COUR DE CASSATION CHAMBRE CRIMINELLE 28 SEPTEMBRE 2004
Statuant sur les pourvois formés par :
– Marc W.
– l’Association spirituelle de l’église de scientologie d’Ile de France (Asesif)
– l’Union nationale des associations pour la défense des familles et de l’individu (Unadfi), partie civile,
contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris, 12ème chambre, en date du 13 octobre 2003, qui, pour entrave au fonctionnement de la commission national de l’informatique et des libertés (Cnil) et traitement d’informations nominatives malgré opposition légitime, a condamné, le premier à 5000 € d’amende avec sursis, la seconde, pour traitement d’informations nominatives malgré opposition légitime, à 5000 € d’amende avec sursis et a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de l’Unadfi ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le pourvoi de Marc W. et de l’Asesif :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 12 et 14 de la directive n°95/46 du 25 octobre 1995, 111-4, 111-5, 226-18 du code pénal, 26, 34, 35, 36, 37, 38 de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
« en ce que l’arrêt attaqué a condamné pénalement les prévenus pour traitement informatique de données nominatives malgré l’opposition de la personne concernée ;
« aux motifs que, « c’est par des motifs pertinents que la Cour adopte que les premiers juges ont répondu aux moyens et arguments développés devant eux et repris en cause d’appel par les prévenus pour contester les formes et validité des oppositions formées par Pascal L. le 8 mars 1997, par Hédi B. le 14 mai 1998 et par Gérard L. le 14 avril 1999 à leur maintien dans les fichiers de l’Asesif » ; qu’ »en ce qui concerne Pascal L., comme cela a déjà été précisément rappelé à propos de l’examen des faits d’entrave à l’action de la Cnil, celui-ci s’est opposé à compter du 18 septembre 1997 à son maintien dans les fichiers de l’église de scientologie – et par voie nécessaire de conséquence à tout nouveau traitement le concernant – et qu’il a cependant reçu de l’Asesif deux nouveaux courriers en dates des 30 mars et 6 avril 2000 ; que les explications, d’ailleurs purement conjecturales sur les erreurs involontaires résultant de communications successives de fichiers entre l’Asesif et l’église de scientologie du Danemark, ne sont pas satisfaisantes puisque aucun de ces fichiers ne devait plus contenir de données nominatives depuis l’opposition de l’intéressé, et qu’ainsi le caractère involontaire de la présence de ces données dans le fichier en mars et avril 2000 ne peut être admis ; qu’à cette constatation des éléments matériel et intentionnel du délit, il y a lieu d’ajouter celle de l’imputabilité à Marc W. en qualité de président de l’association n’ayant donné aucune délégation de pouvoir et de signature et qui n’invoque, ni à plus forte raison ne démontre, une insubordination caractérisée et dont il serait demeuré ignorant ; qu’en conséquence, l’infraction se trouve caractérisée en tous ses éléments à la charge de Marc W. pour les faits concernant Pascal L. ; que Marc W. ayant la qualité revendiquée par l’Asesif, de représentant de cette association dont il est le président et les faits ayant été commis dans l’exercice de cette fonction pour le compte de celle-ci, il y a lieu de déclarer également l’Asesif coupable de ces faits » ;
« et aux motifs éventuellement adoptés que, « aucun formalisme n’est prévu par la loi quant à l’opposition exigée, laquelle se doit d’être réelle, formulée et légitime ; qu’il ne peut donc être fait grief à Pascal L. de s’être adressé à la Cnil, organisme régulateur chargé de veiller notamment à ce que les traitements automatisés de données soient précisément effectués conformément à la loi du 6 janvier 1978 » ; que, « par ailleurs, ces oppositions clairement exprimées doivent être considérées comme fondées sur des raisons légitimes, ce dans le respect des dispositions de l’article 1 de la loi du 6 janvier 1978 : l’informatique doit être au service de chaque citoyen…Elle ne doit porter atteinte ni à l’identité humaine, ni aux droits de l’homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques » ; que, par ailleurs, aux