Economie juridique
Deux hypermarchés en panne de système informatique d’encaissements
La résolution des contrats aux torts du fournisseur et ses conséquences
Deux hypermarchés exploitant la même enseigne font l’acquisition d’une même solution informatique d’encaissements, auprès d’un fournisseur à qui ils confient l’installation et la maintenance. Dès la mise en exploitation des solutions (matériels et logiciels), les deux hypermarchés sont confrontés à des dysfonctionnements qui bloquent leurs caisses et leur télépaiements, ce qui touche directement leur clientèle, alors que le fournisseur ne parvient pas à y mettre fin. Pour les besoins de la procédure engagée puis de l’expertise technique ordonnée, les systèmes d’encaissements défectueux sont conservés en exploitation pendant trois années. Constatant la « multiplicité, l’ampleur et la récurrence des désordres » et le fait que le fournisseur avait installé une version de son logiciel non agréée par le Groupement des cartes bancaires, en dépit de la réglementation en vigueur, la cour prononce la résolution des contrats. En conséquence de la résolution, la cour écarte l’application des clauses limitatives de responsabilité contractuelles et ordonne la restitution des matériels et logiciels au fournisseur. Les solutions informatiques ayant été acquises par crédit bail, la cour condamne le fournisseur à rembourser aux clients les coûts d’acquisition (289 653 € et 327 792 €), ainsi que les coûts de désinstallation des matériels et de réaménagement des caisses. Il doit également restituer le montant des redevances de maintenance (72 615 € et 93 524 €). Les clients ayant reconnus être redevables de certaines factures émises au titre de la fourniture et de la maintenance de la solution, la Cour ordonne, bien que la résolution des contrats soit prononcée, la compensation des sommes correspondantes (76 612 € et 662 €) avec les sommes dues par le fournisseur.
L’enjeu
La résolution des contrats empêche le fournisseur de se prévaloir de leur clause limitative de responsabilité
L’étendue des manques à gagner
Considérant les évaluations de pertes de chiffres d’affaires sur trois ans réalisées par un expert-comptable, ainsi que trois études réalisées par des cabinets indépendants, la cour retient dans un cas, le montant de la perte évaluée par l’expert (19,8 millions d’euros), dans l’autre, le bas de la fourchette des différents résultats obtenus (60,2millions d’euros). Pour obtenir le montant de la marge perdue par les demandeurs, les juges appliquent aux montants des pertes de chiffre d’affaires retenues, le taux de résultat d’exploitation de l’un des demandeurs, attesté par son expert-comptable (1,06%) et considéré comme équivalent pour les deux sociétés, et chiffre les manques à gagner subis à 210 075 € et 609 796 €.
Les conseils
Pour évaluer le montant des manques à gagner subis par les deux clients, dont les ventes ont été perturbées pendant trois ans par des dysfonctionnements informatiques, la Cour calcule leurs pertes de marge sur coûts variables en appliquant leur taux de résultat d’exploitation au montant de la perte de chiffre d’affaires retenue.
(1)CA Paris, 22 février 2002 (25e ch.) ICL France contre Levallois Distribution et Clichy Distribution.
Paru dans la JTIT n°24/2004 p.7