L’objectif de cet article est de présenter quelles sont les autorités publiques compétentes pouvant mettre en œuvre un système de vidéoprotection sur la voie publique.
Les dispositions de l’article L.251-2 du CSI
Vidéoprotection sur la voie publique : quelles sont les autorités publiques compétentes ?
L’article L.251-2 du Code de la sécurité intérieure, dans sa version issue de la loi du 19 mai 2023 (dite « loi Jeux Olympiques 2024 ») (1), dispose en son premier paragraphe que :
« Des systèmes de vidéoprotection peuvent être mis en œuvre sur la voie publique par les autorités publiques compétentes aux fins d’assurer :
- La protection des bâtiments et installations publics et de leurs abords ;
- La sauvegarde des installations utiles à la défense nationale ;
- La régulation des flux de transport ;
- La constatation des infractions aux règles de la circulation ;
- La prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens dans des lieux particulièrement exposés à des risques d’agression, de vol ou de trafic de stupéfiants ainsi que la prévention, dans des zones particulièrement exposées à ces infractions, des fraudes douanières prévues par le dernier alinéa de l’article 414 du Code des douanes et des délits prévus à l’article 415 du même code portant sur des fonds provenant de ces mêmes infractions ;
- 6. La prévention d’actes de terrorisme, dans les conditions prévues au chapitre III du titre II du présent livre ;
- 7. La prévention des risques naturels ou technologiques ;
- 8. Le secours aux personnes et la défense contre l’incendie ;
- 9. La sécurité des installations accueillant du public dans les parcs d’attraction ;
- 10. Le respect de l’obligation d’être couvert, pour faire circuler un véhicule terrestre à moteur, par une assurance garantissant la responsabilité civile ;
- 11. La prévention et la constatation des infractions relatives à l’abandon d’ordures, de déchets, de matériaux ou d’autres objets. »
L’installation d’un système de vidéoprotection sur la voie publique pour les finalités susvisées est donc réservée aux autorités publiques compétentes. Les précisions apportées par l’instruction émise le 20 mars 2024 du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer sur la mise en conformité du régime de vidéoprotection avec le droit européen relatif à la protection des données (2) permet de faire le point sur cette notion et ce qu’elle recouvre.
Les définitions antérieures des autorités publiques compétentes
Vidéoprotection sur la voie publique : quelles sont les autorités publiques compétentes ?
La circulaire du 22 octobre 1996 prise pour application l’article 10 de la loi du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité (dite « loi LOPS » et abrogée depuis) (3) qui a instauré le régime légal de la vidéoprotection (à l’époque vidéosurveillance) a donné une première définition des autorités publiques compétentes.
Dans son article 2.3.1.1 « Mise en œuvre par « une autorité publique compétente », ou son concessionnaire », cette circulaire précise que cette notion peut désigner « le préfet et le maire, mais également les responsables d’établissements publics (par exemple SNCF, RATP, hôpitaux) ou services publics (par exemple établissements pénitentiaires) et certains concessionnaires, tels que les sociétés concessionnaires d’autoroutes ».
- Ce champ d’application, qui apparaît de prime abord très étendu, s’explique par le fait que l’article 10 de la loi LOPS qui visait deux catégories de finalités :
- • des finalités relatives à la sauvegarde ou à la protection de bâtiments et d’installations ;
- • des finalités relatives à la prévention et à la constatation d’infractions pénales.
C’est en fonction de ces deux catégories de finalités que la circulaire du 22 octobre 1996 a défini les autorités publiques compétentes.
Le second paragraphe de l’article 2.3.1.1 précité précise en effet que « le critère d’admission est la capacité à exercer un pouvoir de police, pour les systèmes ayant pour finalité la régulation du trafic routier ou la prévention d’infractions aux règles de la circulation, ou la nécessité de sauvegarder la protection des bâtiments et installations publics et de leurs abords, ainsi que la sauvegarde des installations utiles à la défense nationale pour les autres. »
La désignation des autorités publiques compétentes en fonction des finalités poursuivies par le système de vidéoprotection installé sur la voie publique a été reprise dans la circulaire du 12 mars 2009 (4) relative aux conditions de déploiement des systèmes de vidéoprotection.
Cette circulaire rappelle que la compétence des autorités publiques pour installer un système de vidéoprotection s’apprécie au regard de la finalité poursuivie et cite comme exemples l’autorité qui occupe un bâtiment, la personne qui en est propriétaire et celle qui exerce le pouvoir de police générale ou un pouvoir de police spéciale dans le lieu en cause.
Elle précise que « cette personne compétente peut revêtir des formes juridiques variées. Il peut s’agir d’un préfet, d’un maire, du président d’une intercommunalité, du dirigeant d’un établissement public (RATP, hôpital) ou d’un service (établissements pénitentiaires). Les sociétés concessionnaires d’autoroutes peuvent également être regardées comme telles en raison de la délégation qui leur est consentie ».
Il ressortait ainsi des circulaires du 22 octobre 1996 (dont l’article 2.3.1.1 visait déjà les autorités publiques compétentes ou leur « concessionnaire ») et du 12 mars 2009 que peuvent être considérées comme des autorités publiques compétentes des personnes morales de droit privé comme les concessionnaires d’autoroutes.
La situation des collectivités territoriales
Vidéoprotection sur la voie publique : quelles sont les autorités publiques compétentes ?
Pour les collectivités territoriales et leurs établissements publics, une clarification a été apportée par une instruction du 4 mars 2022 (5), prise à la suite de l’entrée en vigueur de la loi du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés.
