Preuve de l’originalité : présentation du rapport du CSPLA

Preuve de l’originalité

Le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) a rendu son rapport de mission sur la preuve de l’originalité en décembre 2020.

L’objectif de la mission consiste à rétablir le principe de bonne foi au cœur du procès en contrefaçon afin d’éviter les contestations d’originalité formées de manière systématique et dilatoire.

La charge de la preuve de l’originalité repose en l’état sur le demandeur. La protection étant affaiblie par les divergences jurisprudentielles liées à la notion d’originalité (1) ou par l’exigence d’une appréciation œuvre par œuvre (2), le CSPLA fournit des pistes de réflexion destinées à renforcer cette protection (3).

1. L’affaiblissement de la protection engendré par les divergences jurisprudentielles sur la notion d’originalité

La première partie du rapport revient sur les divergences de critères existants pour définir l’originalité [1] par la jurisprudence entraînant une insécurité juridique et oscillant entre de nombreuses notions non uniformes :

  • « physionomie propre » [2] ;
  • « travail créatif » [3] ;
  • « parti pris esthétique » [4] ;
  • « choix créatifs et esthétiques » [5].

Ces divergences constituent un obstacle à une protection effective des œuvres par le droit d’auteur, dès lors que l’originalité est une condition nécessaire et suffisante pour bénéficier d’une telle protection.

2. L’affaiblissement de la protection engendré par l’exigence d’un examen œuvre par œuvre

Par ailleurs, la jurisprudence exige du demandeur à l’action en contrefaçon, de démontrer de manière précise l’originalité, sans se limiter à des affirmations générales, œuvre par œuvre quel que soit leur nombre.

Cette exigence constitue aussi un obstacle dissuasif qui porte atteinte à l’effectivité de la protection. En effet, dans le cadre de contrefaçon massive, la démonstration de l’originalité œuvre par œuvre s’avère impossible et l’originalité sera, de ce seul fait, systématiquement contestée en défense.

L’exigence d’un examen œuvre par œuvre affaiblit davantage la protection.

3. Les pistes de réflexion du CSPLA permettant de renforcer la protection

3.1 Une appréciation globale de l’originalité

Quelques rares arrêts admettent une appréciation globale de l’originalité si tant est que les juges du fond puissent porter leur appréciation en « regroupant, au besoin, [les œuvres] en fonction de leurs caractéristiques communes » [6].

Le CSPLA recommande donc d’adopter cette conception aboutissant à un contrôle plus léger, à tout le moins dans le domaine des affaires concernant de nombreuses œuvres, en concentrant la motivation des décisions sur les caractéristiques communes à l’ensemble des œuvres concernées.

3.2 L’instauration d’une présomption simple d’originalité pour les œuvres « vraisemblablement » originales

Lorsque l’originalité d’une création apparaît vraisemblable, le CSPLA recommande également d’imputer sa démonstration au défendeur qui la conteste.

Les situations dans lesquelles l’originalité serait vraisemblable sont en effet multiples, comme :

  • la conclusion préalable d’un contrat d’autorisation ou de cession de droit, lequel crée une apparence d’originalité ;
  • la notoriété de l’œuvre ;
  • l’identité de l’auteur ;
  • la valeur artistique de l’œuvre ;
  • le genre de l’œuvre ;
  • l’inscription de l’œuvre aux répertoires d’organismes de gestion collective.

Cette présomption pourrait se matérialiser en ajoutant une mention au premier alinéa de l’article L. 122-1 du Code de la propriété intellectuelle, dans les termes suivants :

« Les dispositions du présent code protègent les droits des auteurs sur toutes les œuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression le mérite ou la destination, sauf à ce que soit établie leur absence d’originalité ».

3.3 Un partage de la charge probatoire

Un partage de la charge probatoire entre le demandeur et le défendeur constitue une solution mesurée permettant d’aboutir à l’équilibre recherché.

Ce partage pourrait se concrétiser dans l’article L. 112-1 du Code de la propriété intellectuelle en ajoutant un deuxième alinéa rédigé comme suit :

« Il appartient à celui qui conteste l’originalité d’une œuvre d’établir que son existence est affectée d’un doute sérieux et, en présence d’une contestation ainsi motivée, à celui qui revendique des droits sur l’œuvre d’identifier ce qui la caractérise ».

En conclusion

Les nouvelles pistes de réflexion partagées par le CSPLA permettraient ainsi de renforcer l’effectivité de la protection par le droit d’auteur. Si le législateur ne s’est, à date, par encore saisi de la question, les parties au procès pourraient d’ores et déjà s’en servir pour tenter de rapporter la preuve de l’originalité de leurs créations. Il serait ensuite bienvenu que les juridictions se positionnent sur ces nouvelles pistes de réflexion afin de protéger au mieux les auteurs contre toute atteinte illégitime à leur monopole d’exploitation.

Marie Soulez,
Rébecca Véricel
Lexing Propriété intellectuelle

Notes

[1] L’originalité est classiquement définie comme « l’empreinte de la personnalité de l’auteur ».
[2] CA Paris : 25-1-2019, n° 17/15416 ; 18-2-2020, n° 18/00175 ; 18-12-2018, n°17/05069.
[3] TGI Paris : 8-2-2019, n°16/09059 ; 25-5-2018, n°16/14543 ; 25-5-2018, n°17/03836.
[4] CA Paris : 19-6-2020, n°19/04123 ; 24-1-2020, n° 18/06949 ; 18-12-2018, n°17/05069.
[5] CA Paris : 19-6-2020, n° 18/20559 ; 17-12-2019, n°17/09695 ; 2-2-2018, n°16/25462.
[6] Cass. civ. 1ère, 21-10-2020, n°19-16.193.

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