On se souvient de Copwatch qui avait déjà été bloqué par les fournisseurs d’accès à internet (FAI) en vertu d’un jugement du 14 octobre 2011 rendu par le Tribunal de grande instance de Paris (1).
L’affaire a resurgi de façon démultipliée : 35 sites ayant pour but de dénoncer les violences policières, identiques ou quasiment identiques au premier Copwatch, ayant été identifiés.
Comme en octobre dernier, le ministre de l’Intérieur, Monsieur Claude Guéant, a saisi les juridictions pour demander le blocage de l’accès à ces sites.
Mais le juge, qui agissait cette fois en référé (2), n’a accordé cette mesure que pour un seul d’entre eux, en application de l’article 6-I-8 de la LCEN (3), qui institue un principe de subsidiarité selon lequel l’autorité judiciaire peut prescrire aux hébergeurs responsables et, à défaut, aux FAI, toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication au public en ligne. Ainsi, les mesures de blocage d’un site doivent-elles prioritairement viser les hébergeurs et ce n’est que lorsque ceux-ci ne sont pas identifiables ou qu’ils se sont montrés défaillants, que les FAI peuvent se voir enjoindre d’empêcher l’accès aux sites litigieux.
La Cour de cassation (4) a déjà eu l’occasion de préciser les conditions de mise en œuvre du principe de subsidiarité, permettant au juge des référés de demander aux fournisseurs d’accès de faire cesser le dommage, à savoir, d’une part, que le demandeur doit avoir accompli les diligences nécessaires pour mettre en cause les hébergeurs en priorité et, d’autre part, qu’il s’en soit suivi que toute possibilité d’agir efficacement à l’encontre des hébergeurs s’est avérée objectivement vaine et incompatible pour la prise rapide de mesures dictées par l’intérêt général.
Au cas d’espèce, c’est pour n’avoir pas pu démontrer que toutes les actions à l’encontre des hébergeurs de 34 des 35 sites incriminés avaient été prises, que la demande du Ministre de l’intérieur n’a prospéré que pour l’un d’entre eux seulement.
L’objectif du principe de subsidiarité posé par la LCEN est d’abord de supprimer le contenu et ensuite d’en empêcher l’accès. Encore faut-il que la mesure tendant à empêcher l’accès à des contenus puisse être techniquement mise en œuvre de manière efficace.
En effet, outre le fait que des solutions permettant de contourner le blocage des sites existent, l’éditeur du site pourra trouver un autre hébergeur pour le publier et le rendre à nouveau accessible, voire le démultiplier.
Trois mesures semblent théoriquement utilisables : le blocage de l’URL, c’est à dire l’empêchement d’accès à une ou plusieurs pages d’un site sans empêcher l’accès au site lui-même, le blocage de l’adresse lP du site ou encore celui de son nom de domaine (DNS).
En réalité, il s’avère que seules les deux dernières seraient techniquement envisageables, notamment pour des raisons de délais et de coûts rendant la première totalement disproportionnée, inadéquate et non strictement nécessaire, selon le tribunal.
(1) TGI Paris 14-10-2011 n° 11-58052
(2) TGI Paris Ord. réf. 10-2-2012 n° 12/51224
(3) Loi n° 2004-575 du 21-6-2004
(4) Cass civ 1 19-6-2008 n° 07-12244