motifs que « interpellé par la Cnil, Marc W. fera connaître, dans une dépêche en date du 29 mai 2000 qu’une enquête interne est en cours pour déterminer les causes de ce dysfonctionnement ; qu’au cours de l’instruction, il exposera avoir fait procéder à la radiation effective des fichiers de Pascal L., mais expliquera cette réintroduction par l’importation d’une copie du fichier détenu sur la base de Copenhague (Danemark), après le bogue informatique subi par l’Asesif » ; que « le tribunal observe que cette version atteste du non-respect de l’obligation faite d’informer de tout retrait le fichier danois de Copenhague, ce en violation de l’article 38 de la loi du 6 janvier 1978 aux termes duquel « si une information a été transmise à un tiers, sa rectification ou son annulation doit être transmise à ce tiers » et des recommandations faites sur ce point par la Cnil lors du dépôt de l’Asesif de la déclaration de transmission d’informations relatives aux membres et correspondants à l’étranger » ; qu’ »il sera relevé, plus spécifiquement quant au délit d’entrave, que les envois à en-tête de l’Asesif portent, en 2000, le même numéro (044249) que celui apparaissant sur les étiquettes des courriers adressés en 1997 à Pascal L. par les entités américaines de scientologie de Clearwater et de New York » ; qu’ »il résulte de ces éléments que l’indexation informatique des coordonnées de Pascal L. est commune aux bases de données de l’Asesif et aux bases situées aux Etats-Unis et qu’elle est demeurée inchangée postérieurement à l’exercice par Pascal L. de son opposition » ;
1°) alors que, d’une part, le fait de refuser de faire droit à la demande de suppression de données périmées constitue seulement la contravention de 5ème classe prévue par l’article 1er du décret n°81-1142 du 23 décembre 1981, quand aucune des personnes ayant prétendument exercé leur droit d’opposition n’a invoqué de motif légitime à l’appui de cette demande, contrairement aux exigences de l’article 226-18 du code pénal ; que la cour d’appel, qui constatait que les parties civiles avaient seulement demandé à ne plus recevoir de courrier de l’association prévenue, sans préciser le contenu de cette prétendue opposition, ne pouvait retenir que la demande de suppression des données du fichier concernant une partie civile aurait du être communiquée aux tiers détenteur de ce fichier, lorsque cette obligation ne s’impose que dans le cadre du droit d’accès et de suppression des données périmées et n’est pas prévue dans le cadre du droit d’opposition ;
2°) alors que, d’autre part, l’article 26 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ne confère un droit d’opposition qu’à la personne elle-même dont les données nominatives sont contenues dans un fichier, la Cnil n’ayant nullement le pouvoir de relayer cette opposition, un tel pouvoir ne lui étant pas dévolu par l’article 21 de cette loi ; que dans leurs conclusions, les prévenus soutenaient précisément que, faute de courrier provenant directement de Pascal L., le courrier de la Cnil, qui devait être apprécié comme un acte administratif illégal, ne constituait pas une opposition au sens de l’article 26 de la loi du 6 janvier 1978, et ne pouvait être invoqué à leur encontre ; qu’en se fondant néanmoins pour entrer en voie de condamnation sur le courrier de la Cnil relayant la prétendue opposition de la personne concernée, la cour d’appel a ajouté une condition à la loi et, à tout le moins, n’a pas répondu à un chef péremptoire de conclusions des prévenus ;
3°) alors qu’au surplus, la loi pénale est d’interprétation stricte ; que, selon l’article 38 de la loi du 6 janvier 1978, si une information a été transmise par l’auteur d’un fichier à un tiers, sa rectification ou son annulation doit être notifiée à ce tiers, sauf dispense accordée par la Cnil ; qu’en vertu de l’article 36 de la même loi, cette obligation ne s’impose que dans le cadre du droit d’accès par lequel son titulaire a exigé que soient « rectifiées, complétées, clarifiées, mises à jour ou effacées les informations le concernant qui sont inexactes, incomplètes, équivoques, périmées ou dont la collecte ou l’utilisation, la communication ou