Internet contentieux
Contrefaçon
Les éléments constitutifs du délit de complicité de contrefaçon
Les co-producteurs du film « Les Choristes », ayant constaté la diffusion de bannières publicitaires sur des sites peer-to-peer où s’échangeait leur film, ont décidé d’assigner les différents annonceurs de ces publicités pour complicité de contrefaçon. Les demandeurs ont avancé que les revenus publicitaires, payés par les annonceurs en contrepartie de la diffusion des bannières, constituaient les principales sources de revenu des sites de peer-to-peer. De plus, conformément à la loi Sapin (1), ces annonceurs avaient l’obligation de prévoir, en amont de toute campagne publicitaire, un plan média qui devait comporter la liste des sites internet où seraient diffusées les bannières publicitaires. De ce fait, les demandeurs estimaient que les annonceurs ne pouvaient ignorer le caractère illicite des sites où seraient diffusées les annonces publicitaires et par conséquent, ils étaient donc responsables pénalement du délit de complicité. Les juges du tribunal de grande instance, le 21 juin 2006 (2), ont retenu que les demandeurs n’avaient pas apporté la preuve de l’existence d’un élément intentionnel de la part des annonceurs de diffuser leurs annonces publicitaires sur les sites litigieux. Par conséquent, le délit de complicité n’était pas établi. Les demandeurs ont interjeté appel.
Dans l’arrêt du 25 mars 2009, la Cour d’appel a donc dû déterminer si le délit de complicité était constitué (3). Pour ce faire, la Cour a analysé les modalités de la mise en place d’une campagne de bannières publicitaires par un annonceur. Les juges ont constaté que les annonceurs n’étaient pas, en général, des professionnels de la publicité sur internet et qu’ils faisaient appel à des agences publicitaires. Ces dernières ont parfois sous-traité la réalisation de cette prestation à des régies publicitaires. Il a aussi été relevé que la loi Sapin pose une obligation, pour les annonceurs, de mettre en place un plan média, avant le lancement d’une campagne publicitaire qui doit comporter la liste des sites internet où seront diffusées les bannières publicitaires. La Cour d’appel n’en a pas déduit pour autant de cette obligation de transparence des transactions entre l’annonceur et l’agence ou la régie publicitaire une quelconque aide ou assistance à la contrefaçon alléguée. Il revenait donc aux appelants de démontrer l’existence d’un élément intentionnel.
La Cour a relevé que les annonceurs avaient certes parfois laissé une liberté totale aux agences ou régies publicitaires, mais certains avaient aussi demandé à ce que les annonces publicitaires ne soient pas diffusées sur des sites de peer-to-peer. D’ailleurs, il n’a pas été rapporté aux juges l’existence de paiements entre les annonceurs et les sites litigieux. De plus, la Cour n’a pas exclu l’hypothèse que les bannières aient pu être détournées de leur destination d’origine. Les juges ont retenu qu’il « ne peut être exclu l’usage d’un logiciel Adware qui permet l‘affichage des messages publicitaires de manière aléatoire et automatique en fonction du profil de l’internaute connecté, sans intervention ni, a fortiori, volonté humaine et indépendamment du site sur lequel ils apparaissent. » Enfin, la Cour a relevé qu’ « une agence média qui fait appel à une régie multi-supports achète un volume d’espace sur des dizaines ou des centaines de sites constituant un bouquet, mais que l’annonceur n’est jamais informé de la liste des sites sur lesquels ses publicités apparaissent. » Considérant l’ensemble de ces éléments, la Cour d’appel a confirmé le jugement de première instance et à défaut, pour les appelants, de rapporter la preuve de l’existence d’un élément intentionnel, le délit de complicité, prévu à l’article 121-7 du Code pénal, n’a pas été considéré comme établi.
(1) Loi 93-122 du 29 janvier 1993
(2) TGI Paris Ch.31 21 juin 2006
(3) CA Paris Ch.13 Sec.A 25 mars 2009
(Mise en ligne Avril 2009)