Par un jugement du 20 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Nantes condamne une femme pour complicité d’escroquerie sur internet.
Servant d’intermédiaire en France, ses commanditaires seraient vraisemblablement situés au Bénin aux vues des transferts d’argent réalisés.
A cet égard, le stratagème mis en lumière consiste à proposer à des internautes sur internet des prêts non conditionnés par la production de justificatifs (mis à part une copie de la CNI, un RIB et des coordonnées personnelles). Pour mener à bien sa complicité d’escroquerie, cette personne prétend être membre de la direction de la société d’assurance mutuelle.
Elle propose aux internautes de leur envoyer des fonds à retirer auprès de Western Union. Naturellement, une fois les transferts d’espèces effectués confirmant le contrat de prêt, le déblocage du capital promis n’aura jamais lieu. De nombreux particuliers, victimes du hameçonnage, se sont constitués partie civile. La société d’assurance mutuelle se joint à eux du fait de l’usurpation de son nom.
Le hameçonnage
Avant toutes choses, rappelons que le hameçonnage, connu aussi sous le nom de « phishing » en anglais, est un acte de cybercriminalité : c’est une forme d’escroquerie sur internet. Cette technique frauduleuse consiste à faire croire à un internaute qu’il s’adresse à un tiers de confiance afin d’obtenir ses données personnelles (mot de passe, numéro de carte de crédit, RIB…).
Le fraudeur se fait passer pour un organisme connu de tous. Il gagne ainsi la confiance de la victime et obtient les informations dont il a besoin pour commettre l’acte frauduleux.
Voilà exactement ce qu’il s’est passé dans cette affaire de hameçonnage…
La caractérisation du délit d’escroquerie
Incriminée à l’article 313-1 du Code pénal, l’escroquerie est le fait de tromper une personne en usant de différents procédés. La constitution de cette infraction requiert la réunion d’un élément matériel et d’un élément moral.
En effet, le mécanisme d’escroquerie consiste à utiliser différents procédés de tromperie (faux nom, fausse qualité, manœuvres frauduleuses…) dans le but d’induire la victime en erreur.
Le procédé doit nécessairement avoir causé un préjudice à la victime. À savoir, le simple mensonge ne suffit pas à caractériser l’escroquerie, il doit nécessairement être corroboré par d’autres éléments qui lui donnent force et crédit [1]. Plus précisément, il est de jurisprudence constante de considérer que l’usage d’une fausse qualité constitue par lui-même une des modalités du délit d’escroquerie [2].
Par ailleurs, la caractérisation de l’infraction nécessite l’intention de tromper la victime, en faisant sciemment usage d’un procédé frauduleux.
La complicité d’escroquerie
Dans cette affaire, l’infraction est bien caractérisée en tous ses points. En effet, la complice de l’escroquerie s’est faite passer pour un tiers de confiance, membre dirigeant de la mutuelle. En d’autres termes, elle a usé d’une fausse qualité pour tromper les internautes.
Les victimes ciblées par le hameçonnage ont versé plusieurs fois des sommes d’argent sans jamais obtenir leur prêt. Le tribunal n’a pas retenu les demandes faites au titre de préjudice moral, en revanche il retient le préjudice matériel.
Il retient également la complicité d’escroquerie et condamne la coupable à verser 7.500 € aux parties civiles.
La constitution partie civile de la société d’assurance mutuelle pour usurpation d’identité
Il ressort de l’article 226-4-1 du Code pénal que le délit d’usurpation d’identité en ligne suppose la réunion d’un élément matériel et d’un élément moral.
- D’une part, l’auteur des faits litigieux doit faire usage d’une ou plusieurs données identifiantes d’une personne, physique ou morale.
- D’autre part, l’usage fait des données d’identification doit servir à :
- troubler sa tranquillité ou celle d’autrui ou
- porter atteinte à son honneur ou à sa considération.
En l’espèce, comme l’a confirmé le tribunal, la personne complice d’escroquerie s’était faussement attribuée la qualité de membre dirigeant de la société. Diffusant des annonces de prêts à retirer auprès de Western Union, la femme recevait plusieurs milliers d’euros qu’elle reversait par la suite au Bénin. En conséquence, sur les sommes versées aux parties civiles, la société d’assurance mutuelle recevra 2.000 € au titre de son préjudice d’image.
En conclusion, soyez vigilants et assurez vous de la fiabilité (logo, nom de l’organisme, voire contact direct par un biais autre que celui fournit, etc.) de votre interlocuteur avant de lui transmettre vos données personnelles ou de verser de l’argent sur internet.
Virginie Bensoussan-Brulé
Raphaël Liotier
Tess Sedbon (élève avocate)
Lexing Contentieux numérique
[1] Crim. 20 juillet 1960, Bull. crim. n°382.
[2] Crim. 21 avril 1970, Bull. crim. n°136.