la conservation est interdite » ; qu’une opposition au traitement de données nominatives prévue par l’article 26 de la même loi n’entre dès lors pas dans le champ d’application de l’article 36 et donc dans celui de l’article 38 de ladite loi ; qu’à supposer qu’en l’espèce, ait été en cause le droit d’opposition, la cour d’appel, qui relevait que les données concernant la personne concernée ne se trouvaient pas dans les fichiers de l’association prévenue, mais qu’elles pouvaient apparaître dans d’autres fichiers dont cette dernière était également responsable, ne pouvait retenir, sans ajouter une fois encore à la loi, que l’association prévenue devait notifier l’opposition aux organismes qui lui étaient rattachés lorsque la loi du 6 janvier 1978 n’impose une telle obligation ;
4°) alors qu’en tout état de cause l’article 38 de la loi du 6 janvier 1978 commande seulement à l’auteur du fichier de notifier la rectification ou l’annulation aux tiers qui en sont détenteurs, sans l’obliger à s’assurer que ces tiers ont eux-mêmes procédé à cette rectification ou annulation ; que dès lors, la cour d’appel n’a pu justifier sa décision en retenant qu’il importait peu que les données concernant la personne concernée aient été reproduites par erreur dans les fichiers de l’association prévenue à partir de l’importation de fichiers d’un autre organisme « rattaché » sans avoir recherché si cette dernière avait ou n’avait pas notifié l’opposition aux « organismes qui lui étaient rattachés » ;
5°) alors qu’en outre l’article 226-18 du code pénal réprime le fait de procéder au traitement d’informations nominatives malgré opposition ; qu’il s’en évince nécessairement que ce délit résulte d’un fait positif et non d’une simple abstention consistant à conserver des données nominatives dans un traitement et qu’il ne peut être constitué en l’absence de toute suppression des données ;
6°) alors, encore, que le fait de retenir comme preuve de la culpabilité celle de faits n’ayant qu’un lien de conséquence incertain avec le fait à prouver constitue une violation de la présomption d’innocence telle que garantie par l’article 6.2 de la convention européenne des droits de l’Homme et des libertés fondamentales ; qu’en retenant que la preuve de l’absence de suppression des données nominatives concernant la personne concernée se déduisait de celle de l’envoi de courriers, au cours de l’année 2000, à la personne concernée, la cour d’appel, qui constatait pourtant par ailleurs que les disquettes saisies dans les locaux de l’association prévenue ne comportaient aucune donnée concernant la personne concernée, a retenu une présomption de culpabilité du président de l’association prévenue incompatible avec la présomption d’innocence telle que garantie par l’article 6.2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales ;
7°) alors, enfin, que nul n’est pénalement responsable que de son propre fait ; qu’en l’espèce, faute de précision de la loi sur la personne à qui pouvait être imputé le délit, il appartenait à la cour d’appel de préciser en quoi le président de l’association pouvait être considéré comme le responsable du fichier et par conséquent, responsable des suites données à une opposition ; que, faute de l’avoir fait, la cour d’appel a privé sa décision de base légale, tant sur la culpabilité du président de l’association que sur celle de l’association elle-même, responsable uniquement de l’infraction commise pour son compte par un organe ou représentant en vertu de l’article 121-2 du code pénal » ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que l’Asesif et Marc W., son président, ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel notamment pour avoir procédé à un traitement d’informations nominatives concernant Pascal L. malgré l’opposition de cette personne ;
Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables du délit prévu par l’article 226-18 du code pénal, l’arrêt retient que, bien que Pascal L. ait fait connaître, le 8 mars 1997, qu’il s’opposait à ce que l’association le maintienne dans ses fichiers, il avait reçu le l’Asesif deux nouveaux courriers les 30 mars et 6 avril 2000 ; que, pour écarter l’argumentation selon laquelle, l’opposition de Pascal L. n’était pas régulière dès lors qu’elle avait été adressée à la Cnil, laquelle l’avait transmise à l’Asesif, l’arrêt relève, par motifs adoptés, qu’aucun formalisme n’est prévu par la loi ; qu’enfin, pour rejeter les conclusions contestant la légitimité de l’opposition, les juges énoncent qu’en matière politique, philosophique ou religieuse, comme en l’espèce, cette condition est remplie par le seul exercice de la faculté, pour la personne concernée, de s’opposer au traitement de données nominatives ;
Attendu qu’en prononçant ainsi, par des motifs exempts d’insuffisance ou de contradiction et répondant aux chefs péremptoires des conclusions qui lui étaient soumises, la cour d’appel a justifié sa décision ;
D’où il suit que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6.2 de la convention européenne des droits de l’homme, 121-1 du code pénal, 41 et 43-3° de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978, 591 et 593 du code de procédure pénale ; « en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Marc W. coupable d’entrave à l’activité de la Cnil ;
« aux motifs que, « il lui est reproché d’avoir entravé l’action de la Cnil en indiquant inexactement à celle-ci par lettre, en date du 2 janvier 1998, que « toutes démarches avaient été effectuées à cette période pour satisfaire à la demande de Pascal L. » transmise par courrier de la Cnil du 18 septembre 1997 invitant l’Asesif à engager toute démarche utile auprès des différents organismes de la scientologie aussi bien en France qu’à l’étranger afin qu’il soit fait droit dans les meilleurs délais à la demande de radiation de l’intéressé, ce dernier ayant reçu deux nouveaux courriers à en-tête de l’Asesif, en date des 30 mars et 6 avril 2000 ; qu’aux motifs exposés par le tribunal pour retenir sa culpabilité de ce chef, Marc W. oppose dans ses conclusions : en premier lieu qu’il n’est pas l’auteur ni le signataire, lequel est demeuré inconnu, de la lettre du 2 janvier 1998 signée par le service juridique, ce qui ne saurait engager sa responsabilité pénale ; que, toutefois, sur ce point, d’une part, il ne conteste pas que la lettre a été signée et envoyée sous son autorité à défaut d’avoir donné une délégation expresse de pouvoir de signature pour les relations avec la Cnil ni que l’objet de ce courrier ait été étranger aux activités et aux devoirs de l’association et, d’autre part, il n’a jamais auparavant désavoué le contenu de cette lettre – qu’il persiste à revendiquer en soutenant qu’à l’époque le nécessaire a été fait – ni sa responsabilité au titre de ce courrier, qu’il a au contraire revendiquée tant auprès de la Cnil, qu’en cours d’enquête, ne qualifiant comme dysfonctionnement que les nouveaux envois postaux à Pascal L. postérieurs au 2 janvier 1998 et non la lettre de cette dernière date, dont il s’est toujours approprié le contenu et qui constitue l’élément matériel de l’infraction reprochée dont les envois de mars et avril ne constituent que des éléments de preuve ; qu’il est au surplus invraisemblable qu’une correspondance d’une telle importance ait pu être traitée sans qu’il en ait eu une parfaite connaissance ; qu’il n’a d’ailleurs jamais prétendu avoir recherché le signataire matériel de la lettre du 2 janvier 1998 à quelque fin que ce soit ; qu’en conséquence, Marc W. ne saurait être admis à contester sa responsabilité pénale au titre d’imputabilité de l’infraction d’entrave à l’action de la Cnil ; qu’en second lieu, Marc W. conteste que la lettre du 2 janvier 1998 puisse être considérée comme une communication d’information non conforme au fichier de l’Asesif à cette date, en soutenant que l’exactitude des indications de cette lettre résulterait de ce que Pascal L. n’a pas reçu de nouveaux courriers de l’Asesif elle-même avant le 30 mars 2000 et qu’il est établi par les disquettes saisies le 16 mai 2000 dans les locaux de la rue Jules César que Pascal L. ne figurait pas à cette date sur la liste des membres ; que, cependant, l’envoi par l’Asesif de nouveaux courriers à Pascal L. les 30 mars et 6 avril 2000, sans que la preuve d’une réintroduction erronée et inexpliquée de la