef de projet et en complément de l’expertise du directeur juridique lorsqu’il existe, voir des acheteurs ou des commerciaux, selon, le contract manager fait la preuve de sa plus-value dans sa capacité d’anticipation et sa créativité dans toutes les situations pour tout type de contrat. L’entreprise qui met en place la fonction, en mesure très rapidement les bienfaits et ne fait jamais machine arrière.
Quelles sont les étapes indispensables et primordiales pour pouvoir intégrer une démarche de Contract Management ?
Il y a d’abord la question du recrutement externe ou interne du contract manager. Il/elle pourra être juriste avec une forte appétence technique ou technicien avec un goût prononcé pour le droit.
Dans le cadre de sa fiche de poste, il convient ensuite de lui attribuer des objectifs qui peuvent varier selon que l’entreprise qui le missionne est en position de fournisseur ou d’acheteur. Pour le fournisseur ces objectifs porteront sur la préservation de marge, la génération d’opportunités liés à la conduite du changement, le rappel à collaboration du client. Côté client utilisateur, il s’agit le plus souvent d’améliorer le taux d’achèvement et de conformité du projet ; ou encore d’être livré à temps, d’obtenir et ou de liquider des pénalités. Selon l’organisation de la fonction, ces missions du contract manager pourront plus ou moins évoluer ; par exemple, selon qu’il intervient principalement sur l’une ou plusieurs des étapes du cycle de vie du contrat ; ou encore de sa création, son exécution ou son extinction.
Enfin, le contract manager doit créer sa boîte à outils, laquelle repose dans tous les cas sur :
- une procédure interne d’intégration de la démarche de contract management en interaction avec les acheteurs, les métiers au sens large ;
- un dossier d’implémentation contractuelle pour chaque contrat du portefeuille ; lequel permet de cartographier les pièces contractuelles d’un projet et les principales clauses à risques, les jalons clés du projet ;
- une cartographie des risques propres à l’organisation concernée et déclinée par projet et/ou par contrat ;
- un dossier de risques et des problèmes ;
- des modèles de courriers (lettres de grief, de mise en demeure, d’effort commercial, de renonciation à pénalité, contestation de recette…) ;
- un dossier des renonciations / opportunités commerciales et leviers associés ;
- un dossier des retours d’expériences (« REX »).
Cette liste est non-exhaustive et s’enrichit au fur et à mesure des années d’expérience du contract manager. Ces dispositifs se regroupent assez régulièrement dans des outils logiciels collaboratifs ou dédiés ; ils peuvent augmenter la productivité du contract manager dans ses fonctions.
Selon vous, la crise sanitaire a-t-elle pu avoir un impact sur la stratégie de gestion contractuelle des entreprises ? Notamment face au besoin de confiance des parties intéressées
La crise sanitaire a fait une fois de plus encore la démonstration de l’utilité du contract manager. Lorsque toute une ligne de production s’arrête par défaut de main d’œuvre ou pénurie de matière première, la solution est d’abord à aller chercher dans le contrat. Certes le cas de force majeure n’a pu être retenu bien longtemps, c’est alors peut-être dans la clause d’imprévision que le contract manager a pu proposer des solutions. Si la clause écarte l’article 1195 du Code civil, alors c’est sans doute au titre de la gestion des évolutions (« change request ») qu’il a fallu trouver une issue.
En toute hypothèse, c’est par la maîtrise des processus du contrat et à une approche par les risques qu’il a pu contribuer à dégager la solution la mieux adaptée aux intérêts de l’organisation représentée. Parce qu’il a fait ce travail et qu’il dispose d’une vision transversale, le contract manager est aussi le mieux à même d’engager un dialogue de type constructif, car raisonné et documenté. Entre les parties prenantes au projet, il s’inscrit clairement comme facilitateur.
Propos recueillis par Isabelle Pottier
Lexing Département Etudes et publications.
(*) Eric Le Quellenec est également formateur inter-entreprise depuis 5 ans auprès de EFE sur la stratégie autour du cycle contractuel du contract management et invité récurrent du colloque de l’Aducma (Association du DU de Contract Management d’Assas)