Interview du mois
Mme Micheline Suchod, Correspondant Informatique et libertés du Groupe Arcade, |
La gestion de projet Informatique et libertés : une opportunité organisationnelle pour l’entreprise !
En quoi consiste exactement la gestion de projet Informatique et libertés dans un groupe comme le vôtre ?
Le Groupe Arcade, est composé de trente cinq entités en synergie, réparties dans toute la France. ESH (environ 60 000 logements locatifs sociaux), coopératives Hlm, Saci cap, filiales financières et immobilières, sociétés de promotion, association ; ce qui le positionne en généraliste de l’habitat. La mise en conformité de l’entreprise aux lois Informatique et Libertés (LIL) et notamment des organismes du logement social qui, de part leur activité traitent naturellement des données à caractère personnel, génère un véritable projet d’entreprise (1). Un projet de ce type se déroule en trois phases : l’instauration des conditions du projet, l’instauration des conditions de la légalité puis le maintient en condition opérationnelle de la légalité ; projet dont j’ai assuré la coordination en tant que « correspondant informatique et libertés » (CIL). Le questionnement au cœur de la démarche Informatique et Libertés « Quelles données ? Pour quelle finalité? » renouvelle le regard, tant sur les procédures que sur les pratiques métiers ou les attendus d’un progiciel. Au-delà du traitement des formalités, il faut identifier pour chaque métier, les impacts en matière d’organisation, de formation et de pratique professionnelle. Il faut aussi mobiliser tous les acteurs, du Directeur Général aux personnels de terrain. Pour cela, il faut agir pour faire partager une compréhension et des valeurs communes autour de ces lois. Cette approche a été déclinée pour chaque entité du Groupe compte tenu de leurs spécificités.
Selon vous, quelles sont les composantes pour faire un bon gestionnaire de projet et un bon CIL ?
Le projet de mise en conformité avec un corps de règles qui concernent la gestion des données dans l’entreprise se situe au carrefour de trois domaines : le juridique, le système d’information, l’organisation. Cela implique donc trois compétences. Les compétences Juridiques et Système d’information sont (dans une moindre mesure) des compétences dont la technicité n’est pas absolument dépendante de la connaissance de l’entreprise. Dès lors, elles peuvent être trouvées en interne ou en externe auprès de professionnels experts de ces métiers. La compétence organisationnelle, prise dans ses aspects « pilotage de projet – formation – évolution des métiers » requiert assurément une bonne connaissance de l’entreprise – de ses métiers – de sa spécificité organisationnelle – de ses leviers d’actions et de ses vecteurs intrinsèques de communication. Ces trois composantes sont nécessaires pour assurer la fonction de CIL dont on pourrait dresser le portrait robot de la manière suivante : une personne ayant une sensibilité Informatique et Libertés (sans être nécessairement un professionnel du droit), une bonne compréhension des problématiques des systèmes d’information, mais maîtrisant nécessairement l’organisation de l’entreprise et ses rythmes ainsi qu’une capacité affirmée de pilotage en mode projet dans un environnement à convaincre. Dans le cadre du projet de mise en conformité, la désignation pertinente d’un CIL est un facteur clé de réussite.
Qu’avez-vous à dire aux entreprises qui ont encore des réticences à lancer un tel chantier ?
Le projet de mise en conformité dans l’entreprise est dans tous les cas un vaste chantier. C’est une aventure qui va de l’organisation à l’analyse métier en passant par la pédagogie, l’arbitrage entre des contraintes divergentes et le sentiment d’être un peu un explorateur. Néanmoins les lois I et L ayant une logique intrinsèque, car issues d’un projet éthique et juridique cohérent, lorsqu’on passe au crible l’entreprise à l’aune du respect de ces lois et de leurs conséquences, on fait principalement apparaître un certain nombre de « no man’s land » organisationnels. L’impact de la mise en conformité à ces lois doit être pris comme une opportunité organisationnelle et une réelle occasion pour l’entreprise de rétablir le cap en matière de procédure interne et de mode opératoire. Le projet est un succès s’il cesse d’être un projet, et se transforme en valeur pérenne de l’entreprise.
(1) Il a fait l’objet d’un mémoire dans le cadre du Diplôme d’Etudes Supérieures du Management de l’Information obtenu à l’
Université de technologie de Compiègne 2008-2009
Interview réalisée par Isabelle Pottier, avocat.
Parue dans la JTIT n°92/2009