Achevant l’examen du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la Justice 2023-2027 (procédure accélérée) le 8 juin, le Sénat a autorisé l’activation à distance des appareils électroniques pour certaines enquêtes. Il doit l’adopter par un vote solennel le 13 juin.
Cette activation à distance des appareils électroniques a pour finalité :
- la géolocalisation ;
- la captation de sons et d’images.
La géolocalisation
L’article 3 du projet de loi prévoit notamment la création de l’article 230-34-1 du Code de procédure pénale qui permettrait :
- « l’activation à distance d’un appareil électronique à l’insu ou sans le consentement de son propriétaire ou possesseur aux seules fins de procéder à sa localisation en temps réel. »
La géolocalisation ne sera possible que pour les enquêtes :
- visant un délit ou un crime puni d’au moins dix ans d’emprisonnement (au lieu de cinq ans initialement prévus).
Un juge d’instruction ou un juge des libertés et de la détention pourront l’autoriser. Il leur faudra néanmoins une requête du procureur de la République.
Le texte prévoit que la géolocalisation ne pourra pas concerner des appareils électroniques détenus par les personnes mentionnées à l’article 100-7 du Code de procédure pénale (avocats, parlementaires, magistrats).
La captation de sons et d’images par des appareils électroniques
S’agissant de la captation de sons et d’images, l’activation à distance porte sur le micro et la caméra incorporés dans l’appareil. Elle concerne seulement les enquêtes et informations judiciaires relatives aux infractions relevant terrorisme ou de la criminalité ou de la délinquance organisée.
Le juge d’instruction (après avis du procureur de la République) ou le juge des libertés ou de la détention (à la requête du procureur de la République) pourront délivrer l’autorisation. Toutefois, elle ne pourra excéder une durée maximale de quinze jours renouvelable une seule fois en enquête et de deux mois renouvelable dans la limite de six mois en instruction.
Toutefois dans certains cas, toutes les données ne pourront pas être retranscrites :
- lorsque l’appareil se trouve dans un lieu dans lequel la mise en place de dispositifs de captation d’images et de sons est prohibée (art. 706-96-1 du CPP) :
- cabinet d’avocats, juridiction, entreprises de presse, cabinets médicaux et domicile des personnes mentionnées à l’article 100-7.
Si cette retranscription ne peut être opérée, l’écoute et le visionnage des données pourraient toutefois avoir lieu. Cela suscite donc de nombreuses inquiétudes (1).
Une « atteinte importante au droit au respect de la vie privée » selon le Conseil d’Etat
Consulté sur le projet de loi, le Conseil d’Etat souligne que l’activation à distance :
« porte une atteinte importante au droit au respect de la vie privée dès lors qu’elle permet l’enregistrement, dans tout lieu où l’appareil connecté peut se trouver, y compris des lieux d’habitation, de paroles et d’images concernant aussi bien les personnes visées par les investigations que des tiers ».
Cependant, au vu des indications données par le Gouvernement, notamment dans l’étude d’impact, il admet que le recours à cette technique est aujourd’hui :
« une condition du maintien de l’efficacité des techniques spéciales d’enquête en présence de certaines formes, particulièrement redoutables, de criminalité et de délinquance en bande organisée ».
Ainsi, selon le Conseil d’Etat, il est indispensable de concilier l’objectif de recherche des auteurs d’infractions et le droit au respect de la vie privée. Cela passe notamment par le renforcement des garanties prévues par le projet de loi.
En ce sens, le Conseil d’Etat propose :
- d’une part, « de limiter l’autorisation à une durée maximale de 15 jours renouvelable une fois lorsqu’elle émane du juge des libertés et de la détention » et
- d’autre part, « d’interdire la mise en œuvre de la technique à l’égard des personnes qui résident ou exercent habituellement leur activité professionnelle dans les lieux visés au dernier alinéa de l’article 706-96-1».
Le projet de loi sera adopté par un vote solennel le 13 juin (2). La « petite loi » élaborée au cours de la séance publique qui s’est achevée le 8 juin est déjà disponible (3).
Virginie Bensoussan-Brulé,
Raphaël Liotier,
Lexing pôle contentieux numérique
Jade Banchereau, Stagiaire
Étudiante en L3 Droit franco-allemand
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(1) Gabriel Thierry, « Pourquoi l’activation à distance des appareils connectés, un outil spécial d’enquête attendu, inquiète ? », Dalloz-actualite.fr/, le 5 juin 2023.
(2) Dossier Sénat.
(3) Petite loi (articles déjà examinés), séance publique du 8 juin 2023.