Réforme des contrats spéciaux : l’extinction du contrat d’entreprise

L’avant-projet de réforme des contrats spéciaux propose des évolutions concernant les dispositions relatives au contrat d’entreprise (1). Ces évolutions concernent notamment les causes d’extinction du contrat d’entreprise, qu’il précise.

Les causes d’extinction de droit commun

A titre liminaire, l’avant-projet de réforme ne reprend pas les causes d’extinction des contrats de droit commun. Dans la plupart des contrats, l’extinction résulte de l’exécution totale de celui-ci par les parties. Ainsi, « le contrat d’entreprise prend fin à la réception de l’ouvrage, avec ou sans réserve » .

De même, l’avant-projet n’aborde pas, logiquement, de la résolution judiciaire pour inexécution de l’article 1227 du Code civil. Similairement, pour la résiliation unilatérale par simple notification de l’article 1126 et celle de l’article L. 216-6 du Code de la consommation.

La Commission Stoffel-Munck a décidé, à l’instar de l’actuelle présentation dans le Code civil, d’aborder seulement les causes d’extinction propre au contrat d’entreprise. Elle en distingue deux : le décès ou l’incapacité de l’entrepreneur et la résiliation unilatérale par le maître d’ouvrage.

L’extinction par décès ou l’incapacité de l’entrepreneur

Tout d’abord, l’avant-projet traite de la 1ère cause d’extinction propre au contrat d’entreprise, la mort de l’entrepreneur, à l’article 1779. Cet article dispose que : « le contrat d’entreprise prend fin par le décès ou l’incapacité de l’entrepreneur ou, s’il s’agit d’une personne morale, par sa dissolution. Le client est tenu de payer à l’entrepreneur ou à ses ayants cause la valeur de l’ouvrage accompli, en proportion du prix convenu, dès lors qu’il lui est utile ».

L’avant-projet reprend ainsi en grande partie les articles 1795 et 1796 du Code civil qui prévoyaient déjà une telle hypothèse. A noter, toutefois, que l’avant-projet précise ces dispositions. D’une part, en ajoutant opportunément le cas de figure de la dissolution de la personne morale et celui de l’incapacité. D’autre part, en faisant mention des ayants cause.

En cas de décès ou d’incapacité de l’entrepreneur, le client ou sa succession devront payer la valeur de l’ouvrage accompli. Plus précisément, ils devront payer un prix proportionnel à cette valeur par rapport au prix déterminé dans le contrat. La Commission indique à ce titre que la valeur de l’ouvrage s’apprécie à la date du paiement. La qualité de l’ouvrage n’étant donc pas prise en compte dans la détermination de ce prix (2).

 L’extinction par la résiliation unilatérale du contrat par le maître d’ouvrage

Enfin, l’avant-projet relève la 2ème cause d’extinction propre au contrat d’entreprise, la résiliation unilatérale par le maître d’ouvrage. Celui-ci l’aborde à l’article 1780 qui dispose que : « le client peut résilier, par sa seule volonté, le contrat d’entreprise, quoique l’ouvrage soit déjà commencé, en dédommageant l’entrepreneur de toutes ses dépenses, de tous ses travaux, et de tout ce qu’il aurait pu gagner dans cette entreprise ».

Le Code civil admet déjà cette hypothèse à l’article 1794 mais la cantonne aux marchés de forfait. Notamment, en matière de construction immobilière, mais pas seulement. Par exemple, la jurisprudence avait retenu une telle faculté dans le cadre de l’organisation d’une croisière . Cette faculté s’analyse en un pouvoir discrétionnaire de résiliation, le maître d’ouvrage pouvant résilier le contrat ad nutum .

La portée de l’article 1794 du Code civil a fait l’objet de débats doctrinaux. Certains auteurs défendant une application restrictive aux seuls marchés à forfait. D’autres lui reconnaissaient une portée générale. Ainsi, ils soutenaient son application à d’autres types de contrats d’entreprise, voire à tous les contrats d’entreprise.

L’avant-projet tranche ce débat doctrinal. Il vient généraliser la faculté de résiliation unilatérale du contrat par le maître d’ouvrage à tout contrat d’entreprise. La Commission justifie ce choix par rapport au coût de la mise en œuvre de ce droit. Selon celle-ci, le coût de mise en œuvre de ce droit pour le client empêcherait les « dérives » . Par conséquent, cette faculté ne serait exercée que lorsque l’arrêt de l’ouvrage paraît nécessaire. Autrement dit, quand la réalisation s’avère trop coûteuse ou de mauvaise qualité.

En conclusion, l’avant-projet des contrats spéciaux vient préciser les causes spéciales d’extinction du contrat d’entreprise. Ces précisions se révélant nécessaires afin de tenir compte les personnes morales et de trancher les débats doctrinaux.

Marie-Adélaïde de Montlivault-Jacquot,
Jessica Pereira Quaresma
Lexing Contentieux et expertise informatique

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Notes :

(1) Sur le contenu et les effets du contrat d’entreprise réformé, Cf. Nos posts des 27 juin 2023 et 17 juillet 2023.
(2) Avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux, version commentée, textes.justice.gouv.fr, juillet 2022

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