Aux termes de cette instruction :
• concernant les communes : au plan local, seuls le maire et le préfet du département disposent d’un pouvoir de police administrative générale et le maire est la première autorité publique compétente pour mettre en œuvre, sur son territoire communal, un dispositif de vidéoprotection de la voie publique ;
• concernant les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) : les EPCI à fiscalité propre qui exercent la compétence relative aux dispositifs locaux de prévention de la délinquance, sont autorisés à mettre en œuvre des systèmes de vidéoprotection, sous réserve de l’accord de la commune d’implantation qui reste l’autorité publique compétente ;
• concernant les syndicats mixtes : la mutualisation des dispositifs de vidéoprotection entre collectivités territoriales peut se faire à travers un syndicat mixte fermé ou ouvert restreint, sous réserve du double accord (i) de l’ensemble des collectivités et établissements publics membres pour opérer à cette mutualisation, ainsi que (ii) de chaque commune d’implantation pour l’installation de moyens de vidéoprotection sur son territoire ;
• concernant les départements et les régions : ceux-ci peuvent constituer des « autorités publiques compétentes » et ainsi mettre en œuvre un système de vidéoprotection sur la voie publique, mais pour la seule finalité de protection des bâtiments et installations publics et de leurs abords.
Cette instruction suit la même logique que celles des circulaires du 22 octobre 1996 et du 12 mars 2009 précitées : la compétence d’une autorité publique est appréciée au regard de la finalité poursuivie par le système de vidéoprotection dont la mise en œuvre est demandée et en rapport avec les attributions de l’autorité dont émane la demande.
L’instruction du 20 mars 2024
Vidéoprotection sur la voie publique : quelles sont les autorités publiques compétentes ?
L’instruction du 20 mars 2024 (2) qui abroge les précédentes circulaires prises sur le sujet, renvoie à l’instruction du 4 mars 2022 pour les systèmes de vidéoprotection installés par les collectivités territoriales et confirme la logique précitée d’une compétence à apprécier selon la finalité poursuivie par le système de vidéoprotection et les attributions de la personne qui demande sa mise en œuvre.
Elle conserve également le périmètre des précédentes circulaires en incluant les personnes morales bénéficiant d’une délégation d’attributions parmi les autorités publiques compétentes.
La fiche n° 4 « Les personnes qui peuvent être autorisées à installer un système de vidéoprotection » de cette instruction précise en effet que les autorités publiques compétentes « peuvent être, à titre d’exemple, le maire d’une commune, le dirigeant d’un établissement public (RATP, hôpital, etc.), le responsable d’une administration publique. Dans le cadre de délégation d’attributions, certaines personnes morales peuvent être regardées comme des autorités publiques compétentes. A titre d’exemple, les sociétés concessionnaires d’autoroutes peuvent être regardées comme des autorités publiques en raison de la délégation, par une autorité publique, d’attributions en matière de régulation des flux routiers ».
L’instruction du 20 mars 2024 adopte ainsi la même définition des autorités publiques compétentes, en conçoit le même périmètre et va jusqu’à donner les mêmes exemples que ceux qui figuraient déjà dans les circulaires des 22 octobre 1996 et 12 mars 2009.
Il convient dès lors d’en retenir la répartition suivante :
• pour les finalités de prévention et de constatation d’infractions pénales, seules les autorités investies d’un pouvoir de police comme le maire ou le préfet peuvent être des autorités publiques compétentes ;
• pour les autres finalités, notamment celles relatives à la protection et/ou la sauvegarde de bâtiments et d’installation, elles peuvent être d’autres personnes, l’instruction du 20 mars 2024 donnant comme exemples le dirigeant d’un établissement public (RATP, hôpital) ou le responsable d’une administration publique.
Pour ces autres finalités, il conviendra en outre de tenir compte de l’existence d’une éventuelle délégation d’attributions. À cet égard, l’instruction du 20 mars 2024 reprend le même exemple que celui déjà donné par les circulaires des 22 octobre 1996 et 12 mars 2009 du concessionnaire d’autoroute disposant d’une délégation d’attributions par une autorité publique de régulation des flux routiers.
Ce concessionnaire pourrait ainsi mettre en œuvre un système de vidéoprotection sur la voie publique pour la finalité de régulations des flux de transport visée au 3° de l’article L.251-2 du Code de la sécurité intérieure
En conséquence, la possibilité pour un organisme de mettre en œuvre un système de vidéoprotection sur la voie publique pour les finalités autres que pénales, visées dans cet article, devra être déterminée au cas par cas selon ses responsabilités, notamment en matière de gestion de bâtiment ou d’installation public et les attributions qui lui sont déléguées.
- Loi n°2023-380 du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions.
- Instruction 20 mars 2024 du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer sur la mise en conformité du régime de vidéoprotection avec le droit européen relatif à la protection des données
- Circulaire du 22 octobre 1996 relative à l’application de l’article 10 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité (Décret n°96-926 du 17 octobre 1996 sur la vidéosurveillance).
- Circulaire ministérielle du 12 mars 2009 relative aux conditions de déploiement des systèmes de vidéoprotection.
- Instruction du Gouvernement du 4 mars 2022 relative à la mise en œuvre des dispositions de la loi n° 2021-646 du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés portant sur l’acquisition, l’installation et l’entretien de dispositifs de vidéoprotection par les collectivités territoriales et leurs groupements, ainsi que sur l’habilitation du personnel territorial procédant au visionnage.
- Circulaire du 16 avril 2024 sur la mise en œuvre des dispositions de l’article 42 de la loi n° 2021-646 du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés portant sur l’habilitation du personnel des collectivités territoriales et de leurs groupements procédant au visionnage des images de vidéoprotection.
Thomas Cantoni
Avocat, Directeur du département Données personnelles Conseil.
Thomas Cantoni
Avocat, Directeur du département Données personnelles Conseil.
- Phone:+33 (0)7 62 49 97 22
- Email:thomas-cantoni@lexing.law
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