victime dans le fichier soit démontrée, autrement que par des allégations pures et simples puisque aucun élément n’est apporté à leur soutient, constitue en elle-même et à elle seule la preuve de la conservation, d’une manière quelconque et même sans exploitation pendant une longue période, dans les fichiers de l’Asesif ou des entités de la scientologie auxquelles elle est rattachée notamment pour ses traitement informatiques, des données nominatives concernant Pascal L., alors que les termes de la lettre du 2 janvier 1998 impliquaient la suppression complète et définitive de ces données dans lesdits fichiers ; que l’absence de Pascal L. des disquettes saisies le 16 mai 2000 n’est pas de nature à démontrer cette absence de ces fichiers à la date du 2 janvier 1998 ; que l’envoi volontaire à cette date, d’informations à la Cnil dont il est établi qu’elles étaient inexactes, et l’imputabilité de ces faits à Marc W. caractérisent en tous ses éléments sa culpabilité du chef d’entrave à l’action de la Cnil et qu’il convient de confirmer le jugement de ce chef ,
« et aux motifs éventuellement adoptés que, interpellé par la Cnil, Marc W. fera connaître, dans une dépêche en date du 29 mai 2000, qu’une enquête interne est en cours pour déterminer les causes de ce dysfonctionnement ; qu’au cours de l’instruction, il exposera avoir fait procéder à la radiation effective des fichiers de Pascal L., mais expliquera cette réintroduction par l’importation d’une copie du fichier détenu sur la base de Copenhague (Danemark), après le bogue informatique subi par l’Asesif » ; que « le tribunal observe que cette version atteste du non-respect de l’obligation faite d’informer de tout retrait le fichier danois de Copenhague, ce en violation de l’article 38 de la loi du 8 janvier 1978 aux termes duquel « si une information a été transmise à un tiers, sa rectification ou son annulation doit être transmise à ce tiers » et des recommandations faites sur ce point par la Cnil lors du dépôt de l’Asesif de la déclaration de transmission d’informations relatives aux membres et correspondants à l’étranger » ; qu’ »il sera relevé, plus spécifiquement quant au délit d’entrave, que les envois à en-tête de l’Asesif portent, en 2000, le même numéro (044249) que celui apparaissant sur les étiquettes des courriers adressés en 1997 à Pascal L. par les entités américaines de scientologie de Clearwater et de New York » ; qu’ »il résulte de ces éléments que l’indexation informatique des coordonnées de Pascal L. est commune aux bases de données de l’Asesif et aux bases situées aux Etats-Unis et qu’elle est demeurée inchangée postérieurement à l’exercice par Pascal L. de son opposition » ;
1°) alors que, d’une part, la cassation qui interviendra relativement au délit de traitement de données nominatives concernant une personne malgré l’opposition de cette dernière, prévu par l’article 226-18 du code pénal, ne peut qu’entraîner par voie de conséquence la cassation de la décision en ce qu’elle a déclaré le prévenu coupable de l’infraction d’entrave à l’action de la Cnil, lorsqu’en l’absence d’opposition au sens de l’article 26 de la loi du 6 janvier 1978, il ne pouvait être considéré que les informations prétendument erronées fournies à la Cnil sur les suites données à une telle opposition aurait entravé l’activité de cette dernière ;
2°) alors que, d’autre part, l’article 43.3° de la loi du 6 janvier réprime le fait de communiquer des informations non conformes au contenu d’un traitement au moment de la demande ; que l’article 43-3 ne vise pas des demandes de radiation émanant de la Cnil, celles-ci ne s’analysant pas comme des demandes d’information sur le contenu d’un traitement de données nominatives ; que, par conséquent, ne pouvait être constitutive d’entrave l’information prétendument erronée donnée à la Cnil portant sur la radiation des données concernant Pascal L. ;
