Nouvelle condamnation pour Microsoft. Le 27 juin dernier, le tribunal de l’Union européenne a confirmé la décision de la Commission européenne imposant une astreinte d’un montant de 899 millions d’euros à Microsoft pour ne pas avoir permis à ses concurrents d’accéder aux informations relatives à l’interopérabilité à des conditions raisonnables (1).
Rappelons qu’à la suite d’une décision du 24 mars 2004 de la Commission européenne, Microsoft avait l’obligation de mettre en place un mécanisme de divulgation des informations relatives à l’interopérabilité. Pour ce faire, la Commission lui ordonna de donner accès à ses informations et d’en autoriser l’usage à des conditions raisonnables et non discriminatoires (2).
Considérant que Microsoft n’avait pas fourni une version précise et complète des informations relatives à l’interopérabilité dans le délai fixé et que le taux de rémunération réclamé par Microsoft pour donner accès à ses informations n’était pas raisonnable, la Commission a adopté plusieurs décisions lui imposant des astreintes.
C’est dans ce contexte que le tribunal de l’Union européenne a confirmé, pour l’essentiel, la décision de la Commission. Le tribunal a considéré, dans un premier temps, que contrairement à ce qu’elle tentait de soutenir pour échapper aux critiques relatives au taux de rémunération qu’elle appliquait aux preneurs de licences de ses produits pour leur permettre l’accès et l’utilisation de la documentation technique renfermant les informations relatives à l’interopérabilité, la société Microsoft était tout à fait en mesure d’apprécier le caractère raisonnable ou non de ces taux de rémunération., et ce, grâce aux critères d’évaluation élaborés conjointement par elle et par la Commission.
La Commission n’était donc pas tenue de fixer elle-même le taux de rémunération. L’astreinte à laquelle la société Microsoft a succombé pouvait donc valablement être prononcée par la Commission, cette dernière ayant satisfait à son obligation de motivation en précisant les raisons pour lesquelles les taux de rémunération n’étaient pas raisonnables.
Ainsi, ces rémunérations n’étaient-elles pas raisonnables, notamment, parce qu’elles auraient dû refléter « (…) la seule valeur intrinsèque des informations en cause [il s’agit des informations d’interopérabilité] (3), à l’exclusion de la valeur stratégique résultant de la simple possibilité qu’elles octroient d’interopérer avec les systèmes d’exploitation de Microsoft ».
Le tribunal ajoute que « permettre à Microsoft de réclamer des taux de rémunération reflétant la valeur résultant de la simple possibilité d’interopérer avec les systèmes d’exploitation… » de Microsoft reviendrait à lui permettre de s’opposer à une concurrence viable en l’autorisant à réclamer des taux de rétribution prohibitifs, par définition non raisonnables comme l’exigeait la décision précitée de la Commission.
Ces rémunérations n’étaient, par ailleurs, pas raisonnables également en raison du fait qu’elles prévoyaient une rémunération pour des technologies qui n’étaient pas nouvelles « (…) en ce sens qu’elles sont comprises dans l’état de la technique » ou « qu’elles découlaient d’une manière évidente de l’état de la technique pour un homme du métier ». Des changements « incrémentaux mineurs ou des améliorations mineures ne représentant qu’une valeur négligeable pour les destinataires des informations relatives à l’interopérabilité ne sauraient être qualifiées d’innovants pour les besoins de l’exécution de la décision de 2004 ».
Contrairement à ce que faisait valoir la société Microsoft sur ce point, le tribunal retient que ce critère ainsi retenu n’a pas pour effet d’anéantir, en général, la valeur des droits de propriété intellectuelle, des secrets d’affaires ou des autres informations confidentielles ni même d’imposer ce caractère comme condition pour qu’un produit ou une information soit couvert par tel ou tel droit ou constitue un secret d’affaires en général.
Néanmoins, le tribunal a révisé le montant de l’astreinte à laquelle Microsoft était tenu afin de tenir compte d’une lettre de la Commission du 1er juin 2005 acceptant que la société Microsoft limite la distribution des produits développés par ses concurrents sur la base des informatives relatives l’interopérabilité non couvertes par un brevet jusqu’au prononcé de l’arrêt T-201/04 du tribunal de l’Union.
Le chapitre « Microsoft » n’est cependant pas clos. La Commission européenne vient en effet d’ouvrir, le 17 juillet dernier, une procédure en vue de déterminer si l’entreprise a failli à son engagement pris en 2009 consistant à proposer aux utilisateurs un écran multi-choix leur permettant de sélectionner facilement le navigateur web qu’ils souhaitent (4). En effet, le 16 décembre 2009, la Commission a rendu juridiquement contraignants pour Microsoft les engagements que celle-ci avait pris pour remédier aux problèmes de concurrence soulevés par la Commission au sujet de la vente liée du navigateur de Microsoft, Internet Explorer, et de son système d’exploitation dominant pour PC clients, Windows.
(1) Arrêt TUE du 27 juin 2012 aff. T-16708 Microsoft
(2) Décision Commission européenne du 24 mars 2004 COMP C-3 37792 Microsoft
(3) Ajouté par nous.
(4) Communiqué de presse CE du 17 juillet 2012, IP-12-800_FR