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L’affaire Tiscali Média : l’exploitation publicitaire du service de pages perso exclut le bénéfice du statut de prestataire de stockage
Un internaute avait mis en ligne, sur sa page personnelle hébergée par la société Tiscali Média, des albums de bandes dessinées sans l’autorisation des éditeurs. Les sociétés éditrices ont assigné la société en contrefaçon et pour non-respect des dispositions de l’article 43-8 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, dans sa rédaction issue de la loi du 1er août 2000, applicable en l’espèce. L’article 43-8 de la loi du 30 septembre 1986 retenait comme critère du statut d’hébergeur le « stockage direct et permanent » de données. La Cour d’appel de Paris (1), pour refuser à la société Tiscali Média le régime de responsabilité allégée des hébergeurs, a retenu, dans son arrêt du 7 mai 2006, qu’elle déployait une activité ne se limitant pas à la seule prestation technique d’hébergement, dès lors qu’elle « propose aux internautes de créer leurs pages personnelles à partir de son site www.chez.tiscali.fr » et exerçait une activité commerciale puisqu’elle « propose aux annonceurs de mettre en place des espaces publicitaires payants directement sur les pages personnelles ». La société a formé un pourvoi en cassation. Dans son arrêt du 14 janvier 2010 (2), la Cour de cassation a jugé que le rôle du prestataire dépassait celui de simple hébergeur de pages personnelles. Elle a estimé qu’en proposant aux annonceurs de mettre en place des espaces publicitaires payants sur les pages personnelles, dont elle assurait la gestion, il fournissait des services qui « excédaient les simples fonctions techniques de stockage », visées par l’article 43-8 de la loi du 30 septembre 1986.
La solution aurait pu être différente si l’article 6-I 2° de la loi pour la confiance dans l’économie numérique du 21 juin 2004 (LCEN), qui se substitue à l’article 43-8 de la loi du 30 septembre 1986, avait été applicable en l’espèce. En effet, l’article 6-I 2° de la loi pour la confiance dans l’économie numérique ne contient plus les termes « direct et permanent ». Le rapport parlementaire du 26 février 2003 explique cette suppression par la volonté de prendre en compte les nouveaux métiers de l’intermédiation, et vise les sites disposant d’espaces de contribution personnelle des utilisateurs. La loi pour la confiance dans l’économie numérique ne limite ainsi pas l’activité d’hébergement à sa prestation technique, mais retient une définition de l’hébergement fondée sur la fonction exercée, à savoir le stockage de données à la demande du destinataire du service. D’autre part, le fait que l’hébergeur perçoive une rémunération ne modifie en rien le régime juridique de prestataire de stockage qui lui est applicable, l’article 6-I 2° de la loi pour la confiance dans l’économie numérique visant toutes les prestations de stockage, qu’elles soient réalisées à titre gratuit ou à titre onéreux.
(1) CA Paris, 07-05-2006, Tiscali Media c. Dargaud Lombard, Lucky Comics
Paru dans la JTIT n°98/2010 p.5
(Mise en ligne Avril 2010)
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