Position de l’OEB sur la brevetabilité des logiciels – Le 12 mai 2010, la Grande Chambre de Recours de l’Office des brevets européens (OEB) a rendu sa décision, suite à la saisine dont elle avait fait l’objet, le 22 octobre 2008, par la Présidente de l’OEB (1).
Pour mémoire, l’article 52 de la Convention sur le Brevet européen définit les inventions brevetables comme « toute invention dans tous les domaines technologiques, à condition qu’elle soit nouvelle, qu’elle implique une activité inventive et qu’elle soit susceptible d’application industrielle ». L’article exclut, par ailleurs, dans un second paragraphe, une liste d’éléments non susceptibles de constituer une invention brevetable, parmi lesquels figurent « les plans, principes et méthodes dans l’exercice d’activités intellectuelles, en matière de jeu ou dans le domaine des activités économiques, ainsi que les programmes d’ordinateur ».
Néanmoins, si les programmes d’ordinateurs sont exclus du champ de la brevetabilité en tant que tels, le dernier paragraphe de l’article 52 rappelle que le paragraphe précédent « n’exclut la brevetabilité des éléments qu’il énumère que dans la mesure où la demande de brevet européen ou le brevet européen concerne l’un de ces éléments, considéré en tant que tel ». Dès lors, très rapidement, s’est posée la question de la brevetabilité des logiciels, dispositifs et autres procédés mettant en œuvre un programme d’ordinateur. Dans ce cadre, les Chambres de recours de l’OEB ont élaboré une jurisprudence permettant de protéger les inventions mises en œuvre par ordinateur, dès lors qu’elles « apportent une contribution technique inventive à l’état de la technique ».
Relevant l’existence de décisions divergentes des Chambres de recours relatives à l’application de l’exclusion de brevetabilité des logiciels en tant que tels, Madame Brimelow, alors Présidente de l’OEB, relevait le caractère fondamental de cette question comme étant de nature à impacter les limites de la brevetabilité en matière informatique. Aussi, le 23 octobre 2008, elle a saisi, sur le fondement de l’article 112(1) b de la CBE, la Grande Chambre de recours (G 3/08), afin que celle-ci se prononce sur les points suivants :
« 1. Un programme d’ordinateur ne peut-il être exclu, à titre de programme d’ordinateur en tant que tel, que s’il est revendiqué de façon explicite en tant que programme d’ordinateur? » (2).
2. a) Une revendication relevant du domaine des programmes d’ordinateur peut-elle échapper à l’exclusion prévue à l’article 52(2) c) et (3) CBE, en mentionnant simplement de façon explicite l’utilisation d’un ordinateur ou d’un moyen d’enregistrement de données déchiffrables par ordinateur ?
b) S’il est répondu par la négative à la question 2 a), un effet technique supplémentaire est-il nécessaire pour échapper à l’exclusion, ledit effet allant au-delà des effets inhérents à l’utilisation d’un ordinateur ou d’un moyen d’enregistrement de données en vue, respectivement, d’exécuter ou d’enregistrer un programme d’ordinateur ?
3. a) Une caractéristique revendiquée doit-elle produire un effet technique sur une entité physique dans le monde réel pour contribuer au caractère technique de la revendication ?
b) S’il est répondu par l’affirmative à la question 3 a), suffit-il que cette entité physique soit un ordinateur non déterminé ?
c) S’il est répondu par la négative à la question 3 a), des caractéristiques peuvent-elles contribuer au caractère technique de la revendication, si les seuls effets auxquels elles contribuent sont indépendants de tout matériel informatique particulier qui est susceptible d’être utilisé ?
4. a) L’activité consistant à programmer un ordinateur implique-t-elle nécessairement des considérations d’ordre technique ?
b) S’il est répondu par l’affirmative à la question 4 a), les caractéristiques résultant de la programmation contribuent-elles par conséquent toutes au caractère technique d’une revendication ?
c) S’il est répondu par la négative à la question 4 a), les caractéristiques résultant de la programmation ne peuvent-elles contribuer au caractère technique d’une revendication que si elles contribuent à un effet technique supplémentaire lors de l’exécution du programme ?
Attendu comme la possibilité de mettre un terme aux passions que déclenche régulièrement la question de « la brevetabilité des logiciels », l’avis rendu par la Grande Chambre de recours, le 12 mai 2010, ne répond pas à ces attentes, puisqu’il conclut à l’irrecevabilité de la demande formée au titre de l’article 112(1) b de la CBE.
Ce dernier limite, en effet, la saisine de la Grande Chambre, par le Président de l’OEB, aux cas où deux Chambres de recours ont rendu des décisions divergentes sur la question posée. En l’espèce, la Grande Chambre estime que si des solutions ont été rendues, à plusieurs années d’intervalle, dans des sens différents, il n’en résulte pas automatiquement une divergence de décision et que celles-ci traduisent uniquement l’évolution normale de la jurisprudence en la matière. Il appartiendra donc aux Chambres de recours de poursuivre le courant jurisprudentiel engagé.