Vers un référencement payant contre les titulaires de marque

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Vers la consécration du référencement payant contre les titulaires de marques ?

C’est ce qui pourrait se produire si la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) suivent les conclusions rendues le 22 septembre 2009 par l’avocat général dans le cadre des questions préjudicielles posées par la Cour de cassation concernant les affaires Google. Pour mémoire, dans la première affaire, Google France, Google Inc. contre Louis Vuitton Malletier, la société Louis Vuitton Malletier, titulaire des marques françaises et communautaire renommées VUITTON, LOUIS VUITTON et LV reprochait aux sociétés Google France, Google, Inc 1) de proposer aux annonceurs d’acheter les mots clefs correspondant aux marques précitées seuls ou associés à des termes tels que «imitation», «réplique» et «copie» et 2) l’affichage de liens commerciaux vers des sites proposant des produits de contrefaçon de ses marques.

La seconde affaire opposait les sociétés Viaticum et Luteciel, titulaires des marques françaises BOUSE DES VOLS, BOURSE DES VOYAGES et BVD à la société Google France. Les premières reprochaient à la seconde le déclenchement de liens commerciaux pointant vers de sites proposant des produits identiques ou similaires à ceux couverts par leurs marques. Dans la troisième affaire, le Centre National de recherches en relations humaines SARL (CNRRH), licencié de la marque EUROCHALLENGES et le titulaire de cette dernière avait assigné Google France et la société Tiger SARL aux motifs qu’une requête « eurochallenges » réalisée à partir du moteur de recherche Google permettait d’accéder à des annonces commerciales pointant vers des sites proposant des produits identiques ou similaires à la marque.

Dans les trois cas, il a été établi que le moteur de recherche permettait de sélectionner , à titre de mot clés, les marques litigieuses. Dans les trois affaires, Google a été condamnée en première instance et en appel entraînant une vive polémique entre les partisans du droit des marques d’une part et les tenants de la liberté du commerce voire de la liberté d’expression sur internet. Dans le cadre de ces pourvois, la Cour de cassation a saisi la CJCE des questions préjudicielles suivantes :

  • Les articles 5, paragraphe 1, sous a) et b) de la première Directive 89 / 104 / CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques et 9, paragraphe 1, sous a) et b) du Règlement (CE) n° 40 / 94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire doivent- ils être interprétés en ce sens que le prestataire de service de référencement payant qui met à la disposition des annonceurs des mots- clefs reproduisant ou imitant des marques déposées, et organise par le contrat de référencement la création et l’ affichage privilégié, à partir de ces mots clefs, de liens promotionnels vers des sites sur lesquels sont proposés des produits contrefaisants, fait un usage de ces marques que son titulaire est habilité à interdire ?
  • Dans l’hypothèse où les marques sont des marques renommées, le titulaire pourrait- il s’ opposer à un tel usage, sur le fondement de l’ article 5, paragraphe 2, de la directive, et de l’ article 9, paragraphe 1, sous c) du règlement ?
  • Dans l’ hypothèse où un tel usage ne constituerait pas un usage susceptible d’ être interdit par le titulaire de la marque, en application de la directive et du règlement, le prestataire de service de référencement payant peut- il être considéré comme fournissant un service de la société de l’ information consistant à stocker des informations fournies par un destinataire du service, au sens de l’ article 14 de la Directive 2000 / 31 du 8 juin 2000, de sorte que sa responsabilité ne pourrait être recherchée avant qu’ il ait été informé par le titulaire de marque de l’ usage illicite du signe par l’ annonceur ?
  • La réservation par un opérateur économique, par voie de contrat de référencement payant sur internet, d’un mot-clef déclenchant en cas de requête utilisant ce mot, l’affichage d’un lien proposant de se connecter à un site exploité par cet opérateur afin d’offrir à la vente des produits ou services, d’un signe reproduisant ou imitant une marque enregistrée par un tiers afin de désigner des produits identiques ou similaires, sans l’autorisation du titulaire de cette marque, caractérise-t-elle en elle-même une atteinte au droit exclusif garanti à ce dernier par l’article 5 de la première Directive 89/104/CEE du Conseil du 21 décembre 1988 ?

    Très attendue, la réponse de la CJCE devrait intervenir dans les prochains mois. Néanmoins, une première tendance peut être dégagée des conclusions de l’avocat général rendues le 22 septembre 2009 lequel invite la Cour à répondre à ces questions de la manière suivante :

  • « 1) La sélection par un opérateur économique, par voie de contrat de référencement payant sur Internet, d’un mot clef déclenchant, en cas de requête utilisant ce mot, l’affichage d’un lien proposant de se connecter à un site exploité par cet opérateur afin d’offrir à la vente des produits ou services, d’un signe reproduisant ou imitant une marque enregistrée par un tiers afin de désigner des produits identiques ou similaires, sans l’autorisation du titulaire de cette marque, ne constitue pas en soi une atteinte au droit exclusif garanti à ce dernier en vertu de l’article 5 de la première directive 89/104 du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques.
  • 2) L’article 5, paragraphe 1, sous a) et b), de la directive 89/104 et l’article 9, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire doivent se comprendre comme signifiant qu’un titulaire de marque ne peut pas interdire au prestataire d’un service de référencement payant de mettre à la disposition d’annonceurs des mots clefs reproduisant ou imitant des marques déposées ou d’organiser dans le cadre du contrat de référencement la création et l’affichage privilégié de liens publicitaires vers des sites sur la base de ces mots clefs.
  • 3) Dans le cas où les marques sont renommées, le titulaire des marques ne peut pas s’opposer à un tel usage en vertu de l’article 5, paragraphe 2, de la directive 89/104 et de l’article 9, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94.
  • 4) Le prestataire dudit service de référencement payant ne peut pas être considéré comme fournissant un service de la société de l’information consistant à stocker des informations fournies par le destinataire du service au sens de l’article 14 de la directive 2000/31 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique dans le marché intérieur (directive sur le commerce électronique)».

    La décision à intervenir, si elle suit les conclusions de l’avocat général, serait clairement favorables aux opérateurs économiques et aux moteurs de recherche.

    (Mise en ligne Octobre 2009)

    Virginie Brunot

    Avocat, Directrice du département Propriété industrielle – Contentieux

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