3°) alors que, de troisième part, l’article 26 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ne confère un droit d’opposition qu’à la personne elle-même dont les données nominatives sont contenues dans un fichier, la Cnil n’ayant nullement le pouvoir de relayer cette opposition, un tel pouvoir ne lui étant pas dévolu par l’article 21 de cette loi ; que dans leurs conclusions, les prévenus soutenaient précisément que le courrier de la Cnil, qui devait être apprécié comme un acte administratif illégal, ne constituait pas une opposition au sens de l’article 26 de la loi du 6 janvier 1978, et ne pouvait être invoqué à leur encontre ; qu’en se fondant néanmoins pour entrer en voie de condamnation sur le courrier de la Cnil relayant la prétendue opposition de la personne concernée, la cour d’appel a ajouté une condition à la loi et, à tout le moins, n’a pas répondu à un chef péremptoire de conclusions des prévenus ;
4°) alors, de quatrième part, que le fait de retenir comme preuve de la culpabilité celle de faits n’ayant qu’un lien de conséquence incertain avec le fait à prouver constitue une violation de la présomption d’innocence telle que garantie par l’article 6.2 de la convention européenne des droits de l’Homme et des libertés fondamentales ; qu’en retenant que la preuve de l’absence de suppression des données nominatives concernant la personne concernée et de la communication d’informations erronées à la nil le 2 janvier 1998 se déduisait de celle de l’envoi de courriers, au cours de l’année 2000, à la personne concernée, la cour d’appel, qui constatait pourtant par ailleurs que les disquettes saisies dans les locaux de l’association prévenue ne comportaient aucune donnée concernant la personne concernée, a retenu une présomption de culpabilité du président de l’association prévenue incompatible avec la présomption d’innocence telle que garantie par l’article 6.2 de la convention européenne des droits de l’Homme et des libertés fondamentales ;
5°) alors, enfin, que nul n’est pénalement responsable que de son propre fait ; qu’en l’espèce, si l’article 43 de la loi du 6 janvier 1978 réprime l’entrave à l’action de la Cnil, il n’apporte aucune précision sur la personne à qui cette infraction peut être imputée ; que, dès lors, seule la personne ayant effectivement entravé l’activité de la Cnil peut être poursuivie pénalement ; qu’ainsi, la cour d’appel ne pouvait imputer le délit d’entrave à l’action de la Cnil au président de l’association prévenue sans avoir constaté que ce dernier était effectivement l’auteur du courrier adressé à la Cnil le 17 janvier 1998 qui aurait été constitutif de l’infraction ;
Attendu que Marc W. est également poursuivi sur le fondement de l’article 43.3 de la loi du 6 janvier 1978 ; qu’il lui est reproché d’avoir entravé l’action de la Cnil en indiquant à celle-ci, par lettre du 2 janvier 1998, que toutes les démarches avaient été entreprises pour satisfaire à la demande de Pascal L. d’être radié des fichiers de l’Asesif alors que postérieurement à cette date celui-ci a reçu des courriers en provenance de cette association ;
Attendu que, pour le déclarer coupable de ce chef, l’arrêt retient que le prévenu a envoyé volontairement à la Cnil des informations qu’il savait inexactes ;
Attendu qu’en l’état de ces seuls motifs qui caractérisent la volonté du prévenu d’éluder le contrôle de la commission, la cour d’appel a justifié sa décision ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 14 de la convention européenne des droits de l’homme, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
« en ce que l’arrêt attaqué a condamné pénalement l’Asesif et Marc W. ;
« alors que la cour d’appel n’a nullement répondu au moyen développé par les prévenus dans leurs conclusions, aux termes duquel ces derniers soutenaient qu’ils n’avaient pu bénéficier d’une procédure équitable, respectueuse de la présomption d’innocence et sans discrimination et à ce titre demandait que la procédure soit annulée en application des articles 6 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales » ;
Attendu qu’il ne résulte ni du jugement, ni des conclusions déposées, que les demandeurs qui ont comparu devant le tribunal correctionnel, aient soulevé devant cette juridiction, avant toute défense au fond, l’exception de nullité de la procédure prise du caractère inéquitable et discriminatoire des poursuites ;
Que, dès lors, le moyen qui fait grief à l’arrêt de n’avoir pas répondu à des conclusions présentées pour la première fois devant la cour d’appel, est irrecevable en application de l’article 385 du code de procédure pénale ;
Sur le pourvoi de l’Unadfi
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 2, 2-17, 3, 592 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
« en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a déclaré l’Unadfi irrecevable en sa constitution de partie civile ;
« aux motifs que l’objet déclaré de l’Unadfi est, selon l’article 1er de ses statuts, de « réunir, d’animer et de coordonner les différentes associations locales de défense des familles et de l’individu (Adfi) et toutes les associations déclarées dont l’objet est de prévenir et de défendre les familles et l’individu contre les pratiques exercées par des groupes, mouvements ou organisations à caractère de sectes destructrices et qui, … portent gravement atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales définis par la Déclaration universelle des droits de l’homme » ; que l’objet ainsi défini ne lui donne pas vocation à exercer directement l’action civile en application de l’article 2-17 du code de procédure pénale à la place des Adfi et autres associations dont c’est l’objet propre et qu’elle se propose de fédérer et également d’assister (article 2-5 des statuts) ; que si l’article 27 desdits statuts prévoit bien expressément l’exercice des droits réservés à la partie civile, ce n’est qu’à l’occasion de la réalisation de ses buts définis à l’article 1er ci-dessus rapporté ;
« alors que l’objet déclaré de l’Unadfi, association reconnue d’utilité publique est, selon l’article 1er de ses statuts, « de prévenir et de défendre les familles et l’individu contre les pratiques exercées par des groupes, mouvements ou organisation à caractères de sectes destructrices » et, selon l’article 2-5 de ses statuts, « la défense des intérêts communs des familles correspondant aux définitions portées à l’article 1 du code de la famille » ; qu’elle tient par ailleurs de l’article 2-7 de ses statuts le pouvoir d’exercer les droits reconnus à la partie civile et d’exercer toutes actions en justice qu’elle juge nécessaire à la réalisation des buts définis aux articles précités ; qu’en la déclarant irrecevable en sa constitution de partie civile, la cour d’appel a violé les textes susvisés, ensemble les statuts de l’Unadfi ;
« alors, en toute hypothèse, qu’une association déclarée d’utilité publique peut exercer l’action civile devant les juridictions répressives à la seule condition de justifier avoir subi un dommage trouvant directement sa source dans l’infraction poursuivie et ce, alors même que ses statuts ne le prévoiraient pas expressément ; qu’en déclarant l’Unadfi irrecevable en sa constitution de partie civile au regard de la seule rédaction de ses statuts, sans rechercher si, en raison de la spécificité de son but et de l’objet de sa mission générale de protection des familles et de l’individu contre les mouvements sectaires, cette association n’avait pas subi un préjudice direct et personnel du fait des infractions reprochées aux prévenus dont elle était recevable à demander réparation, la cour d’appel n’a pas justifié légalement sa décision » ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable la constitution de partie civile de l’Unadfi, la cour d’appel prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu’en cet état, les juges ont justifié leur décision dès lors que l’association dont l’objet statutaire n’entre pas dans le champ d’application de l’article 2-17 du code de procédure pénale, ne justifie d’aucun préjudice personnel directement causé par les infractions poursuivies ;
D’où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
DECISION
Rejette les pourvois ;
Déclare irrecevable la demande de l’Unadfi au titre de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;
La Cour : M ; Cotte (président), M. Valant (conseiller rapporteur), M. Joly, Mmes Chanet, Anzani, Nocquet, Palisse, Guirimand, MM. Beyer, Pometan (conseillers de chambre), Mmes Ménotti, Guihal, Degorce (conseillers référendaires)
Avocat général : M. Mouton
Avocats : Me Spinosi, SCP Waquet, Farge